Nos politiques doivent faire preuve d’innovation

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Par Bernard Planchais Publié le 16 mars 2016 à 5h00
France Politique Innovation Election Presidentielle
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10 500On dénombrait en 2008 pas moins de 10 500 lois en France.

L’innovation en politique est un sujet d’actualité, une attente réelle des français, qui nous le rappellent à chaque élection. Un État que l’on ne croit plus capable de nous protéger face aux incertitudes de l’avenir, la peur du déclin ou encore le sentiment plus positif d’un potentiel fort mais inexploité, ont renforcé le désenchantement français et nous poussent, sans doute à juste titre, à nous demander comment nous pourrions faire autrement.

Certes, on ne doit pas tout attendre des politiques, l’innovation ou la refondation du système français dépend de chacun d’entre nous. Néanmoins, si la politique ne peut pas tout, elle doit pouvoir changer la donne fixer une ambition. Et si la solution était pas d’appliquer à la politique des méthodes qui ont fait leurs preuves dans la conduite des entreprises et de leurs grands projets industriels ou de transformation ?

Une vision sur le long terme

Quels changements de climat si les candidats à l’élection présidentielle nous décrivaient chacun, en une page compréhensible par tous, leur vision de la France dans 20 ans. Est-ce celle d’un pays ayant trouvé un leadership mondial dans les nouvelles technologies du numériques, les transports du futur, l’agroalimentaire, la médecine, le tourisme ? Est-ce celle d’un pays qui aura su enfin se tourner vers ses formidables richesses maritimes? La France sera-t-elle à la pointe de la protection de l’environnement ? Quelle est l’ambition concernant l’emploi ? Avec quel système d’enseignement et de formation ? Quel sera le « contrat social » ? Ou en sera t on du partage des richesses ? … Et dans quelle Europe ?

Cette croyance que l’on a dans notre avenir commun est le moteur de tout. Sans espoir partagé il n’y a pas de projet commun, pas de cohésion, pas d’entrain… et donc pas de succès. C’est en faisant rêver les gens qu’on les mobilise sur le présent et qu’on leur donne confiance dans l’avenir... et que les nécessaires et difficiles mesures à prendre à court terme seront acceptées.?

Une partie des doutes et incertitudes qui s’expriment en France ne pourrait-elle pas justement s’expliquer par les difficultés que nous éprouvons à nous inscrire dans un projet lisible et durable sur l’avenir de notre pays ? La politique spatiale et la politique nucléaire française, avec les conséquences stratégiques, industrielles, technologiques ou encore économique qu’elles ont eues, sont nées d’une vision à long terme qui engageait l’avenir de notre pays sur plusieurs générations. C’est en fixant au début des années 60s un objectif très ambitieux, marcher sur la Lune avant la fin de la décennie, que J.F. Kennedy a mobilisé toute l’industrie spatiale pour réussir ce pari jugé inatteignable par de nombreux responsables. À l’heure où la politique se réduit trop souvent à une communication de court terme et donc à une forme d’instantanéité, nous avons une impérieuse obligation de pousser nos hommes politiques à élaborer cette (ces) vision(s) Les mesures les plus rudes à court terme sont acceptables si elles nous semblent servir un intérêt plus grand, si elles s’inscrivent dans un projet à long terme qui nous entraîne, dans une vision à laquelle on adhère et dans laquelle on peut se projeter.

La capacité de mise œuvre des projets au cœur du débat

On attend du futur Président qu’il explique comment il va nous conduire pendant son mandat de 5 ans vers cette vision et des politiques en général qu’ils nous présentent les méthodes avec lesquelles ils vont appliquer toutes leurs propositions.

Un bon projet n’est rien s’il n’est pas efficacement mis en œuvre. Ce qui semble une évidence pour l’industrie l’est un peu moins en politique. Pour l’entreprise, un bon projet c’est avant tout une bonne idée bien exécutée. C’est sur des résultats qu’elles rendent des comptes à leurs actionnaires, et non sur la qualité de réflexions théoriques. Il semble malheureusement en être autrement en politique où il arrive fréquemment que l’on réduise un projet à son annonce médiatique. Dès lors, la phase de mise en œuvre est souvent négligée, voire ignorée. Ainsi, l’innovation en politique ne devrait pas seulement être une question de bonnes idées et de bonnes annonces. La politique doit aussi évoluer dans ses pratiques, ses modes de fonctionnement et surtout dans sa manière de gérer les réformes et les grands projets.

Des idées à développer

Une conduite des projets plus pragmatique
Le fait que la mise en œuvre des projets soit insuffisamment prise en compte a des conséquences très concrètes sur le résultat de nos efforts collectifs ou la qualité de notre législation. Les textes votés repassent fréquemment devant le Parlement pour être corrigés, les décrets d’application ne sortent pas parce que l’on n’avait pas pensé à certains cas particuliers. Ou encore, les dispositifs mis en place restent lettre morte parce qu’ils sont inapplicables ou occasionnent dans la pratique la mise en place de véritables « usines à gaz ».

En finir avec la complexité administrative
Parce qu’ils en sont la plupart du temps empêchés par la complexité administrative des dossiers qu'ils ont à traiter, les politiques exercent trop rarement leur responsabilité fondamentale de prise de décision. Cette complexité administrative trouve sa source dans le droit : en 2008 on dénombrait 10 500 lois en France, 125 000 décrets d'application, 17 000 textes communautaires et plus de 400 000 normes. Aucune entreprise ne survivrait à l'impossibilité pour sa gouvernance de la diriger réellement.

L’exemple du changement de statut de la DCNS
Prenons l’exemple du changement de statut de DCNS, qui a eu lieu en 2003, une réforme d’une extrême complexité, transformer une administration à bout de souffle en une entreprise performante, considérée à l’époque comme étant à la fois indispensable et impossible. Il fallait d’abord rassurer les personnels et c’est en partageant avec eux dès 2000 la vision ce que pourrait devenir l’entreprise en 2010 que nous avons pu obtenir, à défaut d'un soutien, un accord de non blocage de la réforme. Ce projet impliquait un nombre impressionnant d’acteurs politiques, industriels, administratifs et industriels. Pourtant il fallait aller vite pour assurer la survie de cette entreprise industrielle stratégique, DCNS étant en charge de la conception de la construction et de la maintenance de la composante sous-marine de la dissuasion. S’en remettre complètement aux procédures usuelles d’arbitrages par l’Administration aurait duré des années et aurait fini par épuiser les meilleures volontés, par tendre le climat social et finalement par tuer ce projet. Le ministre de la Défense de l’époque, Alain Richard a soutenu la création d’une équipe de projet rassemblant toutes les compétences, il a accepté de présider tous les 15 jours une réunion avec l’ensemble des acteurs, permettant ainsi d’obtenir des consultations et des arbitrages immédiats. Avec cette méthode de gouvernance mise en place rapidement nous étions passés en mode projet : un projet, un chef de projet, une équipe, des moyens, des objectifs. Avec le recul, il apparait comme une évidence à tous ceux qui ont vécu cette aventure, que ce mode de pilotage permettant des arbitrages en temps quasi-réel a considérablement réduit les délais de mise en œuvre de la réforme et fut la véritable clef de sa réussite.

Conclusion

L’objectif n’est pas de demander toujours plus de moyens mais du sens et de la méthode. Innover en politique ce n’est pas uniquement trouver « la bonne idée ». Ne serait-ce pas tout simplement d’appliquer les méthodes qui permettent aux entreprises de se développer en mobilisant leurs collaborateurs sur une vision à long terme et des objectifs accessibles à court terme ? Le redressement du pays impose des efforts importants à tous, leur acceptation ne sera possible qui si nous donnons à nos concitoyens confiance dans un avenir positif et dans la crédibilité des méthodes que nous appliquons pour l’atteindre.

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Ancien élève de l'école polytechnique, Bernard Planchais a occupé de nombreuses fonctions dans le domaine de la défense navale. Il a notamment était directeur général délégué du groupe DCNS, ou il y a animé sa transformation d’administration en société de droit privé, le rapprochement avec Thalès France, et engagé le développement de nouvelles activités dans le domaine des énergies marines renouvelables.

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