Pierre Moscovici aurait-il séché les cours d’économie ?

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Par Louis Vergeat Modifié le 7 février 2013 à 6h06

Les fonctions de ministre sont harassantes surtout si certaines matières ont tendance à vous fatiguer voire à vous échapper. Ainsi, l'honorable Pierre Moscovici est avant tout un politique avant d'être un féru d'économie. Lors de la séance de questions au gouvernement du mardi 5 février, il a été jubilatoire lorsqu'il a prononcé – pour ne pas dire récité – la phrase suivante : "Passer son temps à dénigrer son propre pays alors qu'il est la cinquième puissance économique du monde, c'est antipatriotique". Autrement dit, il est moralement interdit et antipatriotique de questionner un ministre sur le chômage et sur la politique économique du gouvernement auquel il appartient. Curieuse conception de la vie parlementaire.

Mais la séance n'était pas terminée et tel un bouquet final de feux d'artifices, le ministre a démontré sous la voute presque céleste de l'hémicycle son talent dans l'approximation. Soyons précis : répondant à une question de la députée PS de l'Isère Joëlle Huillier sur la future loi bancaire, Pierre Moscovici a d'abord vanté les vertus – que nul ne conteste sérieusement – d'une séparation entre les activités de banques de dépôts et celles à haute teneur spéculative. Puis, il a employé le mot "filialisées" pour définir les activités qui seraient désormais extraites du cœur de l'activité bancaire. Je m'imagine mal insulter l'intelligence du lecteur en lui rappelant qu'une maison mère garde, en droit des affaires, un lien de responsabilité vis à vis d'une filiale. D'où par exemple la célèbre notion d'extension de procédure collective qui revient à voir un tribunal décider d'étendre une cessation des paiements d'une filiale donnée à la holding.

Si tel est le fondement textuel de la future loi bancaire, tout un chacun a compris son vide sidéral par opposition à la future directive européenne dite Liikanen qui sera d'une autre qualité de rédaction. Il y a donc défaut probable de conception d'un point-clef de la future législation et une question : que fait le ministre ? Puis, toujours dans sa réponse à Madame Huillier, le ministre a expliqué qu'en cas de défaillances, les "créanciers" seraient concernés. Magnifique erreur économique. Les actionnaires certainement mais pas forcément les créanciers qui auront probablement eu recours à des produits de couverture surtout s'ils confient leurs avoirs à des segments très spéculatifs de l'activité bancaire. Je laisse au lecteur intéressé le soin de voir l'image où le ministre, tel un Rafale catapulté, sort une incongruité de ce rang.

Il y a plusieurs années (1998), un homme brillant qui avait fait travailler Pierre Moscovici avait dit devant un parterre restreint que "Mosco est un peu court, il a dû manquer des cours". Près de quinze ans après, les faits sont "têtus" comme aimait à le dire Jacques Delors et le jugement de DSK s'impose avec rigueur et à bon escient. On n'imagine en effet mal Messieurs Cazeneuve, Cahuzac ou Sapin lâcher de telles erreurs manifestes d'appréciation que celles qu'affectionnent ce ministre sûr de son look plus que travailleur crédible.

Attendons par conséquent le 22 février, date à laquelle la France et son ministre patriote seront devant la Commission européenne pour un examen de la pertinence des prévisions de croissance : les fameux 0,8 %. Lors d'une émission récente (le 23 janvier sur RMC et BFM avec Jean-Jacques Bourdin), l'imperturbable Pierre Moscovici a répété que ce choix de 0,8 % était tenable... Pour utiliser, en conclusion volontairement polie, une traduction latine : "L'erreur est humaine, il est diabolique de persévérer".

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Consultant en gestion pour des groupes privés et pour des entités publiques importantes (Douanes, SGG,...)

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