Polar et journalisme : merci Bernard Poirette

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Par Thierry Le Gueut Publié le 6 décembre 2012 à 9h39

Je ne connais pas Bernard Poirette, présentateur des week ends de RTL. J’apprécie la voix qui m’emmène du Vendredi soir au Dimanche midi, au fil de l’actualité, j’apprécie le ton, la distance, mais je ne le connais pas. Bien sur, j’en connais le parcours, comme tout un chacun qui s’intéresse au monde des médias, et j’apprécie ce recul, souvent teinté d’ironie, dans le lancement des sujets. Triste, pas triste, goguenard pas goguenard, peu m’importe. Bernard Poirette est une voix, comme on dit en radio.

Bref, je ne connais pas Bernard Poirette, mais lui, me connait. On a rendez vous tous les samedis matins, vers 8H25, juste après qu’Alexis Brézet ait fait une complainte sur la droite, forte un jour, affaiblie aujourd’hui, disparue demain, qui sait ? Alexis Brezet fait le boulot, celui de vedette américaine, besogneux, meilleur que Nicolas Beytout à la même place auparavant, mais, je pense, conscient, qu’on s’en fout, et que seule comptera la perle que Bernard Poirette nous aura dénichée, quelques secondes plus tard.

La perle, c’est évidemment le Polar de la semaine. Je sais le genre décrié, sans doute parce qu’il renvoie trop aux sensibilités humaines, trop humaines. Mais le Polar dresse l’âme du temps et rend compte des faiblesses de notre époque. Lécher, lâcher, lyncher, (pour ne pas dire tuer ou assassiner), la fable du Polar s’inspire toujours de ce principe de base, métaphoriquement.

Donc, Bernard Poirette s’y colle tous les samedis avant la fin du Monde du 21 Décembre. Si tout va bien, jusque là… Il convient donc d’en profiter assez rapidement. Ce qui est bien, autant le dire tout de suite, avec ce journaliste, c’est que le livre dont il parle, il l’a lu. Ca parait idiot comme ça, mais quiconque a côtoyé ce milieu sait bien que les fiches d’assistant(e)s remplacent aisément la patiente lecture des textes originaux. Et à la radio ça se sent. A la télé, on peut jouer, à la radio, non.

Je dois donc beaucoup à Bernard Poirette dans mon dépucelage de « polardise ». Disons, pour faire rapide, que je me baladais entre Mary Higgins Clark, Cobben, le prix du Quai des Orfèvres , et Chandler (oui, quand même..). Ma sagacité s’arrêtait aux portes du convenu, du facile. Un flic, des suspects, une intrigue plus ou moins bien ficelée, et un dénouement évidemment surprenant et imprévu. La base. Agatha C. n’était pas loin.

La découverte, pour moi, dois je le dire, si jamais il lit ce texte, Mr Poirette, c’est Trevanian. La « Sanction », « L’Expert », ou « Shibumi ». De votre simple critique sur le premier d’entre eux, un matin sur RTL, vous avez involontairement transformé en moi la vision d’un sujet que je croyais sinon clos, du moins maitrisé. Les éditions Gallmeister, porte voix mais surtout porte parole, magnifique maison d’édition spécialisée dans le genre, vous doivent, je pense, beaucoup.

Mais cela date. Du moins dans vos chroniques. Certes, je n’ai pas eu le temps de me plonger dans le « Fantôme de Saigon », réédition en poche d’un livre paru il y a 10 ans, mêlant chute du Sud Vietnam et offensive du Têt et intrigue évidemment indéchiffrable (les journées ne font que 24 H…), mais j’ai évidemment apprécié ces 2 magnifiques livres que vous m’avez recommandés et que j’ai dévorés (et les petits frères avec…).

Bien sur, la maestria de Karine Giebel pour « Les Morsures de l’Ombre », exceptionnel roman psychologique qui dépasse le cadre du polar, et un tout aussi ébouriffant livre de Gillian Flynn « Les Apparences » qui dit, mieux que beaucoup d’autres , le rapport entre l’Amour, la Vengeance et la Perversité. Dois je en citer d’autres ? La liste serait-très- longue. Je n’en retiendrai donc, qu’un .

Ca sera « I Cursini », thriller exceptionnel sur la situation en Corse, comme bizarrement, elle n’avait jamais été traitée. Paresse, mépris, ignorance. Peu importe. C’est le type de livre , écrit sous pseudo par Alix Deniger, dont on se demande pourquoi il n’avait jamais été écrit , avant. C’est le polar, ou, ce qui n’est pas toujours évident, on sort plus intelligent à la fin qu’au début, et ou, du moins, on semble avoir compris quelque chose à une situation compliquée. Oui, on se perd dans Ajaccio, même si on connait Ajaccio, et si on ne la connait pas, on sent, quand même qu’on a pigé le truc. Et on comprend mieux ce qu’on nous raconte derrière, et surtout, ce qu’on ne nous raconte pas. Comme quoi, une littérature populaire peut faire mieux que beaucoup d’éditoriaux.

Il n’y a pas beaucoup d’émissions consacrées au Polar, à la radio ou à la télé. Bizarrement. Avec l’Histoire, pourtant, les Polars (ou leurs traductions concrètes qui sont les faits divers), constituent un centre d’intérêt principal de nos compatriotes. Sur la plage, au café, ou face à la cheminée. Chacun suppute, chacun s’interroge, chacun suggère.

Merci donc, à Bernard Poirette de me faire faire une découverte, tous les samedis, à 8H20 sur RTL, pour 1 minute 40, et de m’emmener, par son verbe, de Paris, via Miami et Bastia, à Saigon. Et Berlin, pour cette magnifique intrigue dans un Berlin qui se meurt. Ce fameux « 2 dans Berlin », exceptionnel livre, qui restitue mieux que Ian Kershaw, la souffrance d’une ville qui meurt…Pour mieux revivre.

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Thierry Le Gueut, vieux routier des médias (20 ans notamment au journal Le Monde) a été dans le civil dirigeant d'un club amateur pendant 17 ans, et est supporter de l'AS Saint Etienne et du Football Club de Rouen.

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