La grogne des automobilistes face à la hausse des taxes sur le carburant est liée au caractère incompréhensible de la fiscalité française. S’il était clair qu’en faisant leur plein à la pompe les automobilistes, motocyclistes et propriétaires de véhicules utilitaires savaient qu’ils paient le droit d’utiliser un réseau de voies de circulation de bonne qualité, la facture serait peut-être différente de ce qu’elle est, et surtout il y aurait moins de réticences à la payer : chacun comprend que les services ont un prix, et que pour bénéficier de bons services mieux vaut ne pas être un Harpagon.
Une fois de plus, la Philosophie de l’impôt de Philippe Nemo (PUF, 2017) indique la voie à suivre pour quitter ce qu’il appelle « le prêt-à-penser idéologique socialisant » dont sont hélas pétris nos dirigeants, et passer à une conception économiquement et politiquement saine de la fiscalité : considérer celle-ci comme étant le moyen pour l’Etat et les collectivités territoriales d’encaisser l’argent dont ces administrations ont besoin pour produire les biens et les services qui ne relèvent pas du marché.
Tout impôt doit avoir une contrepartie. Dans certains cas, cette contrepartie peut être hétéroclite : la TVA, par exemple, n’a pas vocation à financer un seul des nombreux services publics, mais beaucoup d’entre eux. En revanche, la taxe sur les carburants peut être affectée à un nombre réduit de services, à commencer bien entendu par la création, l’amélioration et l’entretien des voies de communication et par la lutte contre la pollution atmosphérique. Si la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) était ainsi clairement la participation des usagers de la route et autres utilisateurs de produits énergétiques à des services publics clairement identifiés, son augmentation ne serait pas possible pour un simple ajustement global de nos finances publiques. Quant aux payeurs, comprenant l’usage qui est fait de leurs deniers, ils seraient moins mécontents si d’aventure une augmentation du taux de la TICPE, dont les raisons leur seraient dûment expliquées, s’avérait nécessaire.
Les citoyens sont trop souvent traités comme des « cochons de payant ». Ils paient sans savoir pourquoi, à la différence du consommateur qui passe à la caisse après avoir rempli son caddie. Le contribuable a droit à davantage de respect. La conception de la fiscalité en usage à Bercy est périmée ; elle doit être repensée à la lumière de travaux comme ceux de Philippe Nemo cités plus haut. Il devient insupportable de ne rien pouvoir comprendre aux finances publiques, parce que nos grands argentiers se plaisent à tout compliquer, à tout mélanger. Quand on demande aux Français de payer plus, ils veulent savoir pour quoi : c’est ça la démocratie !