Les prix baissent, les marges trinquent, le chômage grimpe

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Par Daniel Moinier Publié le 25 mai 2015 à 5h00
Faillite Entreprises France Baisse Marges
@shutter - © Economie Matin
62 58662 586 entreprises ont fait faillite en 2014.

Les prix, les prix, tout le monde recherche un prix, le plus bas possible. Vous allez dire que cela booste la concurrence, la productivité des entreprises, la consommation, cela est vrai dans une certaine mesure, mais trop, c’est trop.

Les marges des entreprises baissent

Depuis déjà quelques années les articles sont légions portant sur de la baisse de productivité et des marges des entreprises :

Selon l'Insee, le taux de marge des entreprises françaises a atteint son plus bas niveau depuis 25 ans. Il est désormais le plus faible d'Europe. Un constat inquiétant.

Sur France 2, David Pujadas annonçait dernièrement que le taux de marge des entreprises était au plus bas en France depuis 30 ans ». S’ensuivait l’analyse suivante d’un « spécialiste » : « Ce qui est inquiétant, c’est son évolution, le taux s’effrite depuis 3 ans et celui de la France n’est pas flatteur comparé à celui de ses voisins européens. La France est en queue de peloton ».

L’Expansion : Alerte rouge sur la rentabilité des entreprises françaises le taux des marges des entreprises françaises a atteint son plus bas niveau depuis 25 ans. Il est désormais le plus faible d'Europe.

Le Monde : Pourquoi le taux de marge des entreprises a-t-il baissé ?

La Tribune : La rentabilité des entreprises françaises au plus bas depuis 1985.

Selon Sate, Les entreprises françaises sont les moins rentables de toute la zone euro.

Les Echos : Les marges des entreprises trop faibles en France Arrêtons la liste car l’article ne contiendrait que cela !

Les Français ont moins produits, pour le même salaire

Pourquoi en est-on arrivé à un si bas historique, concernant le taux de marge des entreprises implantées sur le sol national. L’Insee nous donne une première explication : « Si depuis 2008 la progression des salaires a ralenti, elle a ralenti beaucoup moins vite que la productivité ». Dans le détail, la productivité française a fortement décroché en 2009, mais ce décrochage n’a pas été suivi par les salaires. Résultat, explique l’Insee, « la progression du salaire réel depuis 2008 reste supérieure à celle de la productivité ». Depuis 2011, la croissance des salaires réels et celle de la productivité sont à nouveau repartis au même rythme mais l’écart subi en 2009-2010 n’a jamais été comblé. Les branches jouent un rôle clé. Autrement dit, les Français ont moins produit, mais pour la même quantité horaire de travail, tout en continuant à être payés de la même manière. Pas étonnant, dans ce contexte, que les marges des entreprises se soient fortement effritées.

Même si ce n’est pas vrai pour toutes, la marge moyenne française la plus basse aurait été atteinte au 3ème trimestre 2013 avec 27,7%. Soit 10 points de moins que la moyenne européenne, mais très largement en dessous des principaux pays européens tels l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne où ce taux s’échelonne de 34 à plus de 40%.

Le profit, moteur de l'économie

L’état de santé, en moyenne, des entreprises françaises est donc très préoccupant. Les profits des entreprises françaises font à peine plus de 6% du PIB, les allemandes et les italiennes un tiers de plus, les espagnoles et les américaines deux fois plus. Si les multinationales vont bien, c’est l’arbre qui cache la forêt c’est parce qu’elles réalisent, comme leur nom l’indique, l’essentiel de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices à l’étranger. Elles ne reflètent pas du tout la santé réelle des entreprises et de l’économie française.

Les entreprises françaises ont été longtemps fustigées par les politiques, les syndicats en annonçant que leurs dirigeants ne pensaient qu’au profit. Et on sait bien qu’en France le profit c’est mal. Mais c’est pourtant le moteur de l’économie. Même notre ancien Président s’était attaqué très vivement à la grande distribution en affirmant haut et fort qu’elle écrasait les producteurs pour effectuer des marges monstrueuses. Leur marge est pourtant l’une des plus faibles du marché. Elles tirent surtout leurs profits sur la quantité vendue, sur le paiement cash des consommateurs, une organisation très rationnelle et sur les longs délais de paiement de leurs fournisseurs.

La pression sur les prix

Une affaire apparemment d’entente illicite, révélée le 21 mai dernier, vient certainement conforter la thèse de cette pression sur les prix. Ce sont les principaux loueurs de voitures tels qu'Europcar, Avis Budget, Hertz, Citer, Sixte et Ada,…qui viennent de se retrouver dans le viseur de l’Autorité de la Concurrence. Lorsque les marges ne semblent plus compatibles avec la réalisation de marges suffisantes pour vivre correctement et se développer, ces entreprises peuvent avoir tendance pour essayer de préserver leur viabilité à se tourner vers ce genre de pratique. Ce n’est pas la première entente qui vient d’être découverte souvent dénommée par le terme de cartel. Ces dernières années, elles ont été légion et souvent sanctionnées, telles le Cartel du Yaourt, les poids lourds de l’hygiène, celle sur les carburants, les téléviseurs.et la liste est longue. Pourquoi ces groupes connus prendraient-ils autant de risque, si ce n’est pour préserver leurs marges. Certains pourront avancer que c’est uniquement pour leurs profits. Mais des profits bien employés, c’est des entreprises conquérantes, des emplois préservés, des embauches, du développement donc des investissements, des embauches, moins de chômage…

Plus nous voudrons diminuer les marges, comme le font les comparateurs, retailers et autres sites, plus les prix seront en baisse. Les premiers ont profité d’une demande forte des consommateurs induite par la diminution du pouvoir d’achat, d’une partie « basse » de la population. Puis le marché s’est étendu à de nombreuses branches d’activités touchant presque toutes les couches de la population. L’internet et son système évolutif en a été le support de leur développement de très loin le plus efficace. Dans un marché tel qu’il est aujourd’hui en France, si ce système a quelques avantages, il a de forts inconvénients. La concurrence est devenue acharnée, avec une guerre des prix sans précédent. Les plus faibles comme toujours se retrouvant sur le carreau. Depuis quelques années le nombre de faillites n’a fait que progresser pour atteindre des sommets : 62 586 en 2014, contre 45 000 à 50 000 par an avant la crise de 2008-2009. La France est un des pays au monde où les faillites restent les plus nombreuses, alors qu’elles ont déjà nettement diminué en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, etc. Même si l’on peut penser que « provisoirement » un plus haut a été atteint.

Les deuxièmes, avec la création d’une « activité » d’un tout autre genre, peuvent progressivement réduire la vente de matériel et on peut l’étendre aux ventes de voitures, aux locations saisonnières, à la diminution de ventes de carburant…et la liste augmente de mois en mois. Prêt de matériel entre consommateurs, auto-partage, échanges de logement…, ont été créés par trois facteurs favorables : L’augmentation, surtout depuis la crise de 2008/2009, des prélèvements, la baisse du pouvoir d’achat qui s’en est suivi, une appropriation plus importante de l’écologie et la forte extension d’internet. Tout ces changements de consommation, de comportement, ont bouleversé le marché, à tel point que beaucoup de grandes enseignes se sont mises à réagir pour rebooster le marché d’une autre manière : Location, conseils, co-création de produits avec les consommateurs… Malgré cela, sans contexte favorable, les marges des entreprises françaises auront beaucoup de mal à rejoindre simplement la moyenne de l’Europe. Il est vrai que depuis le début de l’année, porté par le CICE, la reprise européenne, un renversement de tendance s’est fait sentir, puisque le taux moyen de marge ou excédent d’exploitation se situe actuellement à 29,7.

Une méconnaissance grave du fonctionnement de l'économie française

Il y aussi un autre aspect que je souhaitais développer, c’est la méconnaissance criante du peu de savoir du fonctionnement de l’économie française, mondiale des consommateurs. Lorsque vous avez, comme je l’ai entendu hier à la radio, un maillot de bain, vendu par un grand groupe national, 4€ le haut et autant le bas et que nos chères français(es) ne se rendent pas compte que c’est un prix anormalement bas, c’est déroutant. Un entrepreneur fabricant français devant ce prix de vente, se sent complètement traumatisé, impuissant. Il se met à réfléchir à quel prix sorti d’usine, il pourrait le fabriquer. D’ailleurs il se pose à peine la question puisqu’il sait d’avance de toute façon qu’il lui sera impossible d’atteindre de tel prix. Sachant que le prix de vente magasin est très loin du prix sorti d’usine, après être passé par l’emballage, le conditionnement, les intermédiaires, le transport, le reconditionnement, le stockage, la mise en rayon, la vente… Sans les produits low-cost, comment un bon nombre de français pourraient-ils survivre aujourd’hui ? Très, très difficilement. Paradoxe, alors que les mêmes chez eux devant la télé, s’enflamment contre l’envahissement des produits made in china, et des pays asiatiques, y compris les incursions sur notre sol avec l’achat de nos usines, aéroports, clubs de foot et j’en passe.

Alors comment freiner le low-cost, diminuer rapidement les coûts d’exploitation des entreprises, alors que la productivité semble plafonner depuis quelques années ? La France a un « avantage » que d’autres nations n’ont pas, un taux très faible de travail et d’activité : 35 heures et départs en retraite à moins de 62 ans. Remontons de suite ces taux, ce qui enclenchera très rapidement la croissance, pour les entreprises, plus de commandes avec des marges en hausse permettant une plus grande facilité d’investissement et de développement. Et une France se dirigeant vers l’équilibre des comptes et même au-delà, ce qui ne lui est pas arrivée depuis 1974.

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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