Depuis sa création en 1999, la zone euro se distingue par des performances nettement moins bonnes que dans la plupart des pays des pays avancés en matière de croissance et d'emploi. En 2014, la zone euro est la région du monde la plus déprimée de l'économie mondiale et se trouve menacée par la déflation. Un tel résultat s'explique en grande partie par les vices originels de conception de l'Union économique et monétaire, fondée sur les principes monétaristes et néolibéraux. La zone euro ne dispose pas de véritable politique économique, si ce n'est la politique monétaire unique dont le seul objectif est la lutte contre l'inflation, objectif totalement inadapté dans la phase actuelle de quasi déflation. Il n'y a pas de politique budgétaire et fiscale commune, ni de politique de change.
Enfin, contrairement à la plupart des autres pays avancés et émergents, la zone euro n'a pas de politique d'investissement de long terme. Ces insuffisances ont été aggravées par les réformes récentes, notamment le Pacte de Stabilité qui enferme la zone euro dans des politiques généralisées d'austérité entrainant la zone euro dans une spirale récessive dangereuse. Le contraste est saisissant entre la zone euro et les Etats-Unis qui connaissent une reprise économique vigoureuse grâce à des politiques plus efficaces et moins dogmatiques.
La sortie de crise implique donc une révision profonde des politiques qui gouvernent la zone euro. Il s'agit d'élargir les objectifs de la Banque centrale européenne (BCE), en y incluant la croissance et l'emploi. La BCE doit également jouer pleinement son rôle de prêteur en dernier ressort sur les marchés de la dette publique. La BCE ne peut pratiquer le laisser faire en matière de change car, lorsqu'il est livré à la logique des marchés, l'euro connait une évolution procyclique qui contribue aujourd'hui à déprimer l'activité économique. Il faut créer les conditions d'un « policy mix » efficace, combinant les politiques monétaire et budgétaire. En situation de déflation, avec des taux d'intérêt proches de zéro, la politique monétaire est impuissante. Seules des politiques budgétaires et fiscales contra-cycliques et concertées peuvent sortir la zone euro du risque actuel de déflation. Il convient d'assurer une coordination des politiques du Nord et du Sud de la zone euro, les premiers devant mener une vigoureuse relance de leur demande interne grâce à leurs marges de manœuvre en termes de surplus extérieurs.
Ce changement de politiques économiques nécessite un aggiornamento des principes néolibéraux qui ont conduit la zone euro au bord de l'implosion. Le laisser faire doit être remplacé par des politiques volontaristes et coordonnées à l'échelle européenne, dans l'esprit des premiers traités européens. L'harmonisation fiscale doit se substituer à la concurrence fiscale qui contribue aux déficits publics. La libéralisation financière doit être remplacée par une régulation stricte des acteurs financiers, si on veut éviter de nouvelles crises. Afin de promouvoir des politiques communes, l'Europe a besoin d'un budget significatif, financé par des taxes financières et écologiques communes, ainsi que par des euro-obligations. De vastes programmes d'investissement publics européens s'imposent pour accompagner la transition énergétique qui est, avec l'emploi et la formation, le grand défi de ce début de 21ème siècle.