Et si on remplaçait le principe de précaution par le principe de réalité ?

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 3 juillet 2013 à 7h51

Avec l'application stricte du principe de précaution d'un côté, et le non respect du principe de réalité de l'autre, la France a trouvé les deux moyens les plus efficaces et les plus rapides de plonger dans le déclin. François Hollande n'est pas le père du principe de précaution. C'est Jacques Chirac qui dans un excès de zèle démagogique l'avait fait inscrire dans la Constitution. Mais le Président actuel l'utilise et l'accommode à toutes les sauces pour des raisons politiques.

Dernière manipulation en date, il vient d'enterrer tous projets d'exploitation du gaz de schiste en France. Officiellement par application du principe de précaution. En fait, François Hollande a sorti cette décision pour calmer les écolos qui ne décoléraient pas d'avoir été les premiers visés par le nouveau plan de réduction des dépenses budgétaires (-7% en 2014). Pour faire passer cette pilule, les convaincre de rester dans la majorité, on tire un trait sur l'expérimentation et l'exploitation d'une nouvelle forme d'énergie qui permet aujourd'hui à l'économie américaine de sortir de la crise.

François Hollande veut faire de la croissance. Il l'a dit et répété à Bruxelles lors du dernier sommet européen mais il se prive, à Paris, d'un facteur important de création d'activité et de compétitivité.

Le principe de précaution est aujourd'hui accommodé à toutes les sauces.

D'abord c'est évidemment l'arme fatale utilisée pour satisfaire les écologistes et les altermondialistes d'extrême gauche qui prônent une croissance sur un autre modèle quand ils ne militent pas carrément pour la non-croissance.

Mais c'est aussi et surtout l'argument juridique et politique qui justifie tous les conservatismes et tous les corporatismes. C'est au nom du principe de précaution, en croyant protéger le modèle social, qu'on ne réduira pas les dépenses sociales. C'est au nom du principe de précaution et de la nécessité de protéger le service public qu'on ne touchera pas au périmètre de l'État. Alors que l'on pourrait avoir la même qualité de service public et social en dépensant autrement.

Enfin, c'est au nom du principe de précaution que l'on interdit ou encadre toutes les activités à risque, ce qui revient à freiner tout progrès scientifique, toute recherche, toute innovation et au-delà toutes les activités d'entreprise. Une entreprise est par nature le lieu de production, cette production est créatrice de valeur et de richesse. Elle a sa part de risque. Il faut l'accepter et la rémunérer. Ce qui ne veut pas dire qu'elle sera forcément dangereuse. D'abord parce qu'il existe des techniques pour amortir le cout éventuel du risque. Les assureurs savent faire. D'autre part, le chef d'entreprise sait très bien les limites à ne pas dépasser dans la prise de risque.

En attendant le progrès, source essentielle de la croissance, le système politique devrait tout faire pour encourager l'innovation et la prise de risque. Or, le principe de précaution l'interdit et encourage le repli sur soi et même le recul. Si dans l'histoire économique récente il avait fallu appliquer le principe de précaution comme aujourd'hui, les voitures n'auraient jamais roulé, les avions n'auraient jamais volé, on n'aurait jamais lutté contre la maladie, la mortalité, on n'aurait jamais pu produire de quoi nourrir la planète, on n'aurait même jamais découvert l'Amérique. Sans progrès, pas de croissance.

L'application idéologique du principe de précaution nous enferme dans la crise.

La négation des principes de réalité est l'autre attitude pernicieuse qui nous entraîne sur la pente du déclin.

Le principe de réalité c'est tout simplement l'application d'un certain nombre de règles de bon sens qui tiennent compte de la réalité même si ces principes de réalité vont à l'encontre des engagements politiques ou idéologiques. Il y a des faits et des chiffres qui s'imposent. Notamment dans les domaines économiques.

Premier exemple : les retraites. On ne peut pas protéger les systèmes par répartition sans tenir compte des évolutions démographiques. Dans la répartition, ceux qui travaillent paient pour ceux qui ne travaillent pas ou plus. A partir du moment où la durée de vie s'allonge, où les jeunes entrent sur le marché du travail plus tard et qu'au total, le nombre d'actifs baisse par rapport aux inactifs, le niveau des retraites versées ne pourra pas être protégé sans une révision du mode de calcul. On peut toujours raconter, espérer ou promettre ce que l'on voudra pour des raisons politiques, le système ne tiendra pas devant cette réalité démographique. Toutes autres considérations idéologiques, morales, éthiques mises à part.

Deuxième exemple : le budget. Ce dernier ne peut pas être durablement en déficit structurel. La gouvernance d'un État doit promettre de rétablir les équilibres et s'en donner les moyens sinon elle ne trouvera plus les financements. L'État peut toujours augmenter les impôts, il arrivera un moment où le rendement fiscal baissera. La sur-taxation des revenus décourage les titulaires de revenus. Ils arrêtent de travailler ou partent à l'étranger. C'est ce qui se passe en France depuis six mois. Les rentrées fiscales n'ont pas été à la hauteur des prévisions en dépit ou a cause d'une hausse des prélèvements.

L'État peut aussi emprunter de l'argent à l'extérieur. Soit de l'épargne interne soit de l'épargne étrangère. L'effet est le même. Pour que cet endettement soit supportable, il faut que l'économie évolue au moins de la valeur des taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt sont de 3%, il faudrait que l'économie roule au rythme minimum de 3% avec un déficit budgétaire, excédent des dépenses sur les recettes, ne dépassant pas 3%. On est loin de cet équilibre Maastrichtien. Le résultat c'est que la France est en risque de rupture de financement. Certains parlent même d'un risque de krach obligataire. Le marché du financement internationale se bloque par peur du défaut de paiement.

Dans ce cas là, tout s'arrêterait. L'État n'aurait plus de liquidités pour assurer ses fins de mois (ce n'est pas de la science fiction) et enfin les prix de l'argent s'envoleraient.

La troisième solution devant ce mur des réalités serait donc d'organiser la baisse des dépenses publiques et sociales. Ce que l'on n'a jamais osé faire dans ce pays. Ce faisant, il faudrait assumer la grogne sociale et politique, ce que le gouvernement n'ose pas faire depuis un an.

Troisième exemple : le déficit commercial. Il provient d'un excédent d'importations sur les exportations. Ce déficit signifie que l'on ne vend pas assez de produits et de services à l'extérieur pour payer ce qu'on importe : le pétrole et le gaz, les produits industriels que l'on ne produit pas. Ce déficit alimente l'endettement. Ce qui est insupportable.

Pour résorber le déficit commercial deux solutions s'offrent à nous. En théorie. La plus démagogique est d'annoncer une réduction des importations. On bloque les douanes ou alors on accroît les taxes d'importation. On produit et on consomme Français. Bravo. Sauf que c'est impossible à faire très rapidement et que de telles restrictions entraîneraient forcément des mesures de rétorsions de la part de nos clients chez lesquels on vend des produits et des services.

La guerre commerciale ne débouche sur rien. La concurrence et la multiplication des échanges sont facteurs de progrès.

La deuxième solution est évidemment de renforcer la compétitivité de nos produits et de nos services. Faire confiance au chef d'entreprise et lui créer un écosystème favorable et stable sur le plan fiscal et social.

On en parle beaucoup mais on ne le fait pas.

Respecter les équilibres budgétaires, rétablir les excédents commerciaux par l'innovation et la compétitivité, rembourser ses dettes, rien de cela est politique. Cela n'est ni de droite, ni de gauche. Ces contraintes s'inscrivent dans la réalité incontournable. L'ignorer n'avance à rien, ça revient à cacher la poussière sous les tapis de la démocratie.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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