Uber, Airbnb, Blablacar… la très grande majorité des plateformes collaboratives reposent aujourd'hui sur des modèles basés sur la commission à la prestation.
Or, des chauffeurs VTC mécontents des politiques de prix, aux utilisateurs cherchant à passer outre les plateformes, de nombreux exemples tendent à prouver que ce type de tarification n'est pas forcément un modèle idéal au sein de l'économie collaborative qui se veut davantage centrée sur l'utilisateur. D'autant plus lorsqu'il s'agit de services récurrents.
La commission omniprésente
La commission est au cœur de toutes les conversations. En décembre dernier, à la surprise générale, Uber augmentait les prix de son service de 15 % en moyenne, tout en imposant à ses chauffeurs une commission de 25 % sur les courses, contre 20 % auparavant. Ce qui s'est traduit par une hausse de moins de 5 % des revenus pour les chauffeurs. Mais Uber n'est pas le seul à appliquer de forte commission dans le secteur des véhicules de transport avec chauffeur. SnapCar s'octroie 25 %, avec un tarif dégressif lorsqu'un grand nombre de courses a été effectué. Idem pour LeCab, entre 20 % et 30 %. Réunis en janvier pour manifester contre les politiques de prix appliquées par les plateformes, les chauffeurs VTC se sont d'ailleurs insurgés contre l'augmentation des commissions retenues sur chacune de leurs courses. Ainsi, un indépendant qui travaillerait 60 heures par semaine ne pourrait pas toucher un revenu net mensuel supérieur à 1 800 euros.
Et il en va de même dans d'autres secteurs comme la location d'hébergement entre particuliers ou le covoiturage. Ainsi, Airbnb prend 18% de commission dont 3% sur le propriétaire et 15% sur le locataire. Quant à Blablacar, la plateforme se rémunère via des frais fixes et une commission, selon différents paliers, de quoi ne plus s'y retrouver !
Or qui n'a jamais essayé de recontacter en direct l'hôte très sympathique qui avait un appartement cool et bien situé lors d'un second voyage dans la même ville ? Qui n'a jamais échangé ses coordonnées avec un covoitureur faisant régulièrement les mêmes trajets ? Qui n'a jamais récupéré la carte de visite d'un chauffeur VTC habitant à proximité ? Une association - Alternative Mobilité Transport (AMT) – a même été créée dans le but de mettre en place, courant février, une application de mise en relation entre chauffeurs de VTC et clients qui soit collaborative et surtout sans commission. Une première qui prouve bien la volonté grandissante des différents acteurs de passer outre ces plateformes commissionnaires.
La question de la récurrence
Bien que cela fasse des mécontents, le modèle basé sur la commission reste une solution lorsqu'il concerne un service ponctuel. Là où cela devient moins logique, c'est lorsqu'une prestation récurrente est commissionnée. Prenons l'exemple d'une plateforme de mise en relation entre professeurs et élèves. Ces derniers, partageant une heure de cours particulier chaque semaine, vont instaurer entre eux une véritable relation de confiance au fil du temps et n'accepteront en aucun cas de continuer à verser - à la plateforme qui les aura mis en relation six mois plus tôt - une commission sur chacun des cours dispensés. Afin de ne pas voir s'enfuir petit à petit tous les membres de sa communauté, il est donc préférable pour le fournisseur de services de sacrifier l'avantage tarifaire que lui confère la commission et de baser son modèle de rémunération uniquement sur le paiement des frais de recherche initiaux.
« Ainsi, en ne taxant pas le travail de la communauté, les membres travaillent et payent le prix le plus juste.» Avec ce type de modèle, c'est l'utilisateur – plutôt que le bénéfice financier – qui est ainsi replacé au cœur de l'entreprise. Ce modèle plus juste permet alors de fédérer une communauté dédiée, dévouée et fidèle à la plateforme. Or si le bonheur des utilisateurs réside en partie dans l'absence de commission, rien n'est mieux pour l'image de marque que d'être soutenue et encouragée par une communauté forte et aimante.
Plus encore, si les frais initiaux ne sont prélevés qu'en cas de succès (comprendre par là en cas de mise en relation effective et réussie), la satisfaction client augmentera davantage. Le sentiment de la communauté sera alors bien éloigné de l'agacement ressenti par un utilisateur VTC à qui on vient de prélever entre 5€ et 8€ alors qu'il va devoir rentrer à pied car son chauffeur a annulé sa course (bien qu'il puisse faire la démarche de demander un remboursement).
Risque financier pour les entreprises ?
Alors qu'Airbnb n'est devenu rentable qu'au cours de la seconde moitié de l'année 2016, après huit ans d'existence, on peut toutefois facilement se sentir rassuré par un mode de rémunération basé sur la commission, et donc par nature récurrent. Toute entreprise qui cherche à lever des fonds est immédiatement jugée par de potentiels investisseurs sur deux critères principaux : la récurrence et la stabilité de son chiffre d'affaires (CA). Seulement, si ce modèle à la commission permet d'augmenter rapidement son CA et son revenu, il n'est pas pérenne sur le long terme.
« Avec un modèle basé sur le paiement des frais d'entrée et aux résultats, le compteur du CA de l'entreprise est à zéro chaque matin, sans possibilité de mettre en place de planning prévisionnel prédéfini. » Effrayant ? Certes. Mais une fois de plus, une communauté choyée et épanouie grossira aisément grâce au bouche à oreille qu'elle génère, attirant autant de sources de revenu que de nouveaux entrants. Alors, faut-il être un original ou quelqu'un n'agissant que par goût du risque pour laisser échapper un CA immédiat potentiel commissionné ? Non. Il faut simplement connaître ses priorités – à savoir les utilisateurs - et réussir à se projeter au delà des premières années suivant la création de l'entreprise.