Pourquoi Paris n’est plus la capitale

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Par Ludovic Grangeon Modifié le 1 octobre 2018 à 15h45
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Pourquoi Paris n’est plus la capitale - © Economie Matin
80%80% des Parisiens veulent quitter la capitale.

Le pouvoir, ses fausses élites, et la capitale sont isolés dans une bulle, loin du pays dont ils sont moins le centre que le nombril, et totalement inconscients des réalités actuelles. Un exemple parmi tant d'autres : un agriculteur sur trois gagne à plein temps moins de 350 euros par mois et la plupart 580 euros mensuels pour faire le métier idéal de nourrir les autres.

Paris dans le même état que la cour à Versailles en 1788

Il ne faut pas voir d’autre raison dans la déception de l’opinion et son impatience face aux réformes. Le peuple français a faim et Paris fait la fête. La récente prestation d'Edouard Philippe est révélatrice : si le gouvernement n'obtient rien de rapide, alors il sera lynché en bouc émissaire après 30 ans de faux fuyants de présidents-rois fainéants en France. Les signaux se sont multipliés et accélérés ces derniers temps. 230 années n’y ont rien fait. Paris est dans le même état que la cour à Versailles en 1788.

Comme Léonard en son temps, le coiffeur à 10 000 euros mensuels de François Hollande l'annonçait. Le pouvoir, ses fausses élites, et la capitale sont isolés dans une bulle, loin, très loin du pays dont ils sont moins le centre que le nombril, et totalement inconscients des réalités mondiales actuelles. Une preuve: la nouvelle doctrine du business est « le fêtard parisien est le roi ».

L'agriculteur produit pour 8 euros ce qui sera vendu 100 euros au consommateur(FNSEA). Le salon de l'Agriculture à Paris est devenu un zoo obscène où les "zurbains" viennent contempler en voyeurs une race en voie de disparition.

Un agriculteur sur trois gagne à plein temps moins de 350 € par mois et la plupart 580 € mensuels pour faire le métier idéal de nourrir les autres. Un suicide par jour frappe le monde paysan. Paris traite ses agriculteurs comme des réserves d'indiens en leur imposant des éoliennes totalement inefficaces qui détruisent des milliers d'hectares de terres agricoles et désespèrent la ruralité qui se sent abandonnée. Ces éoliennes de Shadoks enrichissent immensément quelques banquiers et financiers bien au chaud dans la capitale, très près des ministères, par une taxe obligatoire qui ne sert à rien non plus : la CSPE, avec 40% d'augmentation de l'électricité pour rien.

Les vrais chercheurs en énergie renouvelable sont obligés de s'expatrier ; leurs travaux sont torpillés par les lobbies parisiens qui veulent préserver le gâteau. Le marché de Rungis est une concentration monstrueuse au bilan carbone désastreux. On y transporte tout par les moyens les plus polluants. 9 milliards de chiffre d'affaires ne laisseront que dix fois moins, de très maigres miettes aux producteurs, ou en s'approvisionnant par avion dans les pays pauvres pour nourrir le Paris bien pensant.

Un Français sur six vit dans la pauvreté et le dénuement

Par une facilité cynique, les ministères ou les sièges de sociétés commencent par supprimer tout ce qui est en région et productif avant de s'attaquer aux frais généraux colossaux des états-majors parisiens et à leurs pratiques peu claires. Les centrales d'achat des grandes surfaces asphyxient agriculture et petites entreprises depuis leurs sièges bien garnis et au profit gigantesque de leurs actionnaires fonds requins toujours plus assoiffés. Les pratiques du milieu de la publicité sont souvent incestueuses dans ce petit monde. Les réseaux d'eau potable sont en ruine après la main basse sur leurs fonds de réserve pour assouvir des rêves mégalomanes dans l'audiovisuel, évanouis en chaos. Des cadres de sociétés nationales "contrôlées" par l'Etat constituent "légalement" des fortunes personnelles dans des paradis fiscaux, comme à EDF, par exemple.

75% des pauvres vivent dans les grandes agglomérations et sont ignorés (Insee-Secours Catholique)

La moitié du territoire français vit dans l’abandon de son éducation, de sa police, de ses hôpitaux, de son agriculture, de ses routes, de ses transports, etc… 15 millions de Français vivent dans la précarité énergétique. Un Français sur six vit dans la pauvreté et le dénuement. Selon le Rapport 2017 du Secours Catholique et de la Fondation Crédit Coopératif, 70% des pauvres sont au chômage. 40% des politiques ne connaissent pas la situation de la pauvreté avec des préjugés inexacts. L'aide alimentaire vient de doubler en quelques années pour plus de 5 millions de personnes. Leur niveau de vie médian est de 501 € par mois par ménage.

Plus de 80 policiers et gendarmes se sont suicidés cette année en raison de conditions de travail aberrantes où l'exceptionnel est quotidien, et seulement quelques week ends par an en famille. Leurs collègues manifestaient encore cette semaine devant le Conseil d'Etat, dans l'indifférence et la solitude.Pendant ce temps, à quelques pas, des « zurbains » fragiles et polissés refont en enfants gâtés l’écologie sur des terrasses parisiennes chauffées au gaz, la cigarette en l’air, en dénonçant les violences, en dégustant des haricots verts cueillis par des enfants de dix ans en Afrique ou du quinoa acheté quelques centimes à de misérables paysans d'Amérique Latine. Ils pesteront contre l’effet de serre urbain qu’ils iront oublier le week end d’un coup de jet dans un hôtel employant des clandestins, dans un ryad acquis avec la fraude fiscale, ou sur un yacht à équipage philippin.

Le textile "durable" de la grande marque branchée qu’ils portent a été fabriqué par des enfants de dix ans mais le fabricant prestigieux a obtenu le label "éthique" par une inspection de quelques jours prévenue un mois à l’avance, au cours de laquelle tout était parfait, selon une ONG à la communication abondante et aux salariés très bien payés. L'honneur est sauf... De superbes pages de responsabilité sociétale, rédigées par des agences de communication sophistiquées, ornent la plupart des sites Internet des sièges parisiens sur des actions humanitaires lointaines et vagues, mais on laisse crever la Lozère, les pêcheurs ou le Berry parmi d'autres.

Petits médias entre amis

Les experts sont parisiens, les témoignages sont parisiens, les reportages sont parisiens, les raisonnements sont parisiens, la pensée française est parisienne, avec une morgue insolente insupportable. Les médias sont dans le petit confort de leurs petites émissions quotidiennes entre soi, avec toujours les mêmes qui habitent tous à 5 minutes des studios, parce que c’est pratique et qu’on est entre amis. La "province" encaisse et fulmine devant ce tout petit cercle virtuel qui lui décrit une France virtuelle. Bien pire, cet état permet de constater à quel point les "élites" parisiennes sont larguées, auto proclamées et souvent de bien faible niveau par rapport aux "ploucs de province" qu'elles ignorent ou méprisent.

Des opinions tranchées sont assénées par des personnalités aux références prestigieuses qui parlent de la « province » sans avoir franchi le périphérique, qui parlent du monde parce qu’ils se sont encanaillés à passer un week end à Marrakech, entre soi. Il ne se passe pas un jour sans qu’un « expert » de salon ne se ridiculise dans ces débats quotidiens par des erreurs grotesques, en citant une statistique vieille de dix ans, en comptant en francs, en parlant d’un pays sans savoir qu’il a totalement changé, en répétant une revue de presse lue à la hâte dans le taxi, voire en faisant la promotion d’activités dans lesquelles il a des intérêts financiers.

Tout est effet d’annonce, aucun effet n'est annoncé. Paris et ses élites: une belle façade qui donne sur un terrain vague.

Tout n’est aujourd’hui que communication et culture du selfie. La visite d’une personnalité dans une ville n’est destinée qu’à préparer un communiqué, une séquence, un brouillard médiatique, aussi vite oubliés. Les actions politiques sont cosmétiques. La gestion catastrophique de la Ville de Paris n’en est que le reflet ; tout dans le paraitre, rien dans l’être. Dans cette panique permanente, la série est longue: Velib, autolib, Tour Eiffel, poubelles et ordures, invasions de rats, des dizaines de fonctionnaires aux postes vagues à plus de 10 000 euros par mois, un coût de la vie parmi les plus élevés de la planète pour des prestations médiocres, projets idéaux devenus mirages, désastres quotidiens. Dernier exemple, on vient de s’apercevoir qu’on avait lancé pour rien une station de métro inutile à 200 millions d’euros. Le maire d’une petite commune rurale fermera entretemps une classe d’école pour 16 000 euros, mais c’est un détail. On sait déjà qu’un tiers des équipements prévus pour les jeux olympiques ne seront pas prêts à temps mais il ne faut pas le dire. Des milliards seront dépensés en pure perte pour la bulle parisienne et faire des petites affaires entre amis. Roissy est régulièrement classé parmi les pires aéroports. Récupérer ses bagages y est souvent plus long que le vol avec pourtant une taxe exorbitante parmi les plus élevées au monde de plus de 50€ par passager, le triple de Tokyo ou New York, et autant en redevance auprès des compagnies aériennes, pour un service médiocre. Orly vient d'être plongé dans le noir par une panne générale d'électricité qui révèle l'amateurisme de sa gestion,sans moyens fiables de secours pour un tel équipement.

Les administrations centrales tournent en rond dans des messes administratives régies par des rituels immuables faits de langages technocratiques, de commissions, de lobbies, et de textes abscons inapplicables dont le Conseil Constitutionnel dénonce l’aberration depuis plus de 20 ans, et la Cour des Comptes les gabegies innombrables. Les postes à de 6 à 12 000 euros par mois et plus si affinités s’y comptent par milliers dans l’opacité des rapports. Pendant ce temps le système hospitalier est au bord de l'implosion tous les jours avec des personnels qui font cadeau de leurs heures supplémentaires...et des postes supprimés par d'obscurs gris et froids comptables publics qui ne sont même jamais venus les voir.

80% des Parisiens rêvent de vivre ailleurs, et c’est logique

Le Sénat crée des commissions d’enquête qui vont bientôt compter les petites cuillers, mais l’opacité de son système interne de gestion n’est toujours pas clarifiée, y compris les versements d’espèces. Ne parlons pas des « intellectuels » qui se font photographier devant des décors à Paris pour justifier leur « action humanitaire » et dont la naïveté les fait toujours choisir le mauvais cheval, au prix de dégâts humanitaires considérables. La crise des réfugiés aujourd’hui est largement issue de ces erreurs dramatiques. Prononcer simplement « François Hollande » dans certains pays provoque l’hilarité générale. De nombreuses ONG sont devenues des machines à fric qui exploitent des sentiments de culpabilité et se portent à ravir grâce à des dons des plus modestes, et leur omniprésence dans les salons mondains à... Paris...

Il suffit de regarder autour de soi : rien de naturel n’existe à Paris, entre béton, embouteillages, machineries, pollution, chauffage, transports, chaleur urbaine, rats et crasse omniprésente. Tous les provinciaux sont des ploucs mais 80% des Parisiens veulent quitter Paris. Pendant ce temps, la pauvreté extrême a doublé en région parisienne et frappe 1 Français sur 6. Le Grand Paris est englué dans un rêve mégalomane où plus rien n’est contrôlé par dizaines de milliards, avec sans doute un feu d’artifice final en émeutes générales de banlieue pour les Jeux olympiques, comme dans toutes les autres villes ayant connu cette aventure, Rio en étant le dernier exemple criant, comme Athènes ou d’autres.

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Ludovic Grangeon a été partenaire de plusieurs réseaux d’expertise en management et innovation sociale de l'entreprise. Il milite à présent pour le développement local et l’équilibre des territoires au sein de différentes associations. Il a créé en grande école et auprès des universités  plusieurs axes d’étude, de recherche et d’action dans le domaine de l’économie sociale, de la stratégie d’entreprise et des nouvelles technologies. Il a également été chef de mission et président de groupe de travail de normalisation au sein du comité stratégique national Afnor management et services. Il a participé régulièrement aux Journées nationales de l’Economie, intervenant et animateur. Son activité professionnelle a été exercée dans l'aménagement du territoire, les collectivités locales, en France et auprès de gouvernements étrangers, à la Caisse des Dépôts et Consignations, dans le capital risque, l’énergie, les systèmes d’information, la protection sociale et la retraite.

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