Chacun d'entre nous a bien évidemment une tendance naturelle à trouver "trop cher" ce qu'il vient d'acquérir. Ce ressenti classique par rapport aux prix (accru en temps de crise) n'échappe pas à la question des loyers mais est fortement accentué par un phénomène : les loyers évoluent plus vite à la hausse que l'inflation générale et surtout en rapport avec le quasi-gel des salaires que bien des secteurs connaissent en euros constants.
En allant plus dans le détail, il faut observer que le loyer est un prix qui reflète le rendement escompté par un propriétaire pour un bien donné. Or les éléments constitutifs du prix de ce bien sont tous orientés à la hausse d'où l'impact défavorable sur les prix demandés aux locataires.
Si l'on prend la quasi-totalité des surfaces, plusieurs foyers d'augmentation se font jour :
1) La rareté foncière et la tendance à la hausse du prix des terrains à bâtir.
2) La hausse des coûts de construction du fait des exigences éco-thermiques et d'isolation.
3) L'impact des nouvelles normes de sécurité électrique.
4) Le coût des dispositif de sécurité (digicodes, alarmes intérieures au logement, etc)
5) L'impact hélas croissant des dégradations des parties communes.
6) Le coût très significatif des mises aux normes des ascenseurs.
Autant d'éléments (et la liste ne prétend pas à l'exhaustivité) qui additionnés les uns aux autres engendrent une hausse tendancielle des charges pour le propriétaire ou pour le locataire. Par ailleurs, les chambres régionales des comptes ont eu l'occasion, dans plusieurs rapports distincts, de montrer le poids croissant de la fiscalité immobilière locale qui est encore un autre paramètre aggravant.
Ainsi, le loyer est parfois trop élevé car il a pour fonction d'assurer le fruit d'une "propriété de rapport" qui a donc pour fonction d'assurer des revenus à son acquéreur. Des exemples outranciers existent, bien entendu. Mais globalement, depuis quinze ans, certaines études réalisées par des regroupements de syndics ou autres rapportent que le rendement de l'immobilier s'est sérieusement érodé d'autant qu'il faut désormais ajouter les risques croissants de défaillances financières des locataires. Or chacun sait qu'il faut des mois voire des années pour venir à bout , en Justice, de l'éventuelle mauvaise foi du débiteur indélicat.
Rapportés aux prix de Londres, Bruxelles et autres grandes villes européennes, Paris demeure une ville abordable à l'achat mais progressivement de moins en moins. Echaudés par le marché des actions, les Français se sont en effet assez massivement tournés vers la pierre et cela a eu une conséquence haussière sur les transactions donc sur les loyers qui en découlent.
Il y a près de 20 ans, Jean-Michel Bloch-Lainé avait écrit un rapport sur le logement : son diagnostic n'a jamais été contredit et son constat alarmiste s'est vérifié sur deux points. D'une part, il est de plus en plus demandé de sécurités financières au locataire par des bailleurs de plus en plus sélectifs. D'autre part, la rareté de l'offre (face à l'afflux de la demande accentuée par la démographie et la pression migratoire) permet la survivance de comportements discriminatoires par bien des propriétaires. C'est un élément hors-prix mais comment le taire à la lumière de sa vigueur d'injustice.
A ce constat initial, je souhaite ajouter un dernier élément relevé par les sociologues : l'explosion des familles monoparentales (divorces) conduit à une demande accrue qui pèse mécaniquement encore un peu plus sur le prix des loyers.
Ceux-ci sont donc trop élevés pour le payeur mais ont peu de probabilité de voir leur tendance haussière se tasser pour les raisons énoncées ici. Dispositif Duflot ou pas : le marché est parfois plus difficile à endiguer que par une loi aux contours perfectibles.