« Nous courons sans souci dans le précipice, après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir ». Pascal, Pensées.
Quand j'ai intitulé mon dernier livre "Le modèle français dans l'impasse », je ne croyais pas si bien dire et j'aurai sincèrement préféré me tromper [1]. Mais cet essai - qui n'a certes pas une prétention scientifique - est aussi le produit d'une réflexion qui m'anime depuis plus d'une décennie à l'instar de mes chroniques reprises sur les différents blogs (Québécois Libre, Contrepoint, Atlantico, Gold Page).
J'ai passé les trois quarts de ma vie dans un pays où les gouvernements fraîchement élus nous annonçaient que la crise était derrière nous. On se souvient encore de la fameuse phrase du président Giscard d'Estaing : « Je vois le bout du tunnel ». De la même manière, on a vu la côte de popularité de chaque président élu dans l'euphorie s'écrouler quelques mois après leur prise de fonction, faute d'avoir accompli les inévitables réformes que tous les autres grands pays avaient faites depuis longtemps.
Enfin, chaque année, on nous assène que « la rentrée sera difficile ». Mais comment cela pourrait-il en être autrement puisque tout est mis en œuvre pour dépecer notre appareil productif et faire fuir le capital humain en étouffant l'économie, la seule source de création de richesses. Comment peut-on continuer à avoir la prétention de distribuer des richesses quand on affaiblit le moteur de la production de ces mêmes richesses ?
Il est quand même stupéfiant de constater, qu'en 2014, le fait que le ministre du travail se propose de « contrôler les chômeurs fraudeurs » ou que le premier ministre annonce devant le MEDEF qu'il « aime les entreprises » provoque un tollé et fasse la une de la presse dithyrambique. C'est pourtant tellement basique pour qui possède quelques connaissances élémentaires de l'économie.
Dans ce contexte délétère, les partis de gouvernement (PS, UMP) sont eux-mêmes dans un état de crise profonde, ce qui fait l'affaire des partis extrêmes dont l'ascension prévisible et inévitable n'augure rien de bon pour notre pays. Car l'histoire montre toujours que, lorsque les partis parlementaires sont déficients, les institutions démocratiques sont fragilisées, ce qui fait le terreau de la montée des partis populistes et extrémistes.
A l'instar d'un pays, quand une entreprise est mal gérée, elle fera l'objet d'un redressement drastique. Mais comment des partis politiques, qui ne savent pas se redresser ni gérer eux-mêmes, pourraient-ils prétendre redresser et gérer tout un pays aussi mal en point que le notre ? Même si je l'ai déjà dit à d'autres occasions, le manque de culture économique de notre classe politique est consternant et provient certainement du fait que la grande majorité du personnel politique n'a jamais eu à gérer une entreprise, n'étant jamais soumis à aucune obligation de résultat. Les hommes politiques sont quasiment les seuls à pouvoir dire une chose et faire le contraire, voire pire, ne rien faire du tout si ce n'est préparer la prochaine échéance sur fond de détérioration inexorable.
Immanquablement, et malgré les alternances, ils conduisent la France vers la faillite.
[1] Jean-Louis Caccomo, Le modèle français dans l'impasse, Editions Tatamis, Paris 2013.