Pierre Gattaz, nouveau patron du Medef : à quoi faut-il s’attendre?

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Par JOL Press Modifié le 3 juillet 2013 à 12h53

Pierre Gattaz est devenu officiellement ce mercredi 3 juillet président du Medef, lors de l'Assemblée générale de l'organisation réunie pour l'élire au Palais des Congrès. Décryptage de ce qui lui attend au Medef avec Bernard Giroux, auteur de « Du CNPF au Medef : Confidences d'un apparatchik » (Archipel).

Pierre Gattaz, patron de Radiall, entreprise spécialisée dans les connecteurs électroniques, a réussi à rallier ses deux principaux concurrents : Geoffroy Roux de Bézieux et Patrick Bernasconi. Il devient donc officiellement ce mercredi 3 juillet le nouveau président du Medef. « L'urgence de la situation et la nécessité d'une union du patronat nous ont convaincus de nous rassembler afin de relever ensemble les défis qui se posent aujourd'hui à notre pays et à ses entreprises », ont expliqué les trois candidats dans un communiqué commun.

Mais quelles seront les défis qu’il devra relever en ces temps de crise économique et de crispations sociales ? Eléments de réponses avec Bernard Giroux, auteur de Du CNPF au Medef : Confidences d'un apparatchik (Archipel).

JOL Press : Pierre Gattaz est-il à même de bien incarner le Medef ? Quelle est sa plus grande qualité ?

Bernard Giroux : On peut critiquer le Medef mais il faut leur reconnaître un vrai talent, ils savent placer le bon profil au bon moment. Si vous regardez toute l’histoire patronale, les patrons des patrons ont toujours correspondu à ce que la situation économique et politique exigeait. Ce qui compte actuellement c’est d’avoir à la tête du Medef, un patron issu du monde industriel. Plus de 1000 usines ont été fermées, c’est une catastrophe nationale, la politique de réindustrialisation est donc au cœur des préoccupations.

Pierre Gattaz est le patron de Radiall, une entreprise spécialisée dans les connecteurs électroniques, il a réussi à l’international, travaille dans un domaine novateur, a des usines sur le territoire, il correspond assez bien au portrait-robot du patron idéal actuellement. Son entreprise est performante, novatrice, internationale, il a donc les qualités requises pour la période qu’il s’apprête à traverser.

JOL Press : Il est le fils d’Yvon Gattaz, qui a piloté le CNPF dans les années 1980. Est-ce un atout ou un handicap ?

Bernard Giroux : Si vous regardez tous les candidats à la présidence du Medef, il y avait beaucoup de « fils de ». Thibault Lanxade est par exemple le fils de l’ancien chef d'État-Major des armées françaises. Je pense que dans le cas de Pierre Gattaz, c’est plutôt un atout. La présidence d’Yvon Gattaz (1981-1986) ressemble étrangement à la situation que l’on traverse : un gouvernement de gauche qui a des problèmes de compréhension vis-à-vis des mécanismes économiques. La période Yvon Gattaz a été brillante, certes conflictuelle, mais le père de Pierre Gattaz avait de très bons rapports avec François Mitterrand.

JOL Press : Quels sont les dossiers les plus difficiles qu'il aura à gérer pour ses premiers mois de présidence ?

Bernard Giroux : Il y a indéniablement la réindustrialisation. Yvon Gattaz dit « apprécier Arnaud », mais « moins Montebourg », c’est une formule amusante qui montre malgré tout qu’il n’a pas perdu de vue que l’industrialisation est le socle de l’économie. Il sera aussi très attendu sur la question des retraites. Le vrai problème de l’actuel gouvernement c’est qu’il a commencé à matraquer les entreprises et les particuliers pendant quelques mois avant de se rendre compte qu’il allait dans une mauvaise direction. Mais au bout d’un an, les entrepreneurs n’ont retenu que ces premiers mois de gouvernance.

Pour sortir de la crise, nous n’avons pas d’autre choix que de nous diriger vers une baisse de la dépense publique mais pour un gouvernement de gauche, fut-il social-démocrate, c’est très difficile. Une des principales missions de Pierre Gattaz sera d’essayer de convaincre Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg et François Hollande de réduire la dépense publique. On ne peut plus augmenter les impôts parce qu’il n’y a plus de rendement, on n’a pas d’autre choix.

Personne ne souhaite rester dans ce marasme économique, l’échec du gouvernement c’est l’échec de la France, on a tous à gagner à sortir de cette crise. Je pense que le dialogue sera assez riche, le gouvernement devra apprendre à faire confiance aux chefs d’entreprise. A la place du président de la République je mettrais en place des accords avec les organisations patronales sur l’emploi des jeunes par exemple. L’époque n’est plus aux conflits.

JOL Press : Pierre Gattaz est-il prêt à entretenir ce genre de relation avec le gouvernement ?

Bernard Giroux : Il n’y a pas de raison à ce qu’il soit hostile à ce genre de collaboration. Dès qu’on parle d’emploi des jeunes, pour reprendre cet exemple, les patrons sont toujours d’accord. C’est l’avenir de nos entreprises la jeunesse. Pour cela il est indispensable que le gouvernement se montre moins hostile aux patrons, notamment aux grands patrons. C’est très facile de tirer sur les entreprises du CAC 40 mais ce sont malgré tout elles qui portent l’essentiel de l’économie. L’internationalisation de notre économie n’est permise que grâce aux entreprises du CAC 40 qui emmènent derrières elles des kyrielles de PME performantes.

On nous parle de licenciements boursiers mais sait-on que sur les 1 200 000 entreprises françaises qui ont des salariés, seules 700 sont cotées en bourse ? Il faut savoir de quoi on parle et ne pas faire de fixations sur les entreprises du CAC 40 qui sont plutôt un atout pour notre économie.

JOL Press : Quel geste pourrait faire le gouvernement pour se réconcilier durablement avec les entrepreneurs ?

Bernard Giroux : Ce qu’ils ont fait avec le crédit d’impôt compétitivité, ce n’était pas idiot mais c’est tellement compliqué qu’il n’y a que 5000 entreprises qui l’utilisent. Le problème de ce gouvernement – et du précédent aussi du reste – est avant tout administratif : quand ils ont une bonne idée, ils l’entourent tellement de contraintes administratives que très peu d’entreprises en bénéficient.

Peut-être que la seule chose que les entrepreneurs attendent du gouvernement, c’est un peu de pédagogie : arrêter de considérer que dès lors qu’on baisse les charges sur les entreprises, par exemple, ont fait un cadeau aux patrons. On fait un cadeau à l’entreprise, et si on fait un cadeau à l’entreprise, on fait un cadeau à l’économie, c’est-à-dire aux salariés et à l’emploi. Croire le contraire c’est avoir une vision complètement archaïque de l’économie, vision qui fait sourire nos voisins européens du reste

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Fils de patron menuisier, diplômé de Sciences Po, Bernard Giroux entre en 1980 au service d'information du CNPF (devenu Medef en 1998). Il restera vingt-trois ans au coeur de l'organisation patronale, dont il dirige le service de presse de 1989 à 2003, avant d'occuper les mêmes fonctions à l'Assemblée des chambres de commerce et d'industrie. Désormais conseiller en communication, il enseigne dans les écoles de communication.

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