Pour un Premier ministre chargé du développement durable

Par Bertrand de Kermel Publié le 30 août 2018 à 12h03
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@shutter - © Economie Matin

Après le départ de Nicolas Hulot le 28 août 2018, l’idée de créer un poste de Vice-Premier Ministre chargé du développement durable redevient d’actualité. Nicolas Hulot l’avait lui-même défendue en 2012.

Je me permets de critiquer ici cette idée, qui, à mes yeux, entretient la confusion sur ce qu’est véritablement le développement durable.

Le développement durable consiste à faire progresser ensemble l’économie, le progrès social, et l’amélioration de l’environnement. Le développement durable ne se limite pas à l’écologie, qui n’en constitue qu’un volet.

Le développement durable est donc un énorme progrès. Il ouvre la voie à un monde meilleur, puisqu’il a pour objet de faire progresser SIMULTANEMENT l’économie, le social et l’environnement.

Tirer toutes les conséquences de la définition du développement durable

Encore faut-il en tirer toutes les conséquences. C’est là que le Vice Premier Ministre chargé du développement durable pose problème. En effet, pour remplir sa mission, le Vice Ministre du développement durable doit avoir autorité sur les Ministres de l’économie, de l’écologie et des affaires sociales. Il doit en fait avoir autorité sur tous les autres ministres, qui concourent, chacun dans leur domaine, à la réalisation d’une politique de développement durable. Dans ce cas, le Premier Ministre n’a plus aucun rôle !

Conclusion : il n’y a qu’un seul ministre possible pour le développement durable : c’est le Premier ministre.

Nous ferions donc un grand pas en avant si le prochain Premier Ministre était nommé : « Premier Ministre, Ministre du développement durable », comme Raymond Barre a été deux fois « Premier ministre, ministre de l’Économie ». Ce ne serait pas purement symbolique. Ce serait une déclaration mondiale sans précédent sur le chemin politique à emprunter partout dans le monde.

Idéalement, les ministres de l’Économie, de l’Environnement et des Affaires sociales (il faudrait retravailler leurs dénominations) devraient être à égalité les numéros 2 du gouvernement. La cohérence serait alors pleine et entière, sans aucune ambigüité. Evidemment, cela ne retire rien à la nécessité d’avoir par exemple des budgets équilibrés et une économie compétitive.

Un ministre du Développement durable autre que le Premier Ministre n’est en pratique qu’un ministre de l’Écologie. A l’inverse, créer un poste de Vice Premier Ministre chargé du développement durable est profondément réducteur. Cela sous entend qu’il existe un Premier Ministre, chargé de la Politique au sens large, qui a pouvoir sur tous les autres ministres, et un autre Ministre chargé du développement durable. Or, c’est l’ensemble de la Politique au sens le plus large, qui est le développement durable, aux termes mêmes de la Constitution française.

Un Ministre du développement durable sans pouvoir sur l’économie et le social n’est en pratique qu’un ministre de l’écologie.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit à chaque fois. C’est un ministère clé, certes, mais ce n’est pas un ministère du Développement durable. C’est en cela que l’existence d’un Vice Premier Ministre du Développement durable risque de ruiner le concept de développement durable, alors que c’est sans doute la seule politique possible pour les 50 prochaines années, quand on examine la situation du chômage, de la pauvreté, des inégalités, de la bio-diversité, des ressources marines, de la pollution, du climat etc…. sur la planète.

Ce qui s’est fait, dit et écrit dans le passé confirme le propos.

Tout converge. Les quelques ministres qui ont été ministres du développement durable n’ont jamais eu la moindre influence et ne se sont jamais exprimés sur l’économie, le chômage et l’emploi. Ils étaient de bons ministres de l’écologie, ce qui est déjà très bien.

Les engagements pris par les Chefs d’État, lors du Sommet de la terre, à Johannesburg, en septembre 2002 sont extrêmement clairs sur ce point. L’article 5 de la Déclaration de Johannesburg stipule : "A ce titre, nous assumons notre responsabilité collective, qui est de faire progresser ensemble, aux niveaux local, national, régional et mondial, le développement économique, le développement social et la protection de l’environnement, piliers interdépendants et complémentaires du développement durable".

La charte de l’environnement, incluse en 2005 dans la Constitution française précise dans son article 6 : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ».

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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