Economie, Egalité, Justice, tous les prétextes sont bons pour mettre à mal la politique familiale

Marielauregageydesbrosses
Par Marie-Laure des Brosses Modifié le 13 décembre 2022 à 20h40

Le gouvernement se drape dans les meilleurs prétextes pour prendre des décisions tout à fait nocives à la politique familiale française. Voici quelques exemples, parmi les mesures actuellement discutées à l'Assemblée Nationale dans le cadre du budget 2015.

ECONOMIE. Oui la France doit faire des économies budgétaires et redresser ses finances. Mais les réformes de fond d'un pays ne doivent pas être discutées à la va vite au moment de voter le budget. Remise en cause de l'universalité des allocations familiales, réforme beaucoup plus drastique que prévu du congé parental, modification des aides à la petite enfance, tout ceci mérite une réflexion et un débat de fonds, débat que le gouvernement voudrait occulter en se cachant derrière l'urgence de faire des économies. En outre, le gouvernement n'hésite pas à mentir ouvertement. Prenons l'exemple du congé parental. Un enfant gardé dans le cadre d'un congé parental coûte 2 fois et demi moins cher aux finances publiques qu'un enfant gardé par une assistante maternelle ou une crèche. Réduire le congé parental a donc un coût. La réforme initialement prévue par Najat Vallaud Belkacem coûtait la bagatelle de 2 Milliards d'euros d'investissement pour la création de places de crèches et 84 Millions d'euros par an supplémentaires d'allocations aux modes de garde. Or aujourd'hui, le gouvernement prétend que pour faire des économies, il faut réduire davantage le congé parental. Le surcoût minimum en allocations pour mode de garde d'une telle réforme serait de 300 à 500 Millions d'euros par an selon qu'on réserve aux pères 12 ou 18 mois de congé parental. Et bien sûr, il faudra construire encore et toujours davantage de crèches puisqu'il y aura davantage d'enfants à garder. Le gouvernement vient d'ailleurs d'annoncer qu'il allait faire supporter à la branche famille de la CNAF une plus grosse partie du coût de création de chaque place de crèche : 2.200€ supplémentaire par place à multiplier par les 60.000 places de crèches prévues d'ici à 2017. Soudain, la branche famille devient assez riche pour supporter 132 Millions d'euros de dépenses supplémentaires !

EGALITE. Lorsqu'on fait remarquer aux parlementaires PS le coût de cette réforme, c'est alors la vertu d'égalité qui est invoquée. Le partage du congé parental serait un progrès pour les femmes. C'est méconnaître totalement la réalité. L'immense majorité des familles qui utilisent le congé parental sont des familles des classes moyennes et modestes avec des mères qui gagnent entre 800 et 1500 € par mois. Lorsque le père gagne mieux sa vie que la mère, ce qui est le cas dans 3 familles sur 4, il sera impossible de partager le congé parental, la famille ne pouvant vivre sans le salaire principal du foyer. Réserver 12 ou 18 mois de congé parental aux pères suppose que la mère aura le choix entre deux très mauvaises solutions lorsque finira son « quota » de congé parental : rester au foyer sans allocation et être vraiment précarisée sur le plan financier ou bien retourner travailler en dépensant – si elle n'a pas la chance d'avoir une place en crèche pour faire garder ses enfants - la plus grande part de son salaire frais de garde pour ses enfants. Pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, le gouvernement va donc créer une profonde inégalité entre les rares familles chanceuses qui auront une place en crèche et l'immense majorité des familles qui devront recourir à un mode de garde beaucoup plus coûteux. Rappelons qu'à ce jour, seuls 14% des enfants de moins de 3 ans bénéficient d'une place en crèche en France.

JUSTICE. Et voici qu'après avoir dit solennellement qu'il ne toucherait pas à l'universalité des allocations familiales, François Hollande a validé le projet de modulation de ces allocations en fonction des ressources du foyer. Pour afficher la mesure, comme mesure « de gauche », mesure « de justice », le plafond a volontairement été mis très haut et ne concernera pour commencer que les foyers ayant plus de 6.000 euros mensuels de revenus. S'il ne s'agissait comme le prétend le gouvernement que de prendre un peu plus à ceux qui ont beaucoup, pourquoi assisterait-on comme c'est le cas aujourd'hui à une levée de bouclier des syndicats : CGT, FO, CFDT tous ont les mots les plus durs pour critiquer cette réforme qui vient briser le principe même de solidarité nationale. Et puis en quoi est-ce juste de réduire davantage les aides à une famille de 4 enfants que celles d'une famille qui n'en a que 2 !

Il ne faut pas confondre le discours affiché et la réalité : les principes d'économie, d'égalité et de justice sont bons. Mais ça ne correspond en rien à la politique menée par le gouvernement qui s'acharne sur les familles en général et sur celles qui accueillent de jeunes enfants en particulier. Un seul mode de garde trouve grâce aux yeux du gouvernement : la crèche. Or il n'est pas économique pour les finances publiques puisque c'est le mode de garde le plus coûteux en subventions. Il n'est ni juste ni égalitaire puisque seuls 14% des enfants y trouvent une place et que les conditions d'attribution sont pour le moins opaques. Il devient urgent que la majorité prenne conscience de la réalité des familles et de leurs attentes et ne détruise pas une politique familiale qui fonctionne et est enviée par le monde entier.

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Marielauregageydesbrosses

Marie-Laure des Brosses est diplômée d'HEC. Après 15 ans dans le marketing et la publicité, elle se met à son compte en 2002 comme Conseil en Management de l'Innovation. Passionnée par les solutions pour concilier vie professionnelle et vie familiale, elle est engagée chez Make Mothers Matter (ex Mouvement Mondial des Mères) depuis plusieurs années pour faire entendre la voix des mères auprès des pouvoirs publics. Présidente de MMM France de 2011 à 2017, puis porte-parole de cette association de 2018 à 2023, elle participe aujourd'hui à des groupes de réflexion sur l'avenir de la politique familiale.

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