L’année précédant une élection présidentielle est souvent réputée être celle du renoncement, où les responsables publics choisissent d’ajourner les réforme nécessaires, de peur de froisser l’électorat, les syndicats ou groupes de pression dont le ralliement est espéré.
Force est de constater que le gouvernement Valls, après plusieurs périodes d’hésitations et d’occasions manquées, semble prendre le chemin contraire, comme en témoigne le texte initial du futur projet de loi porté par Myriam El Khomri : temps de travail assoupli, réforme des heures supplémentaires, plafonnement des indemnités prud’homales, voilà autant de mesures utiles, concrètes et salutaires qui devraient offrir un peu d’air frais à nos entrepreneurs !
Pour autant, le compte est encore loin d’être bon, pour la simple et bonne raison quecette réforme est déjà menacée d’anachronisme, avant même sa présentation en conseil des ministres le 9 mars prochain. Si nous étions aujourd’hui en 2006, sans doute aurait-il fallu applaudir une heureuse conversion de la gauche à la réalité économique des entreprises.
Nous sommes cependant en 2016 et la structure du marché du travail n’est évidemment plus la même qu’il y a 10 ans : le salariat, et son corollaire, le sacro-saint CDI, sont désormais menacés de caducité et les actifs français, qui ont compris les formidables opportunités offertes par la révolution numérique et l’ « ubérisation » de pans entiers de notre économie, aspirent eux-mêmes à des modèles d’emploi différents.
Le colloque organisé le 17 février à l’Assemblée nationale par la Fédération des Entreprises du Portage Salarial sur le thème « Les Français, le travail et les nouvelles formes d’emploi » a, en particulier, révélé une très nette adhésion des français (88% d’opinions favorables selon un sondage de l’IFOP) pour le régime du portage salarial, qui permet à des indépendants et travailleurs « ubérisés » de conserver les éléments de protection liés au statut de salarié.
À l’heure où les entreprises de portage salarial entendent créer près de 600 000 emplois à horizon 2025, on peut légitimement s’étonner du choix de la Ministre du travail, qui, loin d’encourager ce dispositif avec des mesures incitatives, choisit au contraire de multiplier les contraintes, en particulier financières et pénales. Il est pourtant urgent de libérer le carcan législatif et réglementaire qui pèse sur le portage, afin de faire réellement entrer notre droit du travail dans la modernité et laisser travailler en paix ceux qui le veulent.