Comment les politiques de relance par le crédit amènent le chômage

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Par Simone Wapler Modifié le 28 mars 2014 à 2h23

Les banques centrales appliquent une politique monétaire dogmatique dont le credo est que baisser le coût du crédit relance la machine économique. C'est pour notre bien qu'elles se substituent à un marché concurrentiel dans lequel des épargnants choisiraient librement de prêter (ou non) avec un taux d'intérêt qu'ils jugeraient adapté à l'environnement économique et au risque qu'ils perçoivent.

Pardon, cher lecteur, ma dernière phrase comporte quatre gros mots : épargnant, choisir, librement, risque. Ceci ne rentre pas du tout dans le dogme officiel. Le dogmatisme escronomique dit que pour éviter tout risque, il faut des épargnants (des riches qui arrivent à dépenser moins que ce qu'ils gagnent et à qui la taxation n'a pas tout pris) qui prêtent docilement leur argent au tarif qu'un banquier central clairvoyant aura décidé. Tel est le consensus qui nous suce la moelle et ne nous laisse que l'impôt sur les os.

Car ce faisant, les gouvernements et les banques centrales détruisent consciencieusement l'emploi depuis plus de quarante ans. Que cette bêtise soit partagée ne nous sera que d'une maigre consolation.

Glissez-vous une minute dans la peau d'un industriel contemplant un investissement qu'il ne peut financer sur ses fonds propres. Il devra donc emprunter.

Si les taux sont très élevés, il aura tendance à reporter son investissement. Il ne pourra se permettre d'investir que si le retour sur investissement, donc la rentabilité du projet, est en béton armé.

Mais si les banquiers centraux proposent à notre industriel un taux artificiellement bas, ce dernier va en profiter pour renouveler/moderniser/automatiser son outil de production obsolète. L'aubaine est trop belle. La logique de l'industrie est que toute modernisation de l'outil de production va dans le sens de la réduction de main d'œuvre. L'automatisation conduit à une meilleure productivité et à une augmentation de qualité. C'est ainsi que l'imprimerie a remplacé les moines copistes...

Supposons que notre industriel soit un équipementier automobile ou aéronautique, un fabricant d'électronique, un industriel de la mine. Je prends exprès des secteurs qui :

-Emploient une main d'œuvre qualifiée et bien payée.

-Nécessitent de lourds investissements. Je parle de grosses chaînes de production, pas de serveurs informatiques, d'achat d'un peu de pub et de développement informatique.

-Ont un horizon d'investissement long à 10 ans et plus.

Notre industriel va donc calculer son retour sur investissement en fonction du coût de son emprunt. Un enfant du primaire de la vieille école comprend facilement que plus le taux d'emprunt est faible, plus le retour sur investissement est facile. Si j'emprunte à 2 %, une rentabilité de 5 % me suffit largement. Donc plus le taux est bas, moins le projet a besoin d'être rentable. Cela a deux conséquences :

-Certains industriels risquent de se lancer dans des projets hasardeux, peu rentables, qui n'auraient jamais vu le jour dans des conditions normales de marché (et de prix) ; en substance, de mauvais investissement.

-D'autres industriels en profiteront pour investir à moindre coût afin de moderniser leurs lignes de production en les automatisant. Voilà qui aura un intérêt majeur : le fait de recourir à moins de main d'œuvre réduit fortement le risque de dérapage des marges.

Retournons dans la peau de notre industriel...

"Pour maintenir mes marges, je dois maîtriser mes coûts. Or une chose est très probable : l'évolution des charges sociales et des salaires de mes employés sera supérieure au taux d'emprunt que je vais négocier avec mon banquier. A dire vrai, une des rares prévisions quasi-certaines de mon business plan est que Bercy et l'URSSAF ne me feront pas de cadeaux et que impôts et charges vont évoluer à la hausse. Donc plus mon nouveau projet supprime de main d'œuvre en mécanisant et modernisant mes chaînes de production, plus je suis confortable avec les risques de mon nouvel investissement. Moins je risque de voir mes marges déraper".

Bref, vous l'aurez compris : les entrepreneurs saisissent l'opportunité des taux bas pour moderniser leurs usines et se prémunir des dérapages des coûts de main d'oeuvre.

Notre capitaine d'industrie poursuit sa réflexion

"Par ailleurs, mes risques sont encore réduits si dans les dix ans qui viennent les taux d'intérêt évoluent à la baisse. Supposons qu'au terme, mon pari s'avère un peu décevant alors que j'ai emprunté à 5 %. Si je peux me refinancer en empruntant à nouveau à 2,5 %, ce ne sera quand-même pas une catastrophe, j'arriverai toujours à défendre mon dossier face à mon banquier. Au contraire, si j'ai besoin d'emprunter à nouveau mais à 7 % au lieu de 5 %, je ne pourrai plus justifier que 'ça passe'. Mon banquier s'apercevra que 'ça casse'."

Donc, en baissant les taux d'intérêt, les banques centrales favorisent de mauvais investissements, une surcapacité et une destruction précoce de l'emploi au plus mauvais moment, en période de crise. Au contraire, en laissant naturellement monter les taux en période difficile, on ralentirait ce processus et on s'assurerait que le capital se dirige dans de bons projets.

[NDLR : Pour voir cet article dans sa version intégrale -- et découvrir les preuves de cette corrélation taux/emploi, continuez votre lecture...]

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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