Contrairement aux attentes, le processus de guérison ne s'est pas concrétisé en 2014 en Europe. Ainsi, alors que les obligations longues ont généré de remarquables performances, les actions européennes ont sous-performé. «Les Etats-Unis sont sortis des soins intensifs, ce qui n'est pas le cas des autres pays développés, qui ont rechuté et sont de retour en observation», souligne Patrice Gautry, Chef économiste.
Dans ce contexte, l'écart se creuse de plus en plus entre ces économies et les Etats-Unis, qui prennent ainsi le rôle de locomotive, engendrant par là même des divergences importantes. Alors que l'activité américaine continuera à croître et retrouvera son potentiel de croissance d'après-crise, l'Europe sera en quasi-stagnation. De plus, au moment même où la Fed a mis fin à son programme d'assouplissement quantitatif (QE) et envisage de relever prudemment ses taux dans le courant de l'année 2015, la BCE et la banque centrale du Japon (BoJ) continuent à injecter des liquidités. Enfin, la courbe de taux aux Etats-Unis continuera à offrir de meilleurs rendements qu'en Europe et au Japon.
Des similitudes historiques
« Il existe des similitudes entre le régime financier et monétaire dans lequel nous nous trouvons actuellement et celui de la période 1994-2000 », explique Jean-Sylvain Perrig, Chief Investment Officer (CIO). En effet, même si le potentiel économique est significativement plus faible aujourd'hui qu'il ne l'était il y a vingt ans (les performances attendues des marchés actions sont donc plus basses), des divergences similaires peuvent être relevées. Ainsi, en 1994, tandis que les Etats-Unis entamaient une hausse de leurs taux, le Japon, embourbé dans la déflation, baissait les siens – à l'instar de l'Allemagne, qui venait de se réunifier. Enfin, la période s'est aussi caractérisée par la forte vague d'innovation liée aux débuts d'internet, le recul des prix des matières premières, et l'excès d'épargne asiatique à la recherche de rendement – qui s'est retrouvé investi sur les actifs américains.
Aujourd'hui, l'économie allemande est à la peine, et l'Europe souffre de surcapacité. La confiance ne s'est pas améliorée et la déflation menace. Il existe toujours un besoin pressant de réformes structurelles et de coordination accrue entre les politiques budgétaires et les politiques monétaires. La BCE peut certes continuer à soutenir les banques et à injecter des liquidités, mais elle ne peut guère faire plus. Il se peut que l'OCDE hors Etats-Unis soit condamnée à voir se répéter des phases de rebond, de crise et de stagnation, sans connaître une croissance stable.
Favoriser le marché actions américain
En 2015, le dollar devrait poursuivre sa tendance haussière séculaire. Et Jean-Sylvain Perrig de préciser, «Contrairement à une idée très répandue qui veut qu'un dollar haussier soit négatif pour le marché actions américain, l'histoire montre en fait qu'il n'existe pas de corrélation entre les deux.»
Le marché actions américain, qui bénéficie d'une bonne visibilité, devrait ainsi continuer à bien performer, notamment grâce à une croissance économique pérenne, qui devrait se situer autour des 3%, à des taux d'intérêt toujours très bas, et à des programmes de rachat d'actions qui devraient être importants. «Il s'agit donc de favoriser cette classe d'actifs, et particulièrement les titres liés à la santé et à la technologie – où nous voyons les meilleures révisions bénéficiaires et un fort potentiel de croissance, ce qui devrait se traduire par une augmentation de la prime de ces secteurs par rapport au reste du marché», souligne Jean-Sylvain Perrig.
A l'opposé, les marchés actions européens sont moins attractifs, car les attentes de croissance des bénéfices sont très élevées, et devront être revues à la baisse – même si la hausse du dollar devrait amortir l'intensité de celle-ci. Les sociétés sur les marchés émergents devraient, dans l'ensemble, souffrir d'une rentabilité toujours en repli, de la force du dollar et de valorisations relativement peu attrayantes. Parallèlement à cela, et au vu du surplus de dette et des excédents de capacités en Europe et au Japon, les taux vont rester très bas. Ainsi, il faudra aller chercher du portage («carry») sur le segment «high yield». Enfin, comme le souligne Jean-Sylvain Perrig, «La période à venir devrait donc être positive, mais plus volatile qu'au cours des dix-huit derniers mois.»