C'est une véritable petite révolution qui est en marche dans les directions achats des ministères et organismes publics : elles ont désormais l'obligation de réserver 2 % de leurs commandes - soit 800 M€ par an - aux PME innovantes.
Reconnaissons-le, l'image que nous nous faisons des acheteurs publics est des plus déplorables en matière de réactivité et d'appétence pour l'innovation. Et cela est probablement lié à 2 expériences que beaucoup d'entrepreneurs ont vécues.
La première, celle de soumettre un dossier à l'administration fiscale pour être éligible au statut de Jeune Entreprise Innovante ou au Crédit d'Impôt Recherche. La seconde, celle de proposer son offre de produits ou services innovants à une société de plus de 1000 personnes en France. Ces 2 aventures nécessitant un temps que les dirigeants de toute PME qualifieront d'assez long (pour ne pas dire infini) ; il en résulte que les Achats publics sont perçus comme une citadelle imprenable.
Pourtant le 11 Avril dernier, à l'occasion d'une conférence organisée par le Service des Achats de l'Etat à Bercy, les entrepreneurs présents ont été totalement bluffés par les discours des ministres qui s'adressaient aux 200 acheteurs publics présents dans l'amphithéâtre : « Vous ne devez pas vous contenter d'être des machines à appels d'offres. Il est de votre responsabilité d'aller à la rencontre de nos pépites françaises et de consacrer 2% de vos achats aux PME qui innovent... Si vous leur passez commande, il y a fort à parier qu'ils auront beaucoup plus de chance de convaincre des grands groupes... D'autant que les innovations qu'elles proposent permettent souvent de réaliser des économies sur les achats existants. »
Rendez-vous compte... 800 M€ par an réservés à des PME innovantes !
Et si c'était ça la mesure clé pour redonner du baume au cœur aux audacieux en ces temps de crise ? pour (re)mettre l'innovation au centre du débat dans les administrations mais aussi les grands groupes ?
Bien sûr, les plus sceptiques vous rétorqueront, à raison, qu'un entrepreneur par essence - et surtout par expérience - est un animal méfiant, que rien ne le frustre plus qu'une promesse en l'air, qu'une décision qui tarde trop à être concrétisée dans les faits.
Imaginez alors l'agréable surprise que fut la nôtre en découvrant les propos de la ministre Fleur Pellerin dans la presse cette même soirée du 11 Avril : « Pour donner l'exemple, le Ministère du Redressement Productif va généraliser à l'ensemble de ses collaborateurs, l'usage des cartes de visite perpétuelles inventées par la jeune entreprise innovante Buzcard »*.
Et de recevoir un mois plus tard la confirmation du Service des Achats de l'Etat que 10.000 collaborateurs de Bercy allaient être équipés de ces cartes de visite perpétuelles pour commencer, et que l'idée d'un pilote dans d'autres ministères faisait déjà son chemin ! Un exemple qui devrait en appeler beaucoup d'autres espérons-le.
Ce qu'il faut déjà reconnaître au-delà de cette première concrétisation, c'est qu'en encourageant les acheteurs publics à changer leurs habitudes, à initier une véritable culture de l'achat innovant, de l'achat pilote, un signal très fort a été envoyé aux entrepreneurs ; l'administration innove en poussant ses fournisseurs actuels et à venir à innover.
Alors non, les marchés publics ne doivent plus être regardés par les PME innovantes comme le dernier des prospects à séduire, bien au contraire. Pour beaucoup d'entre elles, ils pourront même être l'accélérateur de croissance qui leur manquait.
Reste maintenant à le leur faire savoir...
* Interview de Fleur Pellerin dans Usine Nouvelle du 11/04/2013