Publicité en ligne : un marché bidon en folle croissance

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Par Simone Wapler Publié le 3 octobre 2017 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
119 milliards ?En 2013, le marché de la publicité en ligne pesait 119 milliards d'euros.

Le marché de la publicité en ligne est secoué par un scandale : les trafics sont faussés par des robots.

Si vous naviguez sur internet, vous expérimentez sans doute les rouages de la publicité sur ce media. Lorsque vous effectuez une recherche, des liens commerciaux se présentent d’abord à vous. Les commerçants achètent leur visibilité en payant des mots clés. Si vous allez sur un site précis, des publicités se présentent à vous. Si nous nous rendons simultanément au même endroit, vous ne verrez pas les mêmes annonceurs que moi grâce à la magie des cookies emmagasinés par votre navigateur. Toute cette belle mécanique sollicitant notre portefeuille se paie. Une myriade de prestataires, grands et petits, surfe sur cette vague. Les annonceurs de leur côté se sont laissés séduire par des assurances de retour sur investissement.

Ces annonceurs ne savent pas vraiment le nombre d’yeux qui ont traîné sur la page de magazine ou l’affiche 4×3 qu’ils avaient achetées à grands frais. En revanche, un geek leur garantit des taux de clic, du trafic, etc. Enfin… c’est ce qu’ils croyaient jusqu’à présent. Car un scandale couve concernant la publicité sur internet et ses conséquences risquent d’être très importantes sur le secteur des valeurs technologiques gonflé à bloc après 10 ans de création monétaire. Amazon (AMZN) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 248 ; Nvidia (NVDA) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 49 ; Facebook (FB) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 37 ; Alphabet (GOOGL) se négocie selon un ratio cours/bénéfices de 34.

Dit autrement, il faudra plus de 30 ans de bénéfices, en l’état actuel des choses, pour que votre « investissement » Facebook ou Alphabet soit rentabilisé. Acheter revient à spéculer sur un triplement ou un quadruplement des bénéfices actuels. Beaucoup de ces entreprises font une part considérable de leur chiffre d’affaires avec la publicité en ligne. Par exemple, les clients payent Facebook en échange d’un espace publicitaire en ligne, espace payé sur la base du trafic Internet. C’est un marché en forte croissance.

Un trafic bidon fait par des robots

Toutefois, il apparaît désormais que des robots, et non des humains, sont à l’origine de ce trafic internet. Par conséquent, ce que Facebook et les autres facturent à leurs clients en échange de l’espace publicitaire est fondé sur une tromperie. Le directeur marketing d’Unilever, dont le budget pour la publicité en ligne est de 8,4 Mds$, a indiqué que 60% du trafic reposait sur des robots.

En septembre 2016, on avait appris que Facebook surestimait d’au moins 60% à 80% la durée de visionnage des vidéos publicitaires. « Selon des sources informées, les grands annonceurs et spécialistes du marketing sont mécontents de Facebook Inc., car ils ont appris que, depuis deux ans, ce géant de l’internet surestimait énormément le temps de visionnage moyen des publicités-vidéo sur sa plateforme. […] Les méthodes de comptage initiales avaient probablement surestimé de l’ordre de 60 à 80% le temps de visionnage des vidéos, selon un courrier que Publicis Media a adressé fin août à ses clients, et que The Wall Street Journal a analysé. » Dow Jones News, Facebook Overestimated Key Video Metric For Two Years Evidemment, les annonceurs ne restent pas inertes.

Le 27 juillet dernier, le directeur opérationnel de Procter & Gamble, David Taylor, annonçait au Wall Street Journal avoir coupé les budgets de certaines publicités en ligne et ne constater aucune différence. Puis le site Zerohedge indiquait que Google allait rembourser les annonceurs dans certains cas avérés de trafic artificiel. Enfin, le 7 septembre se tenait une conférence organisée par Goldman Sachs sur le thème du commerce de détail mondial. Le président de Restoration Hardware, Gary Friedman, y faisait cette savoureuse confidence : « Nous avons découvert que 98% de notre chiffre d’affaires provenait de 22 mots. Attendez… nous achetons 3 200 mots et 98% du chiffre vient de 22 mots. Quels sont ces 22 mots ? Ils ont dit, eh bien, c’est ‘Restoration Hardware’ et les 21 orthographes incorrectes, d’accord ? »

Récapitulons, cher lecteur…

- De nombreuses valeurs technologiques s’échangent actuellement à des ratios cours sur bénéfice hallucinants.
- La plupart des bénéfices s’appuient sur des recettes de publicité en ligne dont la croissance est très soutenue.
- Les prix de ces publicités dépfendent du trafic.
- Ce trafic est dû à des robots qui sont incapables d’acheter.
- Les annonceurs à gros budgets réduisent la voilure et constatent qu’ils ne s’en portent pas plus mal.

Suspense insoutenable : qui aura le dessus, les robots du trading ou les robots du trafic bidon ? Question subsidiaire : quels ratios cours sur bénéfice verrons-nous cette fois-ci avant l’effondrement final (sachant que quelque chose divisé par zéro tend vers l’infini) ?

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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