Les failles de la protection des travailleurs isolés

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Par Philippe Billet Modifié le 21 octobre 2012 à 20h19

« Un médecin généraliste de Grenoble a été victime de violences verbales et physiques de la part d’une patiente pour avoir refusé d'écrire la mention "non substituable" sur l'ensemble de l'ordonnance qu'il venait de rédiger », s’indignait, à juste titre, la presse il y a quelques jours. « Cette fois-ci, c’était un parapluie et je n’ai pas été blessé, mais la prochaine fois, ça sera peut-être un couteau », s’inquiète le médecin traitant de cette patiente depuis plusieurs années. Est-il admissible d’accepter que de plus en plus de travailleurs isolés se fassent agresser alors même que la protection du travailleur isolé est une obligation légale pouvant conduire à la peine « d’homicide involontaire » en cas d’accident, et qu’il existe des dispositifs de prévention simples ?

Je voudrais rappeler quelques chiffres qui font froid dans le dos : chaque année, le Conseil national de l’Ordre des médecins recense 900 agressions physiques ou verbales signalées par les praticiens alors même qu’ils sont en train de soigner leurs patients ! Diagnostic implacable – probablement sous-estimé d’ailleurs car déclaré - auquel s’ajoutent les risques pesant sur de nombreux métiers où le travailleur est en situation d’isolement : personnels d’entretien, de livraison, de dépannage ou de soins à domicile, représentants, petits commerçants, transporteurs routiers, gardiens, etc... Plus 10% des salariés seraient concernés au moins de temps en temps ! Force est de constater que les agressions ne concernent pas uniquement les médecins, les conducteurs de bus et de métro ou les transporteurs de fonds dont la presse se fait régulièrement l’écho, elles sont présentes partout !

Loin d'être une nouveauté, la protection du travailleur isolé fait l'objet d'une loi depuis déjà 1992. Encore très peu appliquée, elle vise l'ensemble des secteurs d'activité. De plus en plus développé, ce phénomène de travailleur isolé est accéléré par le coût de main d'œuvre qui augmente et qui contraint les entreprises à diminuer leur contingent. « Avant, nous étions deux à faire la ronde du soir mais depuis que notre entreprise est en difficulté, je suis tout seul », me confiait un agent de sécurité récemment.


Alors, que dit la loi sur la protection du travailleur isolé ? Le code du travail prévoit que le chef de l’entreprise intervenante doit prendre les dispositions pour qu’aucun salarié ne travaille isolément (Art R237–10 du décret du 20/02/92) et que tout salarié doit faire l’objet d’une surveillance directe ou indirecte de jour et de nuit (Art R252 du 13/06/84). Des directives européennes viennent compléter le dispositif légal français en précisant que « le chef d’établissement doit mettre, en tant que besoin, les équipements de protection individuelle appropriés ». Il revient au chef d’établissement et au CHSCT de « déterminer les conditions pour lesquelles les équipements de protection individuelle doivent être mis à disposition ». Les conditions de sécurité des travailleurs sont donc réglementées et impliquent clairement la responsabilité du chef d’entreprise : à défaut de prise en compte de cette situation, sa responsabilité pénale est engagée en cas d’accident, au-delà de sa responsabilité morale évidente.

Une responsabilité à ne pas prendre à la légère, car les agressions peuvent avoir des effets graves sur la santé des salariés. Le plus souvent, ceux-ci se sentent vidés, anéantis. Ils peuvent éprouver des difficultés à s'endormir, faire des cauchemars à propos de leur travail. Dans certains cas, il a été observé des pathologies dermatologiques exacerbées: eczéma, psoriasis, urticaire. Parfois, le traumatisme est encore plus lourd, avec des décompensations psychiques, de longs arrêts de travail et la nécessité d'une aide thérapeutique.

J’ajoute que les risques qu’encourt le travailleur isolé ne se limitent pas aux agressions extérieures dénoncées par l’Observatoire pour la sécurité des médecins du Conseil national de l’ordre. Le périmètre est bien plus large : risques médicaux et psychologiques, risques face aux accidents que peuvent provoquer de nombreuses situations...


Et pourtant, il existe des solutions ! La prévention commence par une organisation du travail qui permet de réduire ou d’éliminer les situations de travail isolé, puis mettre en œuvre des moyens d'alerte et prévoir les dispositions pour le secours. Prévenir les risques, certes, mais surtout mettre à disposition des hommes un équipement performant et fiable qui leur permettra d’alerter immédiatement et efficacement. Car, on sait, dans un contexte de crise, qu’il est difficile de doubler les équipes. De plus, certaines professions, comme les médecins, ne se prêtent pas au doublement d’équipe.

Quelle est alors l’alternative possible et efficace pour tous ? Si l’aménagement des locaux en fonction du risque d’agression avec la mise en place de contrôle des accès, de vidéo-surveillance, de vitrages renforcés est une possibilité, elle n’est pas suffisante et ne couvre pas tous les risques encourus par le travailleur isolé.

Dans ce contexte, un Dispositif d’Alarme pour Travailleur Isolé (DATI ou PTI) peut s’avérer très efficace : le travailleur en danger mais conscient déclenche alors volontairement une alarme détresse ; le dispositif peut également détecter une position anormale du travailleur (perte de verticalité, immobilité prolongée, arrachement du dispositif) et déclenche automatiquement une alarme ; un système de localisation intégré permet une intervention rapide auprès de la victime.

Protéger les hommes dans l’entreprise est un devoir prioritaire de ses responsables. Etre protégé dans l’entreprise est un droit élémentaire reconnu par la Loi qui engage la responsabilité pénale du chef d’entreprise.

Dès lors, comment tolérer encore d’exposer le travailleur, quel qu’il soit, à des risques qui peuvent engager son pronostic vital alors même qu’il existe des solutions qui ont prouvé leur efficacité ?

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Ingénieur diplômé d’ESI Sup’Info  et titulaire d’un Executive MBA obtenu à la London Business School, Philippe Billet est Directeur Général d’Ascom France depuis mars 2011. Auparavant, il était Vice-Président pour l’Europe du Sud (France, Espagne, Portugal, Italie) chez Polycom. Il a également occupé des postes de Direction Commerciale et Générale chez des constructeurs : 3Com, Apple Computeur, Dell, APC et MGE UPS (filiale de Schneider Electric). Marié et père de 4 garçons, Philippe Billet est passionné de rugby, de vélo et de golf qu’il pratique régulièrement.

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