Un vent de protectionnisme souffle sur l’économie mondiale, et les marchés ont bien peur de s’enrhumer.
Après des décennies d’abaissement des barrières douanières, la nouvelle politique américaine, notamment vis-à-vis de la Chine ouvre une nouvelle ère de montée du protectionnisme. A l’origine de ce changement brutal, il y a le déficit important de la balance commerciale américaine qui n’a cessé d’augmenter mécaniquement depuis des décennies au cours desquelles les déficits budgétaires se sont succédé.
Au lieu de traiter cette cause racine, on fait le choix de frapper fort à l’endroit où le déficit est le plus visible : les échanges commerciaux avec la Chine. La réciprocité étant la règle en ce domaine, nous assistons désormais à une cascade d’annonces protectionnistes de part et d’autre. Ce qui fait peur aux marchés, c’est que cela pourrait bien provoquer un ralentissement de l’économie mondiale et nous faire entrer en récession.
Benchmark monde
Il est bien difficile de déterminer quelle est la zone économique la plus protectionniste, notamment parce que le protectionnisme revêt des formes extrêmement variées et ne se limite pas aux taxes à l’importation et aux quotas. La politique de change a aussi une influence sur l’attractivité des produits issus d’une zone donnée. On assiste également à des formes extrêmement fortes de protectionnisme culturel ou les consommateurs font naturellement le choix de consommer local.
Ce qui est évident, c’est que certains pays sont des exportateurs nés (Chine, Allemagne, autrefois USA et Jâpon) et que d’autres sont des consommateurs nés (USA, France). Les consommateurs nés sont des déficitaires chroniques et les exportateurs nés sont en excédant chronique. Les politiques protectionnistes ont un effet sur cet état de fait (exemple de la Chine où presque toutes les importations industrielles sont taxées lourdement), mais ne font pas tout (ce sont bien ses lourds investissements industriels qui font de la Chine l’usine du monde).
Europe peut-elle se permettre d’etre protectionniste ?
Dans la phase actuelle de renforcement des barrières douanières, quelle peut-être la politique de l’Union Européenne au-delà de la simple réciprocité ? Y a-t-il une stratégie gagnante qui se baserait sur des mesures protectionnistes ? Dans un premier temps, on peut constater que la réciprocité s’impose à nous et face aux mesures de l’administration américaine, nous devons répondre systématiquement par des mesures présentant un impact équivalent. La complexité de la situation est de bien cibler les industries qui pourront dissuader le gouvernement américain d’aller plus loin dans l’escalade.
Ce qui à première vue ressemble à une bonne nouvelle pour les emplois locaux et l’environnement, n’en est pas forcément une : pour faire face aux nouvelles barrières douanières de l’UE, Harley Davidson envisage de produire au Brésil ou en Thaïlande à destination de l’UE. Un vrai résultat perdant-perdant pour les USA et l’UE.
Alors que l’UE ne peut pas faire grand-chose de plus que la réciprocité dans le domaine du commerce traditionnel, elle doit absolument réagir au plus vite dans les domaines du numérique où les barrières ne sont pas commerciales mais plutôt techniques et réglementaires. La Chine a très tôt compris que les Gafam menaçaient son indépendance et elle offre à ses consommateurs toutes les alternatives locales (les BATX) tout en bloquant techniquement les possibilités en Chine des géants américains. L’UE doit de toute urgence stopper l’hégémonie des Gafam sur son sol et faire émerger des alternatives Européennes dans les domaines de l’IA, du commerce en ligne et des services internet de messagerie. Il est évident que les dirigeants Européens n’ont pas compris le virage numérique de l’économie mondiale.
Entreprises et protectionnisme
L’industrie automobile allemande et son modèle de l’usine mondiale unique ont beaucoup à perdre dans la bataille du protectionnisme. Airbus pourrait aussi souffrir de la situation, même si son dispositif industriel est désormais largement mondialisé. Ce qui peut rendre nerveux les industriels, c’est que la réciprocité peut frapper de manière aveugle, sans rapport avec le secteur industriel initialement visé par les mesures protectionnistes. Un producteur de vin français peut faire les frais d’une mesure de compensation d’une hausse des tarifs dans le domaine de l’électronique grand public, elle-même répondant à une baisse de quotas sur l’acier européen…
La meilleure stratégie pour les industriels européens est, d’une part, d’avoir les meilleurs produits et d’autre part, d’avoir l’agilité de pouvoir fabriquer localement lorsque la situation politique l’impose. Dans sa stratégie de développement mondial, Arcure a fait le choix de développer un modèle d’unité de production facilement déployable au plus près du client. Nos clients japonais veulent des produits fabriqués au Japon, nous ouvrons donc une unité de fabrication au Japon. Les composants à forte valeur ajoutée restent fabriqués en France, mais l’assemblage final est réalisé localement, nous permettant de labelliser notre produit Blaxtair « made in Japan ». Une stratégie similaire devrait également être déployée aux USA.