OPINION
Promis, juré, on allait avoir un combattant à la tête du MEDEF. Un gars solide, issu de l’industrie, qui n’hésiterait pas à porter haut l’étendard d’un patronat de combat là où Mme Parisot s’était surtout préoccupée de sujets sociétaux davantage qu’économiques. Bref, on allait voir ce qu’on allait voir.
Coup de chance pour Pierre Gattaz, cette dernière semaine de novembre lui offrait, sur un plateau, des occasions en or de tenir ses engagements avec la piteuse affaire de la retraite chapeau de Philippe Varin, le futur-ex président du Directoire du Groupe PSA. La France s’est en effet illustrée en faisant vire-volter les faux-culs de tous ordres.
A commencer par les ministres, qui ont cru bon de s’émouvoir de cette mesure, pourtant inscrite dans les comptes de PSA de longue date, sans qu’elle n’ait choqué M. Gallois, représentant de l’Etat installé par ces mêmes ministres. Soit le représentant de l’Etat n’y a rien trouvé et on est dans la démagogie ; soit il ne sait pas faire son travail et honte à ceux qui l’ont imposé.
On a même trouvé un député UMP, l’excellent Bruno Le Maire, pur produit de l’intelligence française dévoyée par des années exclusivement consacrées à la haute fonction publique, aux cabinets ministériels et au marigot politique. Un homme dont l’existence n’a jamais dépendu de sa propre création de richesses. Lui a emboîté le pas la délicieuse Karine Berger, autre énarque de haut vol suffisamment qualifiée pour reprocher à P. Varin sa « médiocrité d’un gestionnaire ayant une approche purement financière ».
Qui évaluera le mal causé par les syndicats aux industries françaises ?
Et puis il y a eu les syndicalistes. L’incontournable et très médiatique Jean-Pierre Mercier, militant politique Lutte Ouvrière assumé, promoteur du conflit dur à l’usine d’Aulnay y est allé de son commentaire complaisamment recueilli par les journalistes. Jean-Pierre Mercier n’a pas de soucis personnels puisque le plan social de PSA lui a permis de retrouver une place dans une autre usine du Groupe, dans laquelle il pourra pleinement exercer ses talents. M. Mercier s’est interrogé sur le mal que P. Varin aurait fait à PSA en 5 ans. Qui s’interrogera sur le mal que les organisations syndicales les plus extrémistes auront fait à l’industrie française, PSA inclus ?
Il y a eu enfin les réactions des jeunes entrepreneurs ; ceux qui croient sauver leur peau en abondant dans le sens médiatique dominant. L’un d’entre eux a même reproché à P. Varin de se « gaver ». T’as raison coco ; ça fait un bon tweet. Mais on n’a jamais gagné quand on utilise le vocabulaire de l’adversaire. Tôt ou tard, toi qui rêves de grandir, tu seras traité par d’autres comme un vulgaire Varin et tu trouveras que ça fait mal. Chacune et chacun fondant bien sûr leur légitime émotion sur une totale incompréhension de ce que la somme recouvre.
Bref, la coupe était pleine et super-Gattaz allait taper du poing sur la table. Rappeler qu’on ne peut diriger des mastodontes comme PSA qu’avec des dirigeants de classe mondiale et que ceux-ci, par définition, sont rares et chers. Indiquer que P. Varin était déjà, et de loin, un des patrons les moins payés du CAC 40 (duquel PSA est sorti) et qu’il a déjà renoncé, par solidarité avec la crise de son Groupe, à ses parts variables ou indemnités de départ. Que rien ne dit qu’avec un peu de hauteur on se rende compte que l’apport de P. Varin à PSA ne soit pas finalement salué de manière positive, entre accélération de la nécessaire internationalisation et montée en gamme des produits. Une fois le tumulte passé, de nombreuses voix averties semblent d’ailleurs incriminer autant l’actionnaire que le PDG dans la difficulté du Groupe à sortir de la crise.
Tout le monde donne son avis sur tout, y compris les salaires des patrons
Qu’on ne peut plus, surtout, donner la parole à n’importe qui pour dire n’importe quoi, qu’il soit politicien, syndicaliste ou journaliste, dans un pays où un récent sondage que 90 % des professeurs de collège et de lycée associent l’entreprise au stress et 62 % au mot « exploitation ». En fait, non. Il ne s’est rien passé.
Super-Gattaz, le patron de combat, a laissé monter au créneau Denis Ranque au nom du Haut Comité d’autorégulation, chargé de veiller au respect des bonnes pratiques au sein du patronat. Denis Ranque est un type formidable, patron de talent hier chez Thalès et aujourd’hui chez EADS. Il a passé l’essentiel de sa carrière entre des cabinets ministériels et la nécessité de courtiser des ministres pour se faire nommer à la tête d’entreprises à capitaux publics. CQFD.
Sur le fond, c’est vrai que le dispositif de retraite-chapeau est difficilement compréhensible. C’est vrai aussi que les abus ont été nombreux dans le patronat ; qu’on se souvienne de Zacharias, le cupide patron de Vinci. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas en hurlant avec les loups les plus veules qu’on fait avancer sa barque.
Super-Gattaz pourra continuer à pester sur la fiscalité des hauts revenus. Il avait l’occasion de défendre l’idée de la liberté d’entreprendre et de remettre à leur place beaucoup de ce petit monde qui injurie l’entreprise sans la connaître. Occasion ratée. Pierre Gattaz ne semble pas à la hauteur de ses promesses ni des espoirs qu’il avait suscités. On lui souhaite sincèrement de ne pas recommencer la même erreur au prochain coup de torchon.