Pourquoi taxer les oeuvres d’art à l’ISF est une idée catastrophique pour la France

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Par Fabien Bouglé Publié le 5 octobre 2017 à 5h00
France Oeuvres Art Isf Impots
@shutter - © Economie Matin
5 %La France détient 5 % des parts du marché des enchères mondiales.

La proposition par le Président de l’assemblée nationale François de Rugy de taxer les œuvres d’art à l’ISF, survient, hasard du calendrier ( !), à la veille de la FIAC (foire internationale d’art contemporain).

Cette annonce en forme de marronnier, relayée par une presse friande de controverse, crée une instabilité terrible dans la psychologie de l’amateur d’art et sème le doute dans l’esprit des collectionneurs.

Véritable serpent de mer, la mesure ne cesse d’être brandie pour des raisons politiciennes, sans égard aucun pour les acteurs du marché de l’art français, et toute tendance politique confondue : quand ce n’est pas l’extrême gauche qui fait cette proposition pour déstabiliser la droite au pouvoir, c’est la « droite » qui dépose l’amendement pour montrer la contradiction de la gauche de gouvernement.

Or, cette instrumentalisation du pouvoir d’amendement dans le cadre de la loi de finance a un effet délétère sur les collectionneurs et les propriétaires d’œuvres d’art. La seule perspective de la taxation, et même si elle n’est pas suivie de l’adoption d’une mesure effective, a des impacts immédiats sur la dynamique de notre marché de l’art français car elle crée une incertitude et une insécurité juridique préjudiciable à la sérénité nécessaire à l’engagement des mécènes et amoureux de l’art dans des transactions qui incluent déjà une prise de risque et un aléa.

Comment s’étonner dans ces conditions que notre création française en soit à un niveau proche de zéro sur le marché international et que la France soit désormais placée en 4ème position du marché des enchères mondiales avec un petit 5% de part de marché ? Rappelons que dans les années 50, la France était en pole position dans le monde. Le célèbre commissaire-priseur Maurice Rheims réalisait à lui seul plus que les chiffres d’affaire de Sotheby’s et Christie’s réunis.

Le marché de l’art est en effet, et par excellence, un marché de confiance. Si le législateur est en permanence en train de mettre la pression sur les acheteurs d’art, ces derniers se découragent, soit en exportant le patrimoine existant, soit en arrêtant d’acheter. L’épée de Damoclès qui pèse sur ce marché depuis tant d’années est une des raisons principales de la perte de compétitivité de notre marché de l’art français au niveau international.

La transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière est l’occasion pour ceux qui ne comprennent vraiment rien de l’importance de disposer pour la France d’amateurs d’art et de collectionneurs de revenir à ce débat : taxera ou ne taxera pas les propriétaires d’œuvres d’art. Jusque-là les porteurs de cette réforme étaient le plus souvent des députés en quête de reconnaissance qui utilisaient leur amendement pour se faire de la publicité. Cette fois-ci il en est autrement puisque c’est le Président de l’Assemblée Nationale, François de Rugy qui vient de se déclarer publiquement favorable à la taxation des œuvres d’art à l’ISF, tandis que le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner a déclaré mardi qu'il faisait "confiance aux parlementaires" pour répondre aux critiques sur l'exemption de taxation de l'ISF de certains biens en faisant valoir leur pouvoir d’amendement.

Comme en 2012, à l’issue du changement de gouvernement, les lobbys fiscalistes sont à la manœuvre contre notre création artistique. Mais cette fois-ci, si les œuvres d’art devaient être taxées au titre du nouvel ISF, les conséquences seraient encore plus graves qu’en cas de taxation au titre de l’ancien ISF. En effet, dans le cadre de l’ISF ancienne version l’ensemble du patrimoine était taxé sauf les œuvres d’art, ce qui maintenait une forme d’intérêt des investisseurs pour l’art. Avec la nouvelle formule de l’ISF, comme apparaitraient d’autres formes d’investissements défiscalisés, (valeurs mobilières par exemple, etc…), les œuvres d’art deviendraient - en étant fiscalisées - un actif non productif de revenus et même entaché d’un droit fiscal de détention.

Irrémédiablement et mécaniquement les propriétaires d’œuvres les cèderont au profit d’actifs non taxés et rentables, et ceux qui souhaitaient en acheter stopperont leur projet. Il en sera fini du marché de l’art et de la création en France. Il sera alors bien inutile de chercher à développer notre création comme cela avait été pourtant envisagé dans le programme du Président Macron. L’excellent rapport de 2016 sur le marché de l’art de l’Assemblée Nationale, avec pour rapporteur le député Stéphane Travers, proche du Président et, actuel Ministre de l’Agriculture, qui avait réussi à établir un consensus entre la droite et la gauche sur la nécessité de soutenir fiscalement notre création artistique n’aura servi à rien alors qu’il pouvait permettre une reprise du marché.

La taxation des œuvres d’art à l’ISF serait une mesure catastrophique pour les acteurs du marché, notre patrimoine et les artistes, et il est urgent que nos politiques soutiennent visiblement la culture française en cessant ces menaces irresponsables.

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Fabien Bouglé est le fondateur de Saint Eloy art consulting. Il est consultant en gestion de patrimoines artistiques depuis près de quinze ans. Juriste de formation, il est titulaire d’un DESS gestion de patrimoine et d’une licence d'’histoire de l'art. Il a acquis un réel savoir-faire ainsi qu’'une expertise recherchée pour traiter l’intégralité des questions liées aux patrimoines artistiques comprenant les objets d'art de collection et d'antiquité. Auteur de plusieurs livres sur le marché de l'art, il est une référence pour la presse tant financière qu’'artistique.

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