Présidentielle 2017 : Macron, trublion du clivage traditionnel gauche/droite

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Par Nicolas Boudot Publié le 10 mars 2017 à 8h40
Emmanuel Macron Election 1
cc/pixabay - © Economie Matin
53%53 % des Français votent encore en fonction du clivage Gauche/Droite.

Q1 : L’appartenance d’un candidat à la gauche ou à la droite est-elle un critère de choix déterminant dans votre vote à l’élection présidentielle ?

  • Sous total « oui » : 57 %

  • Sous total « non » : 43 %

57% des Français interrogés considèrent que l’appartenance d’un candidat à un camp politique est un critère de choix déterminant pour l’élection présidentielle

Alors que depuis le début de cette campagne présidentielle, différents experts et commentateurs de la vie publique affirment que la fin du clivage traditionnel en France est advenue, notre sondage vient brutalement les contredire.

En effet, 57% des Français interrogés considèrent que l’appartenance d’un candidat à la gauche ou à la droite est pour eux un critère déterminant dans leur choix lors de l’élection présidentielle de 2017.

C’est une mauvaise nouvelle pour au moins deux des principaux candidats, Marine le Pen et Emmanuel Macron.

En effet, ils ont décidé de s’affranchir de ce clivage traditionnel qui marque pourtant la Vème République en organisant la structure parlementaire du pays.

Marine le Pen a annoncé vouloir imposer un nouveau clivage entre les défenseurs de la mondialisation d’une part et les « patriotes » d’autre part. Emmanuel Macron, moins précis, se présente plutôt comme un homme neuf voulant faire venir à lui les femmes et les hommes de bonne volonté, hors des clivages traditionnels.

En communication, ce résultat appelle deux commentaires.

D’abord, c’est une marque de volonté de la part de l’opinion publique, à mesure que l’on se rapproche de l’échéance, de s’accrocher et de défendre les fondamentaux de l’organisation politique de la France.

C’est ensuite un résultat qui montre que les Français prennent conscience de la survenance des élections législatives en juin 2017, quelques semaines après les élections présidentielles. Chacun mesure la nécessité pour le Président (ou la Présidente) nouvellement élu(e) de disposer à l’Assemblée nationale d’une majorité parlementaire pour appuyer un gouvernement et appliquer un programme, le quinquennat ayant imposé cette forme d’élection « à quatre » tours.

Tout l’enjeu, pour les deux candidats précités, sera donc de démontrer très rapidement leur capacité à obtenir une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale, alors même que l’élection présidentielle n’est pas achevée.

En communication, cet impératif peut, par exemple, se concrétiser par la révélation des noms de celles ou ceux que l’on pressent pour être premier ministre ou pour être membre du gouvernement. Ou encore par des prises de parole des candidats de son parti, ou de son mouvement dans toutes les circonscriptions afin que les électeurs locaux puissent les identifier … Autant d’actions de communication qui peuvent être efficaces localement, mais nuire à la dynamique d’une campagne présidentielle construite sur une personne plutôt que sur l’incarnation d’un parti ou d’un camp.

Finalement, cette phrase du Cardinal de Retz, battue et rebattue depuis le 18ème siècle à longueur de chroniques et de gazettes prend en 2017 tout son sens : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment ».

Q2 : Diriez-vous que les propositions d’Emmanuel Macron sont dans la continuité de la politique menée par François Hollande durant son quinquennat ?

  • Sous total « oui » : 46 %

  • Sous total « non » : 53 %

  • NSP : 1 %

53 % des Français interrogés pensent que les propositions d’Emmanuel Macron ne sont pas dans la continuité de celles de François Hollande

Depuis son entrée en lice comme candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron assume le fait d’être celui qui perturbe les équilibres habituels d’une élection en revendiquant le fait de n’être ni de droite, ni de gauche.

Le ralliement de François Bayrou a constitué le principal coup de théâtre d’un mercato politique qui a vu le fondateur d’« En Marche » être rejoint par quelques figures du centrisme, comme Jean Arthuis ou Anne-Marie Idrac.

Les ralliements venus de la droite, tels les anciens ministres chiraquiens Alain Madelin ou Renaud Dutreil, demeurent à ce jour encore trop rares pour constituer un vivier présentable.

À ce jour, Emmanuel Macron a principalement reçu le soutien de personnalités de gauche qui refusent de voter pour Benoît Hamon : d’anciens communistes comme Robert Hue ou Patrick Braouzec ; des figures du socialisme comme Bertrand Delanoë ou Gérard Collomb ; des parlementaires influents comme François Patriat ou Richard Ferrand ; ou l’ancien candidat écologiste à la primaire de gauche, François de Rugy.

Bien que ces différents ralliements confinent parfois au grand écart politique – voir Robert Hue, ancien dirigeant du PCF candidat à l’élection présidentielle et Alain Madelin, ancien militant anticommuniste actif, soutenir ensemble le même candidat est un archétype –, il apparaît tout de même, si l’on y regarde de plus près, que les renforts viennent majoritairement de gauche.

Finalement, le jeu des alliances qui favorisé la notoriété d’Emmanuel Macron et créé sa dynamique de campagne peut désormais lui fait courir un vrai risque politique : la trop forte coloration socialiste de ses soutiens pourrait rompre le charme du « ni de gauche ni de droite » – équilibre fragile au cœur de son succès – et en faire un candidat « ni de droite, ni de droite ».

Bien réel, ce danger d’image pourrait prendre de l’ampleur par les possibles ralliements de personnalités issues du gouvernement comme Ségolène Royal, Jean-Yves Le Drian ou Stéphane Le Foll, dont les hésitations à soutenir Benoît Hamon sont désormais connues.

Sans appareil partisan fort, Emmanuel Macron n’est pas en position de refuser les ralliements qui s’offrent à lui. Cependant, si ceux-ci devaient continuer d’être trop majoritairement socialistes, il courrait le risque de devenir aux yeux de l’opinion l’héritier de François Hollande, et risquerait de perdre le bénéfice de la brèche qu’il a su créer depuis le début de la campagne dans l’électorat de la droite et du centre.

Le sondage d’aujourd’hui montre que, d’une courte majorité (53%), les Français le considèrent encore comme un candidat en dehors du clivage traditionnel, libéré de son passé de conseiller puis de ministre de l’actuel Président de la République. Toutefois, s’il ne parvient pas à rallier à sa candidature et à mettre en scène sur le terrain médiatique ces ralliements des personnalités de premier plan de la droite, il pourrait alors se trouver dans une situation d’héritier particulièrement complexe à gérer.

Tout l’enjeu pour lui, en termes de communication, est d’accepter ces ralliements et de ne pas les mettre en avant lors de ses prises de paroles médiatiques, et d’espérer que des personnalités de droite le rejoignent.

Les prises de position en début de semaine d’Alain Juppé et de quelques dirigeants de centre droit contre le maintien de la candidature de François Fillon pourraient-ils lui offrir quelques renforts symboliques ?

Sondage exclusif TILDER/LCI/OpinionWay du 9 mars 2017

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