Pourquoi nous, entrepreneurs, n’en pouvons plus de subir une fiscalité confiscatoire

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Par Denis Payre Modifié le 5 janvier 2013 à 16h02

Il convient de saluer la décision du Conseil constitutionnel de juger contraire à la Constitution la tranche d'imposition à 75 % au-delà de 1 million d'euros de revenu. C'est une bonne nouvelle pour l'image de la France dans le monde. C'est une bonne nouvelle aussi principalement pour les entreprises du CAC 40 qui ne parvenaient plus à retenir leurs managers de haut niveau en France et à attirer les cadres étrangers dont elles avaient besoin.

C'est malheureusement une nouvelle sans impact pour les entrepreneurs. Il y a eu une confusion ces derniers temps, car il y a en fait deux taux à 75 %. Celui qui pose problème aux entrepreneurs est le niveau du replafonnement des principaux impôts, dont l'ISF, à 75 %, obtenu de haute lutte, déjà, par le Conseil constitutionnel. Malheureusement ce niveau est insuffisant pour retenir en France les entrepreneurs qui ont réussi et, on l'a vu avec Depardieu, tous ceux qui, grâce à leur talent dans quelque domaine que ce soit, ont eu le malheur de connaître la réussite. Le seul progrès concernant le plafonnement est l'exclusion des revenus virtuels.

Ce replafonnement maintient en effet une situation plus confiscatoire encore que l'autre taux a 75 %. D'abord, ce n'est pas une mesure pour deux ans mais une mesure valable durant toute la vie du contribuable et c'est 75 % du revenu dès le premier euro qui est prélevé par l'Etat et non pas 75 % au delà d'un revenu déjà très élevé de 1 million d'euros. En outre, la capacité contributive du contribuable n'est pas assurée du tout, sachant que le capital taxé est souvent constitué d'actions qui est souvent un capital purement virtuel.

Par ailleurs, la Fondation Fondapol a montré qu'il faut générer 9 % de rendement sur son capital pour espérer simplement résister à l'inflation et payer l'ISF. Or un capital bien géré ne rapporte guère plus de 3 %. Tout capital détenu en France est donc condamné à se déprécier de 6 % par an. Devant une taxe de séjour aussi exorbitante, la probabilité qu'un détenteur de capitaux reste en France plusieurs années de suite est très faible.

Je suis personnellement confronté à cette situation fortement démotivante. Parce que j'ai eu le malheur de partir de rien à vingt-sept ans, de donner naissance à pas moins de deux leaders mondiaux dans les métiers de demain qui ont engendré la création de 7.000 emplois et fait entrer des centaines de millions d'euros dans les caisses de l'Etat sous forme d'impôts et charges sociales variées, je suis condamné à ne commencer à travailler pour moi qu'au 1 er octobre de chaque année et ce jusqu'à la fin de mes jours...

Cette situation est aussi une façon très efficace de tuer toute vocation entrepreneuriale ce qui est bien sûr aussi contraire à l'intérêt supérieur du pays. Car ce taux de 75 % s'ajoute à la taxation des plus-values à 60 % très faiblement corrigée par les amendements obtenus suite au mouvement des « pigeons » : on n'est jamais sûr d'être dans la bonne case et dans le meilleur des cas la plus-value sera encore de 42,5 %, très au-dessus de la norme européenne.

Les business-angels, clefs dans la croissance des start-up, sont eux condamnés à disparaître. Les entrepreneurs potentiels ont d'autres options, à commencer par celle de rester au chaud dans un grand groupe plutôt que de tout miser sur une création d'entreprise qui n'est jamais une sinécure. Les plus motivés partiront entreprendre ailleurs. Ils trouveront des taux d'imposition sur les plus-values aux frontières de la France entre deux et trois fois moins élevés, voire nuls, et aucun ISF. C'est toute une génération d'entrepreneurs qui se voit couper les jarrets. On ne manquera pas de s'étonner de voir un gouvernent socialiste briser leur rêve d'une vie meilleure, casser toute perspective d'une ascension sociale...

Le doublement des plus-values, le triplement de l'ISF, véritable folie fiscale touchant de plein fouet les entrepreneurs, véhiculent des valeurs que peu de Français souhaitent probablement enseigner à leurs enfants : l'envie et la jalousie d'une part, la médiocrité, la condamnation de toute forme d'effort et de talent, le nivellement par le bas, d'autre part. Plus immédiatement, la folie fiscale aura des conséquences graves sur l'emploi si rien n'est fait rapidement pour corriger la situation. Il est paradoxal d'entendre le président déclarer faire de l'emploi son objectif majeur pour 2013 et d'assister dans le même temps à la mise en place de mesures qui provoquent une formidable démobilisation de la part de ceux qui précisément ont entre leurs mains la capacité de créer ces emplois dont on a tant besoin.

En ce début d'année, je formule le voeu qu'enfin nos dirigeants fassent preuve de réalisme et donnent la priorité au bon sens par rapport à l'idéologie.

François Mitterrand a su, lui, le faire en son temps.

Tribune initialement publiée sur Les Echos.fr

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Denis Payre est le fondateur de Business Objects, l'un des leader mondiaux de la gestion des bases de données racheté par l'allemand SAP. Il est également le fondateur de la messagerie Kiala, et co-fondateur de Croissance Plus dont il a aussi été président.

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