Démocratie et séparation des pouvoirs

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Par Charles Sannat Modifié le 10 janvier 2014 à 13h30

Lorsqu’une autorité politique se confère le droit quelles qu’en soient les raisons de juger de l’humour (fut-il pas drôle ou déplacé) ou d’autres choses, sous prétexte d’ailleurs qu’un individu sort de l’humour pur pour rentrer dans le champs politique, et de censurer, c’est évidemment une dérive autoritaire et dictatoriale.

Parler de politique est un droit aussi sacré d’ailleurs que celui de faire de l’humour. Opposer la parole de l’humoristique et la parole politique est assez gênant tant nos mamamouchis sont de grand humoristes qui, soit dit en passant, commencent à faire rire de moins en moins de monde. Souvenez-vous du spectacle de Christine Lagourde intitulé « La croissance négative » ou encore celui de la « Rilance » !

Le problème encore une fois n’est pas de savoir si vous savez qui nous fait rire, me fait rire ou vous fait rire. Le problème est un problème intrinsèque de démocratie. Un ministre peut porter plainte, saisir, mais il n’a pas à juger. Si monsieur vous savez qui ne respecte la loi tient des propos anti-truc ou machin-phobe, faisons confiance à la justice pour le condamner, ce qui d’ailleurs a déjà été le cas. Je n’aborderai pas le fond de cette affaire. À chacune et chacun de vous de se forger son opinion dans le respect de la loi. En revanche, hier, je suis revenu sur la notion de « respect de la dignité humaine ». Un autre concept doit être également remis au cœur de toutes nos réflexions. Je pense à la « séparation des pouvoirs ».

Le jugement du Tribunal de Nantes, dans l’affaire opposant vous savez qui à vous savez qui, rappelle à tous ceux et celles qui l’auraient oublié l’importance de la séparation des pouvoirs. Vous constaterez d’ailleurs à quel point en partant de cette idée « constitutionnelle » nous en arrivons rapidement à l’économie !

La dérive actuelle est patente. Je parle souvent de la nouvelle loi de programmation militaire qui autorise notre gouvernement à écouter qui il veut quand il veut et comme il le veut. Souvenez-vous il y a quelques décennies le scandale provoqué par les écoutes illégales de l’Élysée… Finalement, François Mitterrand était juste un peu en avance sur son temps. À cette époque, il s’agissait d’écouter une dizaine de personnes… Aujourd’hui, c’est l’écoute de masse, la surveillance de masse de populations entières.

Un peu d’histoire autour de la séparation des pouvoirs

Il ne peut pas exister de démocratie sans un respect strict de la séparation des pouvoirs, raison pour laquelle un citoyen ne devrait pouvoir être écouté ou surveillé non pas parce que le pouvoir politique en a décidé ainsi (ce que dit justement la nouvelle loi de programmation militaire) mais parce que sur demande du politique un juge, face à des éléments tangibles, considère qu’il peut y avoir une menace potentielle à l’égard des autres citoyens.

« La séparation des pouvoirs a été, pour l’essentiel, théorisée par Locke et Montesquieu ; on retient en France le plus souvent la classification de Montesquieu définie dans L’Esprit des Lois :
- le pouvoir législatif, confié à un Parlement (ou Législateur), à savoir, en France, l’Assemblée nationale ainsi que le Sénat ;
- le pouvoir exécutif, confié à un gouvernement composé d’un Premier ministre et des ministres, à la tête duquel se trouve un chef d’État et/ou de gouvernement ;
- le pouvoir judiciaire, confié aux juridictions, même si d’après la constitution on parle non pas de pouvoir mais d’autorité judiciaire. En France, le pouvoir judiciaire se subdivise en deux ordres juridiques distincts : d’une part l’ordre judiciaire, chargé de trancher les litiges entre particuliers, d’autre part l’ordre administratif, compétent pour trancher les litiges opposant l’Administration et les particuliers. Pour éviter la confusion et inclure le juge administratif, l’on parle parfois en France de « pouvoir juridictionnel. »

Une violation répétée de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen

La nécessité d’une telle séparation inspirera l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui affirme (bien que de façon allusive et sans aucune précision) :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’à point de Constitution. »

La Constitution française est l’une des rares où c’est l’exécutif qui est mentionné avant le législatif. En revanche, le judiciaire est invariablement le « troisième pouvoir » : à cet effet, Montesquieu considère le pouvoir judiciaire comme en deçà des pouvoirs exécutif et législatif. L’expression « quatrième pouvoir » est parfois utilisée pour qualifier certaines institutions telles que le pouvoir médiatique ou le pouvoir monétaire.

En économie, la séparation des pouvoirs c’est les contre-pouvoirs !

L’une des raisons de la crise économique, qui n’est pas conjoncturelle mais structurelle, que nous traversons est l’absence et l’érosion de tous les systèmes de contre-pouvoirs.

La crise que nous traversons n’est pas une simple crise. C’est un changement de système total, comme j’ai pu le dire et l’écrire à de multiples reprises. Elle est donc multifactorielle. L’un des facteurs importants est que progressivement, notamment sous les coups de boutoirs du lobbying bancaire et financier reposant sur l’idéologie néolibérale, le pouvoir politique a cédé progressivement l’ensemble de ses prérogatives. Il s’est déchargé des aspectsde contrôle. Il a annulé des lois historiques de séparation entre banques d’affaires et banques de détail pour permettre aux financiers grands bailleurs de fonds des partis politiques de s’enrichir encore plus.

Nous avons décidé que les banques centrales et la création monétaire ne devaient plus être une « chose publique » gérée dans le sens du bien commun par des gens représentatifs et respectueux des intérêts des peuples. Nous avons décrété « l’indépendance » des banques centrales qui ne sont désormais plus qu’indépendantes effectivement de l’intérêt des peuples, mais nettement plus dépendantes et respectueuses des intérêts des banquiers et du système financier international.

Nous avons décidé de supprimer notre droit à surveiller nos frontières et choisir ce qui y rentre (et éventuellement ce qui en sort).

Nous avons décidé de supprimer notre souveraineté sur la moindre norme y compris concernant la cuisson ou non de nos fromages au profit d’une entité supranationale non-élue, antidémocratique et au service d’intérêts privés qu’ils soient financiers ou industriels.

Nous avons décidé la « dissolution » des États-nations dans l’ensemble de leurs composantes comme l’a si bien expliqué une « grande dirigeante » d’Europe Ecologie les verts pour permettre l’avènement d’une Europe Fédérale ou même désormais des individus négocient un partenariat transatlantique avec les pleins pouvoirs, sans même informer les parlements nationaux et je ne parlerai même pas des peuples…

Bref, en économie comme ailleurs, un système efficient est un système où les tâches sont réparties sans confusion, où des contre-pouvoirs efficaces et réels existent, où des contrôles sont effectués et peuvent entraîner des coercitions fortes rendant la fraude ou le non-respect des lois trop coûteux.

Le Conseil d’État invalide la décision du Juge

Je viens de lire un article du Monde qui nous apprend que finalement le Conseil d’État a décidé d’annuler le spectacle de vous savez qui désavouant ainsi le Tribunal Administratif de Nantes.

Encore une fois, l’antisémitisme, le racisme et toutes les idéologies malsaines doivent être combattues. Je me situe juste sur le plan des principes, des lois et de notre Constitution car ce cas est très éclairant des dérives de notre système.

D’après l’article du Monde, le Conseil a expliqué que :

« Les allégations selon lesquelles les propos pénalement répréhensibles et de nature à mettre en cause la cohésion nationale relevés lors des séances du spectacle Le Mur tenues à Paris ne seraient pas repris à Nantes ne suffisaient pas pour écarter le risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignité de la personne humaine, consacrés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par la tradition républicaine. »

Ce que je trouve assez surprenant c’est que l’on condamne a priori alors que le délit n’a pas encore eu lieu ni n’a été constaté. Encore une fois, il est effectivement possible que vous savez qui tienne des propos inadmissibles mais peut-on condamner quelqu’un sous prétexte qu’il pourrait peut-être dire quelque chose ? Il existe un très beau film de science fiction à ce sujet, avec une police « pré-crime » qui vient vous arrêter et éventuellement vous tuer avant que vous ne passiez à l’acte uniquement parce que vous y avez pensé, niant ainsi encore une fois un part essentielle de l’humain. L’être humain a ceci de remarquable qu’il peut penser quelque chose de mal, avoir envie de faire le mal… et pourtant ne pas le faire. Car l’être humain est capable de discernement. Il est capable de soumettre ses passions et ses vices à la raison… (Enfin pas tous non plus !!)

Lorsque vous faites l’addition de tout

Si l’on remet tous ces éléments en perspective, à savoir la loi permettant de surveiller n’importe quel citoyen sans même avoir à obtenir une autorisation mais au bon vouloir du système politique, lorsqu’un gouvernement de droite comme de gauche s’arroge le droit de juger et de donner l’étalonnage de l’humour autorisé et de l’humour prohibé, lorsque partout nous abdiquons l’ensemble de nos pouvoirs et de nos libertés, lorsque nous laissons les lobbies et les groupes d’intérêts privés diriger nos vie, alors nous pouvons affirmer sans le moindre doute que nous avons quitté le champs de la démocratie pour rentrer dans celui de la dictature… fut-elle socialiste.

Vous avez désormais tout le cadre, de la police tout court à celle de la pensée pour bâillonner toute opposition, toute contradiction. Et ce sera important car d’ici quelques temps on viendra de force vous faire les poches comme l’indique le FMI dans son rapport où il indique que l’on doit mettre une taxation sur l’épargne et de préférence opaque. Vous trouverez un lien vers le site de l’Express.be à ce sujet.

Quittons-nous sur Aldous Huxley !

J’emprunte à mon camarade Bruno Bertez du Blogalupus cette idée dans ce contexte de citer ce passage du Meilleur des mondes du grand visionnaire Aldous Huxley, vous avez en quelques lignes remarquables et cruellement d’actualité tout le résumé de notre situation actuelle, et toutes les raisons pour nous, les derniers des Mohicans, de nous battre pour une idée que portaient déjà les pères de nos pères, une idée qui fait partie de l’homme, une idée qui est l’homme, à savoir l’idée de liberté.

" Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle.

Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité, et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste.

Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie.

Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des informations et des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique.

Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. »

Ce texte a été écrit en 1939…

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Au coffre Le Contrarien Charles Sannat

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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