Fin de l’âge d’or

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Par Alexandre Baradez Modifié le 14 avril 2014 à 12h41

Quelques chiffres sont nécessaires pour bien appréhender l'évolution de l'or au cours des dernières années : 260$ c'est le prix d'une once d'or en 2001. En septembre 2011, la même once d'or s'échangeait à plus de 1900$ soit plus de 630% de hausse en 10 ans. Les cours de l'or ont nettement accéléré à partir de 2007 du fait du déclenchement de la crise des subprimes aux Etats-Unis, dont la phase la plus visible fut l'effondrement de la banque d'affaire Lehman Brothers en 2008 et le sauvetage par le Trésor américain des deux mastodontes du refinancement immobilier Freddie Mac et Fannie Mae à hauteur de 188 milliards de dollars.

Au cours de cette phase, l'once d'or est passée de 650$ à plus de 1000$ en 2008 avant de connaître une brève accalmie puis de repartir à la hausse, catalysée par l'éclatement de la crise de la dette en zone euro. Au cours de ces 2 crises majeures une large partie de la hausse s'explique par la recherche d'actifs sûrs de la part des investisseurs, l'or exerçant son statut de valeur refuge.

Une autre partie de l'envolée de l'or à partir de la fin des années 2000 s'explique par la mise en place des différents plans d'assouplissement quantitatif ou « Quantitative Easing ». Le FED a été très réactive pour éviter l'émergence d'une crise de liquidité et le blocage des circuits interbancaires et favoriser ainsi la relance économique : elle a mis en place successivement 3 plans d'assouplissement quantitatif (achats d'actifs notamment) qui ont eu pour conséquence d'accroître significativement la taille de son bilan. En 2008, le bilan de la FED pesait moins de 1000 milliards de dollars contre plus de 4200 milliards de dollars en 2014. L'ampleur des différents QE et un tel accroissement du bilan de la FED ont immédiatement ravivé les craintes inflationnistes et provoqué des achats massifs d'or, le métal jaune étant le parfait support de couverture contre les risques d'inflation.

Autre témoin de l'appétit des investisseurs pour l'or dans un contexte de craintes inflationnistes : la nouvelle accélération haussière des cours au 3ème trimestre 2012, au moment de l'intervention de la BCE et de Mario Draghi, déclarant qu'il était prêt à faire tout ce qui était nécessaire pour sauver l'euro, accompagnant son discours de baisse de taux et de la mise en place du programme OMT (permettant de racheter de la dette souveraine pour éviter les tensions sur les taux d'emprunt des pays fragiles de la zone euro, dans un contexte de crise de la dette)

Puis l'apaisement des tensions sur les taux d'emprunt en Europe catalysé par la dissuasion de la BCE et le retour progressif de la croissance aux Etats-Unis ont vu l'or refluer sensiblement de près de 1800$ l'once au second semestre 2012, à moins de 1200$ à la fin du 2ème trimestre 2013. Ce recul de l'or a également été alimenté par les craintes régnant sur certains pays européens, susceptibles de céder une partie de leur stock d'or pour résorber leur déficit et retrouver un équilibre budgétaire : ce fut le cas pour Chypre en avril 2013. Les craintes de voir d'autres pays européens comme l'Italie ou l'Espagne envisager des mesures similaires ont fait plonger les cours de l'or, les stocks d'or représentant une partie importante des réserves de changes pour ces deux pays.

Les craintes inflationnistes nées des différents plans de relance monétaire ont progressivement mué en craintes déflationnistes notamment en Europe où le recul des prix a été sensible entre 2012 et 2014 : l'indice des prix est tombé de 2.5% à 0.5% en quelques mois.

Même craintes mais dans une moindre mesure aux Etats-Unis où malgré les QE successifs, l'inflation ne parvient pas à revenir sur les objectifs de la FED, à savoir 2%. Cette évolution de prix, combinée à l'arrêt progressif du dernier plan d'assouplissement quantitatif (QE3), dont le rythme est passé de 85 milliards de $ par mois à 55 milliards, tempère l'appétit des investisseurs pour acheter l'or comme support de couverture contre l'inflation.

D'autres facteurs ont également pesé sur les cours de l'or l'année dernière comme la limitation des importations en Inde pour réduire l'impact sur le déficit commercial ou encore une demande plus faible de la part des banques centrales par rapport à l'année précédente.

Même si le métal précieux a connu un rebond des prix au premier trimestre 2014, en partie lié aux craintes d'un ralentissement économique en Chine, à l'impact du climat sur l'économie américaine (laissant penser que la FED pourrait réduire le rythme du tapering) et aux anticipations d'une éventuelle intervention de la BCE (potentiellement inflationniste) son cours a rapidement cédé du terrain lors de la dernière intervention de la présidente de la FED qui a confirmé la baisse des achats d'actifs à hauteur de 10 milliards de $ par mois et le relèvement probable des taux environ 6 mois après la fin du QE.

L'or se trouve donc à la croisée des chemins et évolue actuellement à 1300$ l'once. L'absence de fortes perspectives d'inflation dans les 2 prochaines années (estimations des banques centrales), la stagnation des plans d'assouplissement de la Banque du Japon et de la Banque d'Angleterre, les perspectives incertaines d'une intervention de la BCE et le prix stable des matières premières ne devrait pas permettre un rebond durable de l'or. Un retour dans la zone 1200/1250$ l'once devrait matérialiser le début d'une nouvelle vague de baisse qui devrait entraîner les prix entre 1000$ et 1100$ l'once.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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