Candidats mondialistes : il faut lever les ambigüités

Par Bertrand de Kermel Modifié le 14 mars 2017 à 5h41
Candidat Position Economie Mondialisation Programme 2017 Election
@shutter - © Economie Matin
53%La position d'un candidat face à la mondialisation est décisive pour le vote de 53 % des Français

Un sondage paru dans «Economie matin le 17 février 2017 https://www.economiematin.fr/news-presidentielle-2017-position-programme-mondialisation-vote-candidat-elu-president-boudot nous révèle que 53% des Français interrogés déclarent juger un candidat en fonction de ses positions face à la mondialisation plutôt que sur le clivage gauche/droite.

Effectivement de très nombreux politologues confirment que le clivage se fait aujourd’hui davantage sur l’enjeu « patriote/mondialiste » que sur l’enjeu « droite/gauche ».

Arrêtons-nous quelques instants sur la mondialisation, et plus particulièrement sur la libre circulation des biens, sujet sur lequel les candidats «mondialistes» sont le plus souvent extrêmement superficiels et toujours ambigus quand il s’agit d’être concret.

La mondialisation actuelle n’est pas durable pour la raison suivante. Il suffit que les règles du commerce soient respectées, pour qu’aucun pays ne puisse s’opposer à l’importation d’un produit sur son territoire, même si le produit a été fabriqué en tout ou en partie dans des camps de travail forcé voire dans des situations de quasi esclavage, y compris d’enfants, en piétinant la charte de l’ONU et les textes de l’Organisation Internationale du Travail, et au prix de dégâts environnementaux ou climatiques majeurs.

Nous le savons mais, n’ayant pas d’autre choix, nous achetons les produits ainsi fabriqués tout comme nos ancêtres les plus riches consommaient avec gourmandise du sucre de canne au XVIIIème siècle, en sachant parfaitement qu’il était produit par des esclaves à la Martinique et dans les îles voisines.

La révolution a supprimé l’esclavage pratiqué par la France. Deux cents ans plus tard, la mondialisation non seulement tolère mais encourage parfois le quasi esclavage et plus souvent le non respect, par des entreprises occidentales, des droits de l’Homme et des normes environnementales internationales. C’est inacceptable. Les candidats doivent prendre position.

Soit on n’y peut rien, on le dit et on ne brigue pas la Présidence de la France, soit on sait que cette situation peut être changée, et on s’engage clairement à le faire, en proposant des solutions dans les programmes. Car ces solutions existent, et la France a les moyens de les imposer. (Voir sur : https://www.pauvrete-politique.com/notre-lettre )

La Commission européenne et les mondialistes critiquent avec ironie les opposants au CETA ou au TTIP au motif que ces accords sont négociés entre continents ayant grosso modo les mêmes conditions sociales et environnementales. Cet argument est nullissime. Ils auraient raison SI et seulement SI ces accords ne concernaient que les produits fabriqués en totalité sur les territoires canadiens ou européens.

Or, ce n’est pas du tout le cas. Ces accords facilitent les échanges portant à la fois sur les produits fabriqués sur place, et sur les produits importés préalablement soit au Canada soit dans l’UE, qu’ils aient été fabriqués ou non au mépris des droits de l’Homme. Voilà pourquoi ces accords sont très critiquables et doivent être remaniés.

Comment en sortir ? En faisant arbitrer le problème par les consommateurs, donc le marché. Est-ce faisable ? Pas aujourd’hui car le consommateur est soigneusement tenu dans l’ignorance totale des conditions de fabrication des produits qu’il achète. Est-ce normal ? Non. Peut-on changer les choses ? Oui. Est-ce l’avis des candidats mondialistes ? On n’en sait rien.

Pour commencer, il faut partir de l’article 103 de la charte internationale des droits de l’Homme qui précise que : « En cas de conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront ».

Cela signifie que l’Union européenne peut interdire l’importation de produits fabriqués même partiellement au mépris de la charte des Nations Unies. Du reste, le Parlement européen le lui a demandé dans sa résolution du 25 novembre 2010, point 27. L’UE dispose donc d’une bombe. Elle peut donc réunir toutes les parties prenantes et proposer des solutions sans qu’on lui rétorque : «impossible, la chaîne de valeur de la mondialisation est trop complexe et patati et patata, donc on ne peut rien faire». Car dans ce cas, elle pourra menacer d’utiliser l’article 103 de la charte de l’ONU.

L’une des réponses (il y en a d’autres) consiste à appliquer la résolution du Parlement européen sur les droits de l'Homme du 25 octobre 2016. Le Parlement européen demandait la création d'un label d'identification volontaire au niveau de l'Union, attestant du respect des droits de l'homme. En clair, il s’agit d’un label qui ressemblera au label «commerce équitable», par ex, mais pour les produits industriels. Le PE demandait que les produits sous label bénéficient d’un avantage ce qui est la moindre des choses, vis-à-vis du consommateur. Le produit le moins cher doit être le produit sous label, pour inciter le consommateur à l’acheter.

Cela conduira à imposer progressivement sur les marchés européens des produits fabriqués en respectant les droits de l’Homme et la règlementation environnementale internationale (qu’il faut ajouter au contenu de ce label). Restera aux consommateurs à boycotter les produits qui n’auront pas le label sur leur emballage.

Aujourd’hui, on cache aux consommateurs les conditions de fabrication des produits qu’ils achètent. C’est profondément anormal, car on les empêche de choisir.

Il faudra, enfin, laisser un délai suffisant aux entreprises pour se préparer.

TF1 et France 2 vont organiser chacun une émission avec les candidats. Espérons que ce sujet crucial sera évoqué, et que des réponses claires seront apportées par chacun.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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