Draghi face aux limites de la politique monétaire

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Par Christopher Dembik Publié le 3 octobre 2014 à 2h25

Il n'existe pas aujourd'hui suffisamment d'actifs privés en circulation pour prétendre lancer un QE en zone euro.

Depuis la nomination de Mario Draghi en 2011, la BCE a réussi, à elle seule, à maintenir la cohésion de la zone euro. Elle a joué principalement sur deux leviers qui ont eu, pour effet, entre autres, d'affaiblir l'euro sur le marché des changes.

Le premier consiste à gonfler son bilan via une récente TLTRO et un programme d'ABS dont l'objectif est de retirer du bilan des banques des actifs afin d'améliorer leur capacité de prêts à l'économie réelle. Le deuxième s'est traduit par des baisses consécutives de taux jusqu'à ce qu'ils soient en territoire négatif, ce qui, logiquement, devrait inciter les banques à prêter leurs liquidités plutôt qu'à les conserver sous forme de dépôts auprès de la BCE.

C'est la théorie.

Dans la pratique, cette belle mécanique montre rapidement ses limites. L'impulsion maximale qu'on pouvait attendre d'un taux de dépôt négatif n'est que de 40 milliards d'euros, une somme insuffisante pour sortir de la stagnation économique. Jusqu'à présent, ce levier n'a pas entrainé de hausse significative du crédit dans la zone euro. Nombreuses sont, au demeurant, les banques qui étudient les moyens possibles pour contourner cette mesure jugée comme confiscatoire.

Le premier levier de la BCE n'a guère été plus convaincant. Comme on pouvait l'attendre, le programme TLTRO semble être un semi-échec. Seulement 82.2 milliards d'euros ont été empruntés la semaine passée contre une estimation initiale à 100 milliards d'euros par les analystes. Ce n'est pas une surprise. Le programme intervient au pire moment pour le secteur bancaire. Beaucoup de banques ont préféré s'abstenir d'y participer à l'approche des tests de résistance à cause du risque de réputation. Elles n'ont tout simplement pas voulu être perçues comme fragiles par le marché.

Le résultat le plus optimal du point de vue macroéconomique est, au final, la baisse du taux de change de l'euro face au dollar. Sur le troisième trimestre, la dépréciation fut de l'ordre de 7%, conséquence en grande partie de la panoplie de mesures dévoilées par la BCE. Comme les facteurs favorisant la baisse restent en place, on peut s'attendre à une poursuite du repli, plausiblement vers les 1.25.

Ce niveau, s'il est maintenu à long terme, pourrait artificiellement améliorer la compétitivité-prix de plusieurs pays membres de la zone euro, au premier rang desquels la France. Mais ces pays ne pourront pas pour autant faire l'économie de réformes structurelles (encadrement de l'endettement des collectivités locales, baisse du coût du travail sur les emplois les moins qualifiés, réforme de la politique d'aide au logement etc...) puisque, par définition, dans un régime de taux de change totalement flottant, la banque centrale n'est pas en mesure d'influencer durablement le cours de la monnaie, à moins de faire gonfler dans des proportions périlleuses son bilan.

A en juger par l'impasse politique au niveau européen, on peut anticiper que la pression va certainement s'accentuer de nouveau rapidement sur la BCE pour aller au-delà du taux de dépôt négatif et du programme d'ABS. Seule mesure qui n'a pas été encore formellement mise en place mais a déjà été discutée au sein du Conseil des gouverneurs : un QE à l'européenne. Pour qu'il soit crédible, il faudrait envisager une progression du bilan de la BCE de l'ordre d'un trillion d'euros au moins. Seul problème, il n'existe pas suffisamment d'actifs privés éligibles en circulation, c'est-à-dire répondant aux critères de risque de la banque centrale. Il serait donc nécessaire de recourir à l'achat d'actifs publics et de sortir du cadre légal dans lequel agit la BCE, provoquant au passage une crise politique inévitable avec l'Allemagne.

Nous sommes bien aux limites de la politique monétaire.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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