Je me suis toujours demandé pourquoi notre pays peinait à générer de la croissance quand d’autres pays tout aussi avancés que nous y parvenaient. En effet, il faut toujours comparer ce qui est comparable et vouloir comparer le taux de croissance d’un pays développé avec celui d’un pays en voie de développement n’a aucun sens. Il est bien plus simple de passer d’un PIB de 100 à 110 que de 1 000 à 1 100…
Comparer le taux de croissance de la France avec celui de l’Indonésie n’est donc en rien utile. A l’inverse, lorsqu’on compare le taux de croissance de la France et celui des Etats-Unis par exemple, on constate que les USA s’en sortent nettement mieux. Sans revenir ici sur les nombreuses imperfections du PIB et du fait qu’il va réellement et rapidement falloir lui trouver un substitut efficace afin de pouvoir inclure beaucoup de critères qui n’y sont pas aujourd’hui pris en compte, c’est encore (malheureusement) l’indicateur roi utilisé pour comparer les nations entre elles. Cependant, je ne parlerai pas ici de valeur au sens du PIB mais de valeur quantitative ET qualitative.
Ce que j’ai voulu résumer dans le titre de cet article c’est que contrairement au discours ambiant, il me semble (et ce n’est que mon opinion personnelle) que le problème de la France n’est pas un problème économique ou de fiscalité mais bel et bien un problème de mentalité. Pourquoi en suis-je arrivé à penser ça ?
Prenons un exemple simple pour illustrer mon propos. Imaginons la situation dans laquelle une dame de 55 ans avec 35 ans de carrière au poste d’ouvrière dans l’industrie automobile perdrait son emploi pour cause de fermeture d’usine. L’une se trouve à Detroit, MI, USA et l’autre à Maubeuge, 59, France. Très franchement, il y a fort à parier que l’ouvrière Américaine, nous l’appellerons Jennifer, si elle ne retrouvait pas un poste similaire travaillerait très probablement comme serveuse chez TGI Friday ou à la pizzeria du coin. En revanche, je doute que Françoise, l’ouvrière Maubeugeoise, trouve un poste de serveuse à Buffalo Grill ou chez Pizza Paï. Il y a déjà là à la base, une grande différence de mentalité. L’employeur Français sera moins enclin à embaucher une serveuse de 55 ans avec 35 ans d’expérience dans l’industrie automobile que l’employeur Américain.
Jennifer a donc déjà une plus grande probabilité de retrouver un poste que Françoise. D’un point de vue économique il est aussi vrai de dire que l’employeur Français, croulant sous ses charges, n’a peut-être pas les moyens d’embaucher Françoise alors que l’employeur Américain pourra se le permettre, d’autant plus que la plus grosse partie du salaire de Jennifer sera payé par les pourboires des clients. Mais ce problème économique (les charges pour l’employeur et la structure de salaire d’une serveuse) sont en réalité à la base des problèmes purement philosophiques. Tout d’abord, si la loi le permettait, Françoise serait-elle d’accord pour travailler pour un salaire de base de 2 euros de l’heure + pourboires. J’en doute. Le Français a besoin de beaucoup plus de sécurité que l’Américain. Le problème c’est qu’à force de toujours vouloir plus sécurité, on croule sous les normes et le poids de la législation et cela finit par gripper le dynamisme économique du pays.
Cela nous amène donc au point suivant : les charges supportées par les employeurs et les salariés. C’est parce que le Français a besoin de sécurité et d’équité que la pression fiscale est telle. A la sortie, le montant global payé et reçu par les citoyens et entreprises U.S n’est pas très éloigné du montant global payé et reçu par les citoyens et entreprises de l’Hexagone. Ce qui est fondamentalement différent c’est la répartition des paiements et des ressources. Il n’y a pas de « miracle » économique, il y a juste une façon différente de compter et de répartir les recettes et les charges sur la population. Pour pouvoir bénéficier d’une assurance chômage, d’une couverture maladie, ou d’une pension de retraite il faut bien que quelqu’un paie pour cela. L’argent ne tombe pas du ciel. Que ce soit l’individu à titre individuel qui épargne pour des jours plus sombres en cotisant à des caisses privées ou que ce soit l’individu qui paie ses charges à l’Etat pour pouvoir bénéficier d’une couverture si la situation l’exigeait un jour, à la sortie, les montants ne diffèrent pas fondamentalement. Ce qui diffère en revanche c’est la façon dont les coûts et les bénéfices vont être répartis sur la population. Pour vulgariser et simplifier au maximum disons qu’aux USA c’est plutôt « chacun pour soi » et qu’en France c’est plutôt « égalité et fraternité ».
Si Françoise ne retrouve pas de travail elle pourra donc bénéficier de l’assurance chômage mais pour qu’elle puisse en bénéficier, quelqu’un doit cotiser tout comme elle a elle-même cotisé lorsqu’elle travaillait. En revanche, Jennifer n’aura pas d’autre choix que d’aller travailler comme serveuse. Au premier abord, elle va donc « coûter » moins cher à la société mais dans les faits, cela ne fera aucune différence étant donné que Françoise avait préalablement cotisé. Si les pouvoirs publics Français étaient capables de bien gérer la situation, ils profiteraient même de la période de chômage de Françoise pour la former à un nouveau métier dans lequel elle créerait plus de valeur que si elle était serveuse chez Pizza Paï jusqu’à la retraite. Mais là encore, faut-il encore que Françoise soit prête à changer radicalement de métier pour être à nouveau employable dans un secteur où elle contribuera à créer de la valeur.
Si l’on pense que c’est parce que la pression fiscale est moindre aux USA que Jennifer pourra travailler et contribuer à créer de la valeur, on se méprend. Il est vrai de dire que si John paie moins de charges et d’impôts il ira plus facilement au restaurant que Pierre et qu’il contribuera donc à augmenter l’activité du restaurant dans lequel travaille Jennifer mais à la sortie, en théorie, les montants sont les mêmes : ce que touchera Jennifer via son salaire ne sera pas très éloigné de l’indemnité chômage touchée par Françoise et le montant payé par John au restaurant ne sera pas éloigné de celui payé par Pierre sur sa fiche de paie. La seule différence c’est que la satisfaction de John sera plus élevée que celle de Pierre mais cela vient s’annuler par le fait que Françoise sera plus satisfaite que Jennifer. De même, en termes de consommation Françoise ne consommera pas moins que Jennifer. Si l’on résonne donc de façon globale, il n’y a donc aucune différence. Les différences n’existent qu’au niveau individuel. Il n’y a aucune magie économique. Il n’y a pas un système meilleur que l’autre d’un point de vue purement économique. Il y a juste une différence de perception et de philosophie.
Le problème de la pression fiscale n’en n’est donc pas vraiment un. Il est juste la conséquence d’un système de valeur collectif beaucoup plus vaste. Il suffirait de modifier certaines lois pour résoudre ce problème de fiscalité. Le problème de la France n’est donc pas économique mais philosophique car globalement les Français aiment leur système et sont très attachés aux principes d’égalité et d’acquis sociaux. Et de toute façon, à la sortie, d’un point de vue purement économique il n’y a pas de système globalement meilleur que l’autre.
Les chiffres du PIB ne prennent pas en compte des critères importants tels que le bonheur ou la santé par exemple. Dans l’exemple précédant, la croissance US sera supérieure à la croissance Française parce que Jennifer aura contribué à créer de la valeur (au sens du PIB j’entends) alors que Françoise n’y aura pas contribué. Et pourtant la situation dans sa globalité n’est pas fondamentalement différente. Je le répète, le problème de la France n’est donc pas économique car quelques lois suffiraient à baisser la pression fiscale. En revanche, qui dit baisse de la fiscalité dit remise en cause du système « collectiviste » et là, nous ne sommes donc plus dans l’économique mais dans le philosophique. Les Français sont-ils prêts à évoluer vers un système plus individualiste pour réduire le chômage et la pression fiscale tout en sachant que les montants globaux de recettes et de charges ne changeront pas. La seule chose qui changera ça sera la façon dont les recettes et les charges seront réparties sur la population.
Je suis tombé il y a quelques semaines dans une librairie sur un livre au titre choc qui disait que 100 000 Français quittaient la France chaque année. Or, contrairement à l’idée générale, seulement 3% le font pour des raisons fiscales. En effet, 97 % des Français qui partent ne sont pas des « riches » mais des chercheurs, des jeunes, des entrepreneurs qui débutent et qui sont donc loin de payer l’ISF etc. Si la pression fiscale diminuait, cela signifie que la plupart d’entre eux ne reviendraient pas pour autant. Le problème de notre pays n’est pas un problème économique mais bien un problème de mentalité. C’est la philosophie qui est derrière notre système économique qui fait que le système économique est celui que nous avons choisi et que nous remettons en partie en cause aujourd’hui. Les choses seraient tellement plus simples si le problème de la France était « simplement » économique car comme je l’ai dit plus haut, il suffit de quelques lois bien pensées pour modifier un système économique.
En revanche, il faut plus que quelques lois pour changer la mentalité d’un peuple. On ne décrète pas à l’Elysée ou au Parlement de changer la perception que les Français se font de l’échec, de la rémunération du risque, de l’entreprenariat, de l’alternance ou de l’apprentissage. De même, il ne suffit pas de dire à un peuple qu’il doit être optimiste et de cesser de toujours voir le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein pour que du jour au lendemain nous passions d’un des peuples les plus pessimistes au monde à celui de plus optimiste et donc plus dynamique ! Ce qui manque à la France aujourd’hui c’est une vision. Soyons honnête, depuis la mort du Général de Gaulle, la France n’a pas connu un seul Président de la République qui avait la stature pour donner au peuple la vision dont il avait besoin pour avancer. Le problème de la France n’est donc pas économique mais bien philosophique et ça c’est bien plus inquiétant pour l’avenir.