Pourquoi renouveler la gamme des billets en euros ?

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Par Laure De Charette Modifié le 28 septembre 2017 à 16h59
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@shutter - © Economie Matin
0,003%Seuls 0,003% des billets en euros en circulation seraient faux, l'un des taux de contrefaçon les plus faibles du monde

Pour remplacer la première génération de billets, la BCE a commencé à mettre en circulation, depuis mars 2013, une deuxième série nommée « Europe ». Si elle garde le même esprit pictural que sa grande sœur, avec des représentations architecturales caractérisant différentes périodes de l’histoire de l’Europe, elle innove pour répondre aux exigences toujours plus grandes de sécurité et de durabilité.

Quels sont les enjeux de ce renouvellement ?

Au sein de la zone euro, c’est la BCE ainsi que les banques centrales nationales (BCN) de l’Eurosystème qui sont responsables de « l’intégrité des billets et de la lutte contre toute contrefaçon », selon la terminologie officielle en vigueur. D’après la Banque de France, cette mission est menée avec une grande efficacité, puisque l’euro, avec un taux de contrefaçon de 0,003%, est l’une des monnaies les moins contrefaites au monde. Ce qui équivaut, d’après le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, à « huit fois moins que ce que l’on observait pour les derniers billets en francs ». En dépit de ce résultat extrêmement satisfaisant, la BCE, afin de préserver la confiance des 338 millions d’Européens dans leur monnaie, a décidé de renouveler depuis mai 2013 toute sa gamme de billet en y intégrant des dispositifs de sécurité améliorés. Le plus récent des billets, mis en circulation le 4 avril 2017, est celui de 50 euros.

Renforcer la durabilité des billets de banque

L’enjeu du renouvellement est aussi de garantir aux nouveaux billets de banque une durabilité plus importante que les précédents. Passant de main en main et de poches en portefeuilles, la manipulation quotidienne des billets par les consommateurs impose en effet de développer des techniques pour renforcer leur résistance. Il arrive ainsi que certains subissent quelques mésaventures originales : le journal Le Monde du 14 septembre 2016 relatait à ce sujet qu’au Royaume-Uni, en 2015, sur 21 835 coupures qui ont été remplacées pour avoir été endommagées, 5 364 avaient été « mâchées ou mangées ».

Le travail se fait entre autres sur la matière de billets. L’Angleterre a ainsi fait le choix pour certains nouveaux billets du polymère, à la place des traditionnels papiers en fibre de coton. Il y a quelques années, d’après le site en ligne digitaltrends, des chercheurs de l’institut de technologie de Genève, ont même conçu un support en polymère permettant la mise en circulation de billets hydrophobes et bactéricide. Oberthur Fiduciaire, imprimeur français de billets de banques, a lui aussi été sollicité notamment par le Vanuatu pour réaliser sa nouvelle gamme de billets sur ce support jugé plus résistant. Cependant, ce billet au coût de production plus élevé que les modèles « classique » ne fait pas l’unanimité auprès des populations et des banques centrales. Aussi, l’imprimeur tricolore s’est penché sur la création de fibres de coton optimisé et a déposé le brevet SecuritCoat Ultra, pour un proposer à ses clients un « papier de coton » plus résistant et plus durable.

Les nouveaux billets auront une durée de vie plus longue – jusqu’à plusieurs années selon les billets – permettant de réduire au passage leur empreinte environnementale. Plus résistants aux agressions de tous types, les nouveaux billets seront évidemment encore plus sécurisés. Le renouvellement d’une série est en effet l’occasion d’incorporer aux supports les dernières innovations du secteur. En la matière, le « contenu technologique » des billets de banque a de quoi surprendre.

Quels sont les procédés pour sécuriser un billet de banque ?

Depuis sa création il y a plusieurs siècles, ce qu’on appelait alors la monnaie papier a connu d’importantes évolutions au point d’être devenue un condensé de technologies. Pour gagner « la course de vitesse engagée contre les faussaires pour rendre toute reproduction impossible », selon l’expression de Thomas Savare, directeur général d’Oberthur Fiduciaire, il est impératif d’innover constamment. Oberthur Fiduciaire, consacre par exemple près de 5% de son chiffre d’affaire à la seule R&D ; la place au sein du trio de tête mondial des imprimeurs de billets de banque est à ce prix. Pour mesurer la complexité de la chose, il convient tout d’abord de comprendre que ces technologies doivent satisfaire deux conditions a priori antinomiques : être suffisamment évidentes pour que le citoyen lambda puisse reconnaitre un faux billet (sans être expert), tout en étant complexes, voire invisibles, pour compliquer la tâche des contrefacteurs potentiels.

Pour l’impression du nouveau billet de 50 euros tiré à 6,5 milliards d’exemplaires, une dizaine de repères permet ainsi aux citoyens de vérifier son authenticité : filigrane, bandes de sécurité, effets de transparence, encres à variations de couleurs… Mais la plupart des sécurités (plusieurs dizaines) reste inconnue du grand public et doit constamment être améliorées. « Nous déposons régulièrement de nouveaux brevets couvrant les technologies que nous mettons en œuvre comme le swing qui est une sécurité imprimée à effets optiques variables sur fenêtre transparente », poursuit le directeur général d’Oberthur Fiduciaire.

Dans le cas des nouveaux billets, l’originalité est d’avoir aussi fait appel aux chercheurs de l’université de Stanford. Ces derniers ont conseillé d’imprimer sur ce billet la princesse Europe. En effet, selon David Eagleman, l’un des neuroscientifiques sollicités, « le cerveau de l'homme reconnaît les visages bien mieux que les monuments. Et puisque les illustrations des billets sont souvent dessinées à la main, notons qu'il est plus facile de reconnaître un faux visage qu'un faux bâtiment ». D’autres technologies sont à l’étude concernant la sécurisation de la monnaie : des chercheurs de l’université d’Etat du Dakota du Nord ont ainsi réussi, il y a quelques années, à insérer une puce RFID (Radio Frequency IDentification) au sein des billets. Les potentialités de cette technologie sont importantes mais elle n’a pas encore pu être diffusée à échelle industrielle : l’impression d’une série de billets se compte en effet par milliards.

L’évolution technologique des billets de banque a été permise par une myriade d’innovations, d’autant plus exceptionnelles qu’elles sont quasi-invisibles pour les consommateurs. Il reste cependant que ces transformations participent à l’attachement des individus à leur monnaie papier, qui, au-delà de sa nature de moyen de paiement, est aussi un symbole de fierté et d’identité nationale (ou communautaire dans le cas de l’UE).

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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