Le 23 octobre 2014, les députés français ont voté un amendement, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015, qui condamne à deux ans de prison et 30 000 € d'amende tout ceux qui inciteraient leurs concitoyens à ne plus cotiser à la sécurité sociale française.
On peut s'étonner qu'une telle loi puisse être envisagée puisque, s'il n'est pas autorisé de cotiser à un autre organisme que la sécurité sociale française, la loi condamnera alors ceux qui voudraient le faire. Pourquoi s'acharner et ajouter une deuxième loi spécifique. De plus, il semble que ces français qui se font appeler « les libérés de la sécu » ne seraient qu'une poignée d'après les dires de Madame Marisol Touraine, ministre de la santé et de la protection sociale.
Revenons quelques années auparavant. En 1992, la commission européenne a donné des directives autorisant la libre circulation des assurances vie et non vie (Directive 92/49/CEE du Conseil du 18 juin 1992 et Directive 92/96/CEE du Conseil du 10 novembre 1992). En préambule elle précise que ces directives ne concernent pas les régimes légaux de sécurité sociale. Il faut tout d'abord s'entendre sur ce que représente un régime légal. Il s'agit d'un régime qui s'applique à l'entière population d'un état. Pourtant, force est de constater que les régimes de sécurité sociale français ne sont que des régimes professionnels comme en témoigne la jurisprudence de l'arrêt Podesta (25 mai 2000 (CJUE)).
En 1994, les Lois N° 94-5 du 4 Janvier 1994 et N° 94-678 du 8 Août 1994 transposent en droit français les deux directives précédentes. Pourtant, afin que ces directives puissent être appliquées, il a fallu attendre 2001 et une condamnation avec pénalité de la France par l'Europe qui la contraignait à produire l'ordonnance relative au code de la mutualité permettant la transposition de ces directives 2992. C'est Lionel Jospin qui produisit cette ordonnance permettant alors que cette libre circulation des assurances dites mutuelles soit écrite dans le droit français (ORDONNANCE N° 2001-350 DU 19 AVRIL 2001 et LOI N° 2001-624 DU 17 JUILLET 2001).
Tous les organismes de sécurité sociale français sont des organismes de droit privé. Ils dépendent tous du code de la mutualité (Ordonnance 45/10 du 4 octobre 1945 et ordonnance 145-2456 du 19 octobre 1945).On peut donc considérer que les directives de 1992 s'appliquant aux mutuelles, concernent aussi les organismes de sécurité sociale français.
Par ailleurs, les organismes mutualistes ont l'obligation par le décret N° 2001-1109 du 23 Novembre 2001, d'être immatriculé au registre national des mutuelles comme l'a prévu l'article L–411–1 du code de la mutualité. Pourtant, il semble qu'aucun de ces organismes mutualistes ne soit inscrit sur ce registre. En conséquence, et selon ce décret, ces organismes devaient être dissouts au 31 décembre 2002.
On comprend alors beaucoup mieux que les organismes de sécurité sociale qui revendique un monopole incontestable, ne soient pas dans une situation favorable pour l'imposer envers et contre la loi. Il devient alors beaucoup plus évident qu'il était nécessaire que le législateur français produise une loi liberticide pour faire taire ceux qui voudraient s'opposer à ce monopole surtout lorsqu'ils ont des propositions concrètes à faire pour une réforme réelle d'une sécurité sociale dont le déficit est devenu abyssal.
On peut donc se demander à qui profite cette dette pour vouloir bâillonner ainsi ceux qui portent une réforme efficace ?
Au cours des 30 dernières années, aucun des hommes politiques, de droite comme de gauche n'a été capable d'endiguer le déficit croissant d'un système social que nous ne pouvons plus payer depuis bien longtemps. Il n'est nullement question de remettre en cause les principes mêmes de la solidarité et de la protection sociale puisqu'ils sont inscrits dans le droit européen. L'organisation Liberté Sociale, loin des mouvements poujadistes et ultra conservateurs, revendique le juste droit de choisir ses assurances sociales en Europe, est très attaché à ces principes de solidarité et d'accessibilité aux prestations sociales.
Cependant, il faut prendre conscience de la situation dramatique pour les générations à venir que les différentes politiques ont laissé s'installer depuis plusieurs décennies. Le déficit annuel de la sécurité sociale est quasiment constant depuis 30 ans et ce déficit cumulé est aujourd'hui de plus de 220 milliards d'euros (y compris le résultat de la CADES). Concrètement ceci veut dire que chaque enfant français qui ne travaille pas encore a déjà 40 000 € de dette sociale. Dette qu'il devra rembourser tout au long de sa vie active.
Ce « meilleurs système social au monde » dont la France se vante est loin d'être aussi merveilleux qu'on veut bien le laisser entendre.
En effet, lorsque l'on prend les critères de l'OCDE sur la durée de vie, la qualité de vie des personnes âgées, les critères de bonne santé de la population, etc., la France est loin d'être au tout premier niveau.
Par ailleurs, lorsque l'on étudie le coût de la protection sociale française, on constate qu'il y a une augmentation croissante depuis 1980 des charges sociales. Les gouvernements successifs s'étant aperçus qu'on ne pouvait plus financer la sécurité sociale ont ajouté progressivement de multiples charges : la CSG en 1990, la CRDS en 1996, le fonds de solidarité vieillesse en 1993, tout cela a conduit à ce que le taux de cotisations sociales soit aujourd'hui de 15,5 %. Malgré tout, le déficit reste croissant. Conscients que les prélèvements sociaux ne permettaient plus de financer la solidarité, celle-ci a été exclue du champ d'application des charges sociales et il a été créé en 2000 la CMU ( cotisation maladie universelle) complétée bientôt par la CMU complémentaire puis le RMI, transformé en RSA (revenu de solidarité active) et plus récemment 'ACS ( aide la la complémentaire santé). Ces dernières cotisations, qui sont la réelle application de la solidarité nationale, ne sont plus financées depuis longtemps par les charges sociales mais par l'état et plus récemment par le reversement de 6,47 % des contrats responsables proposés par les mutuelles. On comprend ainsi beaucoup mieux que l'État ait imposé les mutuelles obligatoires pour tous les Français à partir de 2015.
Si on regarde le reste à charge des Français eu égard à leur protection de santé notamment, on ne peut qu'être frappé par l'insuffisance du système social. En effet alors que les taux de cotisations sociales n'ont cessé de s'accroître, si on considère l'ensemble des frais de santé, la sécurité sociale française ne couvre qu'à hauteur de 46 % environ de la dépense réelle. Il est donc utile pour 85 % des Français d'avoir aujourd'hui une mutuelle dont le coût relatif va de 236 € à 1300 € en moyenne et par an, en fonction de l'âge. Pourtant, ces mutuelles ne couvrent pas la totalité des frais de santé qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale et il y a en France un reste à charge de 7,4 % ce qui nous place bien en dessous de beaucoup de nos concitoyens européens. Monsieur Martin Hirsch, Directeur de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris l'a rappelé lors de la conférence des jeudis de la santé organisée le 13 mars 2014 par le journal Libération.
Alors pourquoi ce système en déficit constant depuis 30 ans, maintes fois réformé avec comme seule solution une augmentation des taxes et des charges, reste-t-il encore et toujours déficitaire ?
Le drame social qui se prépare et que vivent déjà nos retraités va conduire la société française à une révolution bien plus violente que ne l'imaginent les hommes politiques. En effet les inégalités sociales sont de plus en plus importantes et bon nombre d'artisans, de commerçants, de chefs de petites et moyennes entreprises, d'indépendants, se trouvent en situation d'impossibilité de paiement en raison de l'accroissement démesuré et non justifié de leurs charges sociales. Ils ne peuvent plus payer et pour beaucoup, la seule solution est de se libérer du joug de la sécurité sociale pour faire valoir le droit à la concurrence entre les assureurs européens.
Le traité de Lisbonne mis en application en 2009, introduit de nouvelles dispositions sur la politique sociale. Les organismes de sécurité sociale doivent assurer une qualité, une sécurité et une accessibilité des prestations. Il doit aussi y avoir une égalité c'est-à-dire une équité dans les prestations reversées. Et c'est bien la que le système français est complètement hors sujet.
Prenons par exemple les indemnités journalières versées lors d'un arrêt de travail. Le délai de carence et de zéro jour pour un fonctionnaire, de trois jours pour un salarié du privé, de huit jours pour un artisan est de 90 jours pour un médecin. Comment peut-on expliquer, quelque soit le niveau de cotisation des individus, qu'il 'y ait pas des prestations identiques ? Les deux dernières catégories cotisent au régime social des indépendants (RSI) dont il est publié partout que le coût est exorbitant. Pourquoi alors ont-ils des prestations de moins bonne qualité que leurs concitoyens ?
Prenons l'exemple des allocations familiales. Ce régime pouvait être assimilé à un régime légal puisqu'il était accessible de manière identique à tous les concitoyens. Il offre une allocation de base identique pour tous les Français. Cependant les fonctionnaires de l'État ne bénéficiaient pas historiquement de ces allocations de base. Ils avaient donc un supplément familial pour compenser. En 2005, il leur a été attribué de manière identique à tous les autres citoyen français une allocation de base mais le supplément familial n'a jamais été supprimé. Pourquoi une telle disparité dans les prestations ?
Si on prends maintenant les taux de cotisation pour la retraite en fonction des différents secteurs professionnels, on peut constater que le mode de calcul est très différent et n'est absolument pas comparable. On pourrait alors espérer que les conditions d'acquisition de cette retraite et le mode de calcul soit superposable. Pourtant le calcul de la retraite d'un fonctionnaire se base sur les six derniers mois de travail alors que pour un salarié du privé il s'agit des 25 meilleures années et que pour tous les indépendants il s'agit des 25 dernières années. Il y a là encore une anomalie caractérisée surtout lorsque l'on sait qu'un salarié doit cotiser 40 ans pour obtenir sa retraite et qu'il ne peut pas la cumuler avec une autre prestation de retraite. Un élu de la République, quant-à-lui (un député par exemple) peut obtenir son droit total à la retraite au bout de 22,5 années de cotisations moyennant une adaptation et il peut la cumuler avec d'autres prestations de retraite. Les élus seraient-ils des Français différents des autres ?
On ne peut pas énumérer toutes les anomalies du système social français mais il apparaît qu'avec le temps il ne répond plus du tout aux exigences des traités européens, il ne satisfait plus du tout une grande majorité des cotisants avec une inéquité d'accès aux prestations qui engendre une réelle fracture sociale.
Liberté sociale a donc proposé après un benchmark, des possibilités de réforme et de restructuration du système social français. En prenant exemple sur l'Allemagne, sur les Pays-Bas, sur la Nouvelle-Zélande, nous avons pu montrer que des systèmes de sécurité sociale identique au nôtre et qui étaient en grand déficit, ont pu, grâce à une réforme performante, garder la qualité de prestations comme en témoignent les résultats des études de l'OCDE, tout en diminuant considérablement les coûts et les déficits. À tel point, que l'Allemagne a maintenant une sécurité sociale excédentaire. Comment ont-ils pu en arriver là ?
Il a tout simplement été introduit une part plus ou moins importante de concurrence entre les organismes sociaux. C'est l'État qui détermine les règles de la protection sociale avec notamment un panier de soins de base, une garantie d'accès aux assurances sans adaptation de la prime aux antériorités médicales ou à l'âge par exemple. L'assuré a le libre choix de son assurance et toute assurance qui s'engage à faire de la protection sociale n'a pas le droit de refuser un assuré.
Alors la solidarité me direz-vous : elle est assurée par un fonds de solidarité nationale financé en grande partie par l'impôt et qui permet aux citoyen en difficulté et aux jeunes d'avoir une aide qui peut être totale, à la prise en charge de leurs cotisations sociales. Il n'y a donc aucun problème de solidarité dans ces systèmes qui répondent parfaitement aux recommandations européenne.
Reste le problème des retraites qui sera toujours difficile à réformer à court terme. Cependant, l'exemple donne par Monsieur José PINERA en 1981, alors ministre du travail et des retraites au Chili, montre que la transformation d'un système par répartition vers un système par capitalisation a permis de multiplier par trois les traitements de retraite de ceux qui avaient choisi cette deuxième option.
Là aussi, l'État doit fixer les règles de la couverture et de la gestion des organismes privé qui administrent les fonds de pension. L'État garantit les retraites en cas de difficultés financières de ces fonds de pension. Les cotisants actifs peuvent récupérer leur mise et changer d'administrateurs de fonds de pension s'ils le souhaitent.
Depuis lors, plus de 30 états dans le monde ont choisi ce système dont la Suède et les Pays-Bas parmi les pays les plus proches. L'Allemagne s'interroge sur une telle réforme.
L'étude économique que nous avons réalisée nous permet de donner des résultats très encourageants sur l'augmentation du pouvoir d'achat des Français. On a décidé de n'intervenir que sur la partie de la prestation de santé eu égard à la répartition actuelle des charges sociales entre l'employeur et le salarié (nous ne modifions pas du tout la cotisation de retraite et ne changeons pas les règles de cotisations pour les allocations familiales). Nous avons ainsi pu évaluer qu'il y aurait une augmentation de 19 % du salaire net des Français.
Si l'on considère le salaire moyen mensuel français de 2830 € brut avec une population active ayant un emploi de 25 800 000 personne en 2013, nous obtenons un gain de base de 1 point de PIB(produit intérieur brut). L'amélioration de la prestation sociale permet de se passer de mutuelle ce qui fait une économie allant de 254 € à 1300 € par an en moyenne (coût moyen annuel d'une mutuelle pour un salarié de 25 ans et un salarié de 60 ans).
En ajoutant la fin des taxes pour le remboursement de la dette sociale (CSG et CRDS) et l'optimisation des frais de fonctionnement de ces assurances sociales, nous avons montré que nous pourrions obtenir près de 2 % du produit intérieur brut a réinjecter dans l'économie française. Ceci revient a donner immédiatement du pouvoir d'achat aux ménages, une amélioration de la trésorerie des entreprises ce qui autorisera les investissements et le retour d'une politique de croissance et de création d'emplois.
Alors en conséquence de ce travail réalisé par des citoyens, apolitiques, engagés dans la sauvegarde de leur pays pour les générations à venir, pourquoi les députés français font-ils voter une loi pour bâillonner ceux qui propose une option qui n'a jamais été évaluer en France.
Liberté sociale est à la disposition de tous les acteurs politique français qui voudront bien prendre un peu de leur temps si précieux pour étudier cette option de réforme avec des partenaires engagés et indépendants des courants politiques.
Christian Couturier secrétaire général de Liberté Sociale.