Pendant que les Européens se disputent le bout de gras sur la politique migratoire, la doctrine américaine progresse. Tout laisse à penser que l’OTAN devrait progressivement doter ses alliés d’un armement nucléaire porté par les F35 que l’industrie américaine pousse l’Europe à acquérir. Il s’agit d’une inversion profonde de la doctrine de non-prolifération en vigueur depuis 20 ans. Le prochain sommet de l’OTAN, les 11 et 12 juillet à Bruxelles, devrait confirmer cette option, profondément opposée à l’Europe de la Défense.
Le « Rapport sur la posture nucléaire américaine » de février 2018 est une lecture particulièrement instructive pour tous deux qui veulent comprendre les relations internationales de demain. On en extrait ici quelques passages savoureux:
While the United States has continued to reduce the number and salience of nuclear weapons, others, including Russia and China, have moved in the opposite direction. They have added new types of nuclear capabilities to their arsenals, increased the salience of nuclear forces in their strategies and plans, and engaged in increasingly aggressive behavior, including in outer space and cyber space.
(Alors que les USA ont continué de réduire le nombre et la dangerosité de leurs armes nucléaires, d’autres, Russie et Chine comprises, ont avancé dans un sens opposé. Ils ont doté leurs arsenaux de nouveaux types de capacités nucléaires, aiguisé l’intensité de leurs forces nucléaires dans leurs stratégies et leurs plans, et se sont engagés dans un comportement toujours plus agressif, y compris sur des terrains extérieurs ou dans le cyber espace – traduction EV).
(…)
The United States is incorporating nuclear capability onto the forward-deployable, nuclearcapable F-35 as a replacement for the current aging DCA. In conjunction with the ongoing life extension program for the B61 bomb, it will be a key contributor to continued regional deterrence stability and the assurance of allies.
(Les USA sont en train d’installer une capacité nucléaire sur le F 35 prochainement déployable pour remplacer l’actuel DCA (avions à double capacité) vieillissant. En coordination avec le programme en cours de prolongation d’existence du bombardier B61, il sera un contributeur clé à la stabilité régionale par la dissuasion et une assurance pour les alliés – traduction EV).
Autrement dit, les F35 que les USA poussent actuellement les Européens à acheter en masse seront équipés de mini-têtes nucléaires (mini-nukes) capables de frapper un seul champ de bataille, dans une guerre contre la Russie ou la Chine. Cette intervention, qui est tout sauf neutre, est passée à peu près inaperçue dans l’esprit des Européens, tout occupés à dénoncer les sanctions économiques ou les forfanteries de Donald Trump.
On reconnaîtra ici un certain génie à Donald Trump : celui d’amuser la galerie pendant que les décisions vraiment sérieuses se prennent en sous-main.
Les Européens devront payer pour être nucléarisés contre leur gré
Mais le génie de Donald Trump ne s’arrête pas là… Non content de renucléariser l’Europe sans lui demander son avis, le grand Donald parviendra sans doute à la faire payer pour ça !
À l’approche du sommet de l’OTAN à Bruxelles les 11 et 12 juillet, Donald Trump a en effet insisté pour que les Européens augmentent leur contribution à leur propre défense. L’objectif serait d’atteindre les 2% de PIB. Parallèlement, l’armée américaine entend bien que les aviations européennes achètent, avec cet argent, les F35 qui serviront à porter le feu nucléaire dans les pays ennemis.
Bref, Donald Trump, qui n’a pas ménagé l’Europe en matière de libre-échange, lui force la main aujourd’hui pour qu’elle achète massivement des avions américains… et s’interdise d’acheter des avions européens. Rappelons que le RAFALE est en concurrence avec le F35.
Haro sur l’Europe de la Défense
Dans le même temps, les USA et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, font cause commune pour dissuader les Européens de se lancer dans une Europe de la défense. Celle-ci constitue pourtant la seule vraie alternative aux pressions américaines pour un financement sans contrepartie du complexe militaro-industriel outre-Atlantique.
Dans les prochains jours, l’Europe devrait donc passer un test au moins aussi sensible et compliqué que la définition d’une position commune sur la crise migratoire. Ce test est celui d’une capacité à l’indépendance militaire…
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog