Pratiques commerciales frauduleuses, les actions de groupes comme recours ?

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Par Hervé Duval Publié le 31 mars 2017 à 5h00
Pratique Commerciales Fraude Actions Groupe
@shutter - © Economie Matin
2014Les actions de groupe ont été créées en 2014 avec la loi Hamon.

A l’occasion d’une conférence organisée par l’European American Chamber of Commerce le 17 mars 2017, la question des pratiques commerciales frauduleuses et les recours dont disposent les consommateurs ont été abordées.

Les actions de groupe ou « class-actions » méritent en ce sens un éclairage particulier. Un an après l’ordonnance Macron de mars 2016, qui a eu pour but de clarifier le code de la consommation et la législation encadrant ces procédures, où en est-on ?

Exposée en droit français en 2013, lors de la présentation du projet de loi de Benoît Hamon, l’action de groupe est entrée en vigueur en octobre 2014. Cette mesure relative à la consommation permet aux consommateurs victimes d’un même préjudice de se réunir et de poursuivre un professionnel en justice lorsque celui-ci a manqué à ses obligations légales ou contractuelles. Le groupe peut ainsi se défendre avec un seul dossier, un seul avocat et, surtout, lors d’une seule procédure.

Le principe de l’action de groupe

Pour être lancée, l’action de groupe doit réunir au moins deux consommateurs. Mais seules les associations nationales agréées de défense des consommateurs peuvent agir en justice. Ces associations type loi 1901 regroupent des bénévoles et sont indépendantes des pouvoirs publics. Les ressources dont elles disposent proviennent des cotisations des adhérents, de ressources propres, et d’éventuelles subventions. Elles peuvent agir en justice selon quatre procédures différentes : en cas d’infraction pénale, en cas de litige contractuel, en action préventive en l’absence de litiges, et enfin en réparation conjointe. Le périmètre de l’action de groupe est de plus limité aux relations entre professionnels et consommateurs, définies par le code de la consommation. Il n’est possible de lancer une action de groupe que pour réparer un préjudice matériel, exclusivement pour des litiges relevant de la consommation ou de la concurrence. Depuis 2016, la loi de modernisation de notre système de santé a également rendu possible une action de groupe en matière de santé, pour les dommages causés par des produits de santé.

La procédure comporte deux étapes : la recevabilité et le jugement sur la responsabilité, puis la phase d’indemnisation. L’association qui agit, représentée par un avocat, présente devant le tribunal de grande instance « les cas individuels… au soutien de son action » (article R. 423-3 du code de la consommation). Le juge se prononce ensuite sur la recevabilité de l’affaire et la responsabilité du professionnel. Il ordonne ensuite des mesures de publicité de la décision et indique un délai permettant aux consommateurs d’adhérer au groupe pour obtenir une réparation. Il existe également une procédure dite « simplifiée » : il s’agit alors de rassembler un groupe de consommateurs ayant subi exactement le même préjudice, l’indemnisation qui leur sera versée par le professionnel sera la même.

Qu’en est-il en pratique ?

Depuis leur création par la loi Hamon de mars 2014, neuf actions de groupes ont été introduites, mais une seule a aboutie et a permis d’indemniser 100 000 consommateurs. Les autres sont toujours en cours : trois dans le domaine de l’immobilier (dont la première lancée en France par l’UF Que Choisir contre Foncia), trois dans le domaine financier, une dans les communications électroniques, et une dans le domaine de l’exploitation de camping. Le total est encore modeste mais la machine judiciaire est lancée, et nul doute que des consommateurs de plus en plus avertis vont rapidement s’emparer en masse de cet outil aux multiples avantages.

Pourtant, de nombreuses enseignes continuer de mettre en œuvre des pratiques commerciales trompeuses, désormais connues et largement évoquées sur les forums consommateurs. Les agences de voyage en ligne sont par exemple coutumières de ces pratiques. C’est le cas du groupe Odigéo (Edreams, Go voyages, Opodo), épinglés par la DGCCRF en 2015. Lors de l’achat d’un billet à l’apparence promotionnelle, le client entre ses coordonnées bancaires, accepte et valide son achat. C’est à ce moment qu’il reçoit un mail de confirmation avec un prix bien différent de celui annoncé lors de la transaction. Son compte bancaire débité, il n’a plus qu’à se lancer dans un combat de longue haleine contre l’agence concernée jalonné d’obstacles : plate-forme téléphonique injoignable, appels téléphoniques n’aboutissant pas, envoi de courriers et relances… Bien que les cas soient à chaque fois différents (puisque les commandes sont toujours uniques), ce genre d’enseignes prêtent le flanc à des actions de groupe multiples. Mais la désintermédiation induite par internet semble désinhiber certains acteurs, notamment ceux dont les sièges sociaux sont à l’étranger (celui d’Odigéo est au Luxembourg).

Il serait pourtant faux de croire que ce type de pratiques se limitent au e-commerce : en boutique physique, le consommateur n’est pas forcément en reste, notamment lorsqu’il s’agit de grande chaine de magasins. L’opérateur SFR est ainsi visé par une action de groupe pour information trompeuse depuis 2015 : l'association de consommateurs Familles rurales lui reproche une information trompeuse sur l'étendue de son réseau 4G sur le territoire. D’autres enseignes pourraient très prochainement rejoindre la liste des suspects. L’ancien directeur de la DGCCRF Jérôme Gallot, intervenant de la conférence de l’EACC, est ainsi revenu longuement sur le cas d’Optical Center, enseigne d’optique condamnée fin 2016 pour son « offre unique » : Optical Center propose une fausse promotion de 40% sur un « prix de référence » qui a en réalité été gonflé pour tromper le consommateur. Une remise « exceptionnelle » qui est par ailleurs proposée toute l’année depuis 20 ans environ… La cour d’appel de Paris a condamné Optical Center, au motif de proposer « une offre commerciale trompeuse », au retrait de l’offre et à la publication de la décision, sous astreinte de 250 000 euros par nouvelle campagne. Forts de cette décision, des associations de consommateurs pourraient fort bien demander réparation à l’enseigne : une pétition circule en ce sens sur Citizengo.org depuis plusieurs mois.

Pourquoi des actions de groupes ne sont pas engagées plus rapidement contre ces enseignes ? Il faut croire qu’il y a encore des freins à leur application… D’une part, celle-ci est coûteuse ; il faut ainsi démarcher et trouver les consommateurs susceptibles de participer aux frais qu’il faudra avancer. Dans cet optique, un rapport d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la consommation a d’ailleurs évoqué que « La création d'un fonds de soutien pour aider les associations à financer l'action de groupe » devrait être étudiée. D’autre part, les procédures sont trop longues, le consommateur doit s’armer de patience et ne dispose pas forcement du temps pour gérer un dossier, l’expertise peut être plus ou moins longue en fonction du nombre de cas impliqué, l’évaluation de la réparation aussi …

Ainsi, si l’action de groupe contribue à l’application du droit à la consommation, il faut optimiser son application. Elle peut revêtir un aspect dissuasif, mais pour cela, il convient d’installer une certitude d’application des peines. Sans celles-ci, aucune raison pour les entreprises de cesser leurs pratiques frauduleuses. Il s’agit ainsi de se questionner sur les apports de l’ordonnance Macron en termes d’effectivité de ces sanctions…

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Hervé Duval, conseil juridique, Droit des affaires / Droit du travail - Conseil et contentieux - France et International. Recherches et veille juridiques, rédaction de notes sur des sujets touchant au droit pénal des affaires et notamment aux pouvoirs d’investigation des autorités judiciaires et des autorités administratives indépendantes.

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