Que ceux qui sont étonnés lèvent la main. La Commission Européenne, dans ses prévisions économiques pour la zone Europe qui détaillent, pays par pays, ce que les économistes de Bruxelles pensent des budgets des états membres, n’est pas tendre avec la France.
Pour faire simple et direct, Bruxelles ne croit pas un seul instant au chiffre de 3,6 % de déficit public en fin d’année 2014 rapporté au PIB, annoncé dans le projet de loi de finances 2014 par le gouvernement français. Pour la commission, du moins, ses experts, la France devrait rester au dessus de la barre des 4 % de déficit en 2014. Plus embêtant, alors que 2013 est déjà jouée, mais que les données définitives ne sont pas encore compilées, analysées, corrigées, Bruxelles parie sur 4,2 % de déficit en 2013 contre 4,1 % pour Bercy. On attend de connaître le chiffre définitif de l’INSEE / Bercy / La Banque de France, puisqu’en France, tout le monde publie ses statistiques. L’INSEE et la Banque de France étant indépendantes de l’Etat, elles prennent un malin plaisir à sortir des chiffres à contretemps de ceux publiés par Bercy, à contretemps et qui parfois, souvent, les contredisent…
Mais la vraie zone de friction entre Paris et Bruxelles, c’est l’année 2015. Si l’on tient compte de l’inertie de toute politique publique avant de produire ses effets, le gouvernement français parie passer sous la barre des 3 % de déficit public l’an prochain (ce qui aurait déjà du arriver cette année) quand la Commission Européenne n’y croit plus – elle n’y a d’ailleurs jamais vraiment cru – puisqu’elle prédit un déficit de… 3,9 %. Soit à peine 0,1 % de mieux qu’en 2014 ! Autant dire que les mesures économiques annoncées par François Hollande en début d’année laissent perplexes, pour ne pas dire pantois, les économistes de Bruxelles.
Comme à son habitude, le gouvernement français se met la tête dans le sable. Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, annonce que ses services vont échanger avec ceux de la Commission pour identifier les bugs dans les prévisions. Bien entendu, dans les prévisions de Bruxelles, pas dans celles du gouvernement français, qui comme chacun sait a si bien tenu ses objectifs toutes ces dernières années, y compris sous Sarkozy et avant lui, Chirac…
Bien entendu, Bruxelles ne se contente pas de contester les prévisions de Paris, mais pointe du doigt ce qu’il faut améliorer pour que la France revienne dans les clous rapidement. Recette habituelle : réduire les dépenses à la vitesse grand V. Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici ont encore quelques mois devant eux pour faire semblant de ne pas voir, de ne pas entendre. Mais si, comme la rumeur le prédit, le Premier ministre, et peut-être le ministre de l’Economie, ne passeront pas l’été, limogés après les municipales ou les présidentielles, leurs successeurs ont eux de gros, gros soucis à se faire.
Bruxelles ne lachera plus rien, et le prochain locataire de Matignon comme celui de Bercy n’auront pas le job le plus facile du monde loin s’en faut. Et l’on peut lancer les paris à l’avance que plus d’un refusera la promotion qui lui sera faite, refusant de se cramer à vie en prenant le job de Premier ministre ou de ministre de l’Economie, quand il faudra enfin faire le vrai salle boulot….