On ne connaît qu’une facette du frère de Nathalie Kosciusko-Morizet. Celle d’un patron à qui tout réussit, qui aime se prêter au jeu des médias sans pour autant se prendre pour une star. Un homme au parcours plutôt lisse. Trop peut- être ?
L’écrivain Karine Tuil, après l’avoir interrogé, avait carrément conclu son papier en disant : "quelquefois, ceux qui ratent leur vie sont plus intéressants !" C’est effectivement ce qui peut ressortir au premier abord. Nous l’avions tous les deux rencontré, sans savoir, à l’époque, que l’échec avait aussi "façonné" Pierre Kosciusko-Morizet. Contrairement à d’autres, PKM ne s’en cache pas, au contraire.
A la manière d’un Eric Schmidt, patron de Google, qui insiste sur le fait que "Google est une entreprise dans laquelle il est tout à fait possible d’essayer des choses compliquées, de ne pas réussir et d’apprendre de ses erreurs", PKM aime rappeler que lui aussi a commis un faux pas.
Lorsque nous le rencontrons pour la première fois, il a donc parfaitement identifié son échec depuis longtemps et montre même un certain plaisir à nous en faire le récit. "C’est grâce à mon premier échec que j’ai connu la réussite avec PriceMinister", nous lance-t-il, visage grave, sourire un brin énigmatique. Quelle mise en bouche.
Dès lors nous cherchons à en savoir davantage. Mais PKM est malin. Sous couvert de timidité, il éludera habilement certaines de nos questions. Pour l’instant, retour aux sources, le voilà parti dans ses souvenirs. Tout commence à l’autre bout du monde.
Le coup de foudre avec le monde de l’entreprise, PKM l’a au Vietnam à la fin des années 90. Il est embauché par Joachim Poylo, un jeune PDG qui avait fait une offre de stage à HEC. Son rôle ? Développer à Hanoi, dans le nord du pays, l’activité de restauration d’entreprise d’un groupe spécialisé dans le nettoyage industriel.
Bonne nouvelle : le PDG lui donne carte blanche. Très vite, PKM se rend à l’évidence : le nerf de la guerre, c’est la main-d’œuvre. Il décide donc de développer son sens de l’humain sur le terrain et arpente les marchés, de Hanoi à Huê, à la recherche de perles rares, cuisiniers ou serveuses. "Délicieuses, vos nouilles sautées aux crevettes. Que diriez-vous d’arrêter de les servir sur le marché et de travailler à la place dans un grand groupe international ?"
Parallèlement, il doit dénicher un local, du mobilier, commander matériel et nourriture nécessaires à la cuisine, tester les premiers embauchés... En contact direct et permanent avec son patron, il rend compte de ses moindres faits et gestes. Au bout de quelques mois, stimulé par l’énergie asiatique, il a 130 personnes sous ses ordres. Cette expérience va être décisive. Un électrochoc. Il n’aspire plus qu’à une chose : avoir lui aussi sa propre entreprise.
"Je voulais être aussi heureux que mon patron, avoir une vie de famille harmonieuse car dopée par la liberté." Il ne veut pas de l’existence de sacrifices de son père. Il rejette le schéma "je roule en Citroën et je ne donne pas d’argent de poche à mes enfants" et ne dérogera jamais à cette règle. Et pourtant, dans sa famille, qui a la politique dans le sang, on le voit cultiver ses ambitions entrepreneuriales avec un certain étonnement !
Son arrière-grand-père, André Morizet, proche de Trotski, fut tout simplement l’un des fondateurs du Parti communiste français. Son grand-père a été ambassadeur de France à Washington, son père est maire de Sèvres et sa sœur, la ministre des Transports et de l’Economie numérique que l’on a connue sous l’ère Sarkozy.
Fort de ses convictions, le voilà rentré à Paris. Et dorloté dans la pouponnière d’HEC Entrepreneurs. Un projet d’entreprise est attribué à chacun. Avec une mission très simple : rédiger un business plan et séduire des investisseurs. PKM va hériter d’une idée plutôt... originale. Pour la petite histoire, ce projet n’avait pas été attribué au départ car trop complexe ! En partenariat avec l’entreprise Faiveley Transport, spécialisée dans l’équipement ferroviaire à fort contenu technologique, PKM va mettre au point un système de comptage innovant du nombre de personnes qui fréquentent les lieux publics, comme les grands magasins par exemple (Faiveley Transport avait déjà équipé les gares de ce type de service). L’entreprise est baptisée Visualis SA. "
L’objectif était de proposer aux entreprises un service qui les aide à s’adapter à leurs besoins. Par exemple, ouvrir de nouvelles caisses en cas d’affluence dans un supermarché, ou calculer le nombre de personnes qui entrent dans une boutique située dans un centre commercial par rapport à celles qui ne font que passer devant. Je trouvais l’idée absolument géniale parce qu’elle répondait à un vrai besoin."
PKM est tout feu tout flamme. Il a vingt ans, et même s’il vient de couper ses dreadlocks, il a toujours une énergie débordante et la vie devant lui. Ça y est, son entreprise, il la tient. Mais rien ne va se passer comme prévu. Le coup de foudre ne viendra jamais.
Extraits de "Grandeurs et misères des stars du Net" par Capucine Graby et Marc Simoncini. Editions Grasset (2012). 17,10 euros