Selon toute vraisemblance, la France s’apprête à vivre un quinquennat Macron. À ce stade, voici les premières lignes de crête que nous pouvons dégager de ce prochain mandat, en identifiant d’ores et déjà les contradictions ou les limites auxquels il se heurtera.
Pourquoi y aura-t-il un quinquennat Macron?
Même si Emmanuel Macron a réalisé une mauvaise première partie de campagne d’entre-deux-tours, son avance sera à peu près impossible à rattraper par Marine Le Pen. Il faudrait un enchaînement de cataclysmes pour que cette avance s’inverse et que la candidate FN parvienne à remporter l’élection.
La seule inconnue qui pèse sensiblement sur l’issue du scrutin est celle de l’abstention et de son volume. En l’état, les sondages n’indiquent en tout cas aucune tendance majeure d’inversion entre les candidats. C’est une chance dont Macron peut se louer après un premier tour où il apparaît comme le candidat le moins bien soutenu par les électeurs depuis 2002.
Source: www.entreprise.news
En réalité, Marine Le Pen combat aujourd’hui pour assurer sa stature d’après scrutin et pour réaliser un bon score aux législatives. Mais l’enjeu présidentiel est quasiment plié.
La question du score d’Emmanuel Macron est au centre des stratégies
Pour Emmanuel Macron, deux stratégies sont possibles aujourd’hui. Il y a d’un côté, celle qu’il ne suit pas: qui consiste à rassembler autour d’un Front Républicain (très hypothétique) en lâchant des concessions sur son programme à ses alliés potentiels, notamment du côté des Insoumis.
Il y a de l’autre celle qu’il suit: elle consiste à rester droit sur un programme annoncé comme libéral et inscrit dans les engagements communautaires de la France. De ce point de vue, ce programme a plus de chance de mordre sur sa droite que sur sa gauche.
Le choix assumé par Emmanuel Macron est celui de viser un score probablement assez bas pour ne pas tirer son élection d’un front melting-pot où il serait redevable d’une multitude d’alliances neutralisant son programme. Pour réformer, il a besoin d’un vote d’adhésion à son programme, et non d’un vote de rejet contre Marine Le Pen.
La stratégie « rigide » de Macron peut-elle être gagnante aux législatives?
La stratégie d’un Macron droit dans son programme peut-elle être gagnante aux législatives? Cette étape sera indispensable pour gouverner. Reste à mesurer la capacité du futur président à dégager une majorité sur ses propres listes, sans accord électoral avec les partis traditionnels. Rappelons que passer le cap du premier tour aux législatives suppose de recueillir 12,5% des inscrits… Compte tenu du poids de l’abstention, le deuxième tour est donc accessible à tous les candidats qui atteignent environ 20% des voix.
En l’état, Emmanuel Macron a repoussé l’idée d’alliances électorales avec les partis en place, et il ne leur lâche guère de concessions. Faute de personnalités connues sur leur territoire, il s’expose donc, même si ses listes réalisent un bon score, à des duels, des triangulaires, des quadrangulaires qui seront autant de mises en risque de sa future majorité.
Dans de nombreuses circonscriptions, le choix des électeurs se porte en effet sur une personnalité bien avant de se porter sur une étiquette. Emmanuel Macron prend un risque important en ignorant cette règle.
Quelle légitimité pour des réformes de structure?
Avec un score sous la barre des 60% aux présidentielles, et l’exposition au risque d’une majorité simplement relative à l’Assemblée Nationale, le quinquennat Macron s’annonce donc comme un accouchement par le siège: compliqué, douloureux, dangereux, long… Dans son discours de La Villette, le candidat a fait la promesse à la fois de renouveler le personnel politique et de porter ses réformes. Reste à savoir de quelle légitimité il disposera pour modifier des équilibres perçus comme fondamentaux par les Français.
L’épisode de la loi Travail, pourtant bien inoffensive mais perçue comme ultra-libérale par ses détracteurs, a illustré la difficulté pour un gouvernement même doté d’une majorité absolue à l’Assemblée de mettre en oeuvre ses intentions. Dans le cas d’Emmanuel Macron, l’exercice sera infiniment plus compliqué du fait de ce qui apparaîtra très vite comme des contre-performances électorales, quoiqu’on en dise aujourd’hui.
On peut donc avoir quelques inquiétudes quant à la capacité du candidat à agir demain.
Un risque qui est aussi une opportunité
Ces précautions étant posées, reste que, dans l’hypothèse miraculeuse où le pari d’Emmanuel Macron serait gagné (celui d’une majorité présidentielle et d’une majorité parlementaire suffisante pour gouverner sans passer par les fourches caudines des autres partis), son programme pourrait constituer une opportunité intéressante pour procéder à d’utiles réformes de structure. On pense ici à la mise en place d’un système de retraites par points, à la fiscalisation de l’assurance maladie ou à l’expropriation de ce funeste paritarisme de gestion qui nous épuise.
L’intérêt majeur du programme d’Emmanuel Macron repose en effet sur une refonte de la protection sociale. Ses propositions sur le travail, diabolisées par la gauche de la gauche, sont assez proches de l’existant et n’auront pas d’impact majeur sur la vie des entreprises. Elles pourraient entamer un processus intéressant de diminution de la masse globale des cotisations sociales.
Le risque politique majeur d’une déception
Pour le candidat Macron, décevoir sur ces deux points (renouveler le personnel politique, réformer une protection sociale coûteuse et peu performante) conduirait à une lourde sanction politique et sociale. De toutes parts, les couteaux sont aiguisés et le régime ne se remettrait probablement pas d’un échec dans la mise en oeuvre d’un projet qui sera, quoiqu’il arrive, fortement contesté.
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog