Gaspard Gantzer, le pétard et Facebook : le nouveau patron de la com de l’Elysée a-t-il commis une erreur ?

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 25 avril 2014 à 14h39

"Le fait que Gaspard Gantzer mange du Nutella au petit déjeuner n'est pas une information". C'est ce que l'on peut lire, entre autres commentaires, sous un article de notre confrère Bruno Roger-Petit sur lePlus du Nouvel Obs. BRP (son surnom, façon PPDA, dans la profession) s'offusque du "vol" de photos privées sur le mur Facebook du nouveau patron de la com de l'Elysée, Gaspard Gantzer. Photo le montrant une cigarette à la main dans une soirée, cigarette dans laquelle les plus "expérimentés" identifient un pétard. Voilà l'enjeu du débat qui occupe certains éditorialistes, après les décolletés interdits chez Ségolène Royal la veille, et on ne sait quelle autre niaiserie gouvernementale demain (enfin, lundi).

Seulement voilà : il y a une différence de taille entre le Nutella et le haschich : le premier a certes failli être surtaxé l'an dernier, au prétexte que la pate chocolatée contient de l'huile de palme, et qu'elle serait donc mauvaise pour la santé. Mais pour l'instant, le Nutella n'est pas interdit. Le deuxième - le haschich, le chichon, la mariruana le cannabis- catalogué "drogue", est encore prohibé en France. La présumée tolérance quant à sa consommation n'est pas inscrite dans la loi. En cas d'interpellation un pétard à la main ou avec une petite quantité d'herbe dans la poche, le passage par la case commissariat est quasi obligatoire. La peine ? En théorie, 3750 euros d'amende, ou des travaux d'intérêt général. De plus en plus souvent, des stages obligatoires de sensibilisation aux dangers de la drogue. Et la confiscation de la drogue détenue bien entendu.

Le Nutella quant à lui n'est pas une substance illicite, et pour la bonne bouche, la taxe a sauté grâce à une magnifique opération d'agit-prop organisée par Ferrero, justement sur... Facebook ! La page de la marque, en France, revendique.... 26 millions d'amis sur Facebook. C'est principalement grâce à l'immédiate mobilisation des consommateurs via les réseaux sociaux que les parlementaires ont renoncé à l'amendement qui devait taxer le Nutella, dans la loi de finances 2013. Et si vous en consommez dans une soirée, même excessivement, ou encore assis au bord d'un trottoir, affalé sur un banc dans le métro, vous ne prendrez pas d'amende, et on ne vous confisquera pas votre pot de Nutella.

Bien évidemment, ce qui est "reproché" à Gaspard Gantzer n'est pas tant de fumer -ce qui reste une hypothèse- du cannabis, lors d'une soirée privée. Mais de ne pas avoir aussitôt sécurisé son compte Facebook, en apprenant sa nomination ! Pour le chargé de la com d'une institution aussi sensible que l'Elysée, aussi chahutée par les bourdes en matière de communication ces derniers mois, d'aucun attendaient plus de professionnalisme de la part du nouveau boss du service de presse.

Photos "volées", dixit Bruno Roger Petit ? Mais à quoi servent alors les conditions générales d'utilisation de Facebook, et les multiples rappels à la prudence sur ce que l'on y poste, dont les médias traditionnels et électroniques se font les relais régulièrement depuis au moins trois ans ? Quand on poste une photo sur Facebook, on sait ce que l'on fait, et on peut choisir qui est autorisé à les voir, c'est la base. C'est ce que l'on explique à une ado de 15 ans, quand elle poste sa première photo un peu dénudée par provocation ou par ignorance.... Pas un DRH n'oublie aujourd'hui de regarder le compte Facebook -mais aussi Linkedin et Viadeo- des candidats à un poste dont il a le CV.

Quand on poste une photo sur son mur Facebook, on est pleinement conscient du fait qu'elle sera visible par 2X personnes. Facebook aurait 6 mois ou un an d'ancienneté, d'accord, on pourrait plaider l'étourderie, ou la méconnaissance des risques liés aux réseaux sociaux. Mais la chose est déjà arrivée 1000 fois ! Et Gaspard Gantzer compte... 1464 "friends" sur Facebook, au 25 avril 2014. Ce n'est pas le profil d'un néophyte. Et l'on n'a pas le souvenir d'avoir lu d'éditorial ulcéré de BRP lorsque Boris Boillon, ambassadeur de France en Tunisie, a vu ses photos de lui en maillot de bain prises sur son mur Facebook, largement diffusées dans la presse. Alors même qu'il n'y avait rien de délictueux sur la photo, ni même, soyons rationnels, d'indécent, dans la France et dans le monde occidental de 2014. Mais il était ambassadeur de France en Tunisie. Et en Tunisie, se montrer en maillot de bain, quand on est investit de hautes responsabilités serait indécent. Parait-il. Vu d'Occident.


Non, Bien entendu, l'affaire Gantzer est toute autre. D'abord, sa nomination a semble-t-il été précipitée. L'intéressé a été informé à la dernière minute, alors que la nouvelle était déjà officielle semble-til, ou en tout cas, avait déjà fuité. Que la nomination a un poste d'une telle importance, après la démission précipitée du titulaire du poste, soupçonné de prise illégale d'intérêts, laisse pantois. Rien n'empêchait de se donner quelques jours, pour trouver soi le meilleur candidat, soit la manière la plus sobre et efficace d'annoncer sa nomination.

Ensuite, Gaspard Gantzer est tout bonnement victime d'un racisme anti-jeune. Qu'un trentenaire accède à un tel poste, fut-il énarque, en révolte plus d'un, entre 40 et 68 ans à la louche. Et les autres trentenaires, au profil proche, seraient ravis que la roue tourne encore une fois, pour eux. Qui sait ?

Enfin, Gaspar Gantzer est tout simplement d'une autre génération, que d'aucun appellent Génération Y. Ses premiers flirts, il les a vécus par SMS. Facebook fait naturellement partie de son quotidien, c'est une extension de lui-même depuis toujours, enfin, depuis que Facebook existe, et qu'il s'y est inscrit. Il y a tellement de contenus postés sur son profil (toujours ouvert à tous, ou il est indiqué qu'il est toujours en poste au Ministère de l'Agriculture) que je ne suis même pas parvenu à voir sa "date de début" sur Facebook !

En fait, sans trop prendre de risques, Gaspard Gantzer, il s'en fout de tout ca (ou il s'en foutait, avant). Le job, il ne s'y attendait pas, c'était une surprise pour lui disent certains confrères journalistes bien informés. Le désirait-il ? On n'osera pas se risquer sur ce terrain. Mais qu'il n'ait pas pris ses dispositions avant, en nettoyant son empreinte numérique sur le web, c'est évident. Et après ? Et bien après, une fois "la photo" qui dérange piratée - pour faire plaisir à mon confrère Bruno Roger Petit- et diffusée sur la toile et dans la presse frauduleusement -bis- il y a trois attitudes possibles.

Soit, s'expliquer, s'excuser sur le ton du "c'est un accident cela ne se reproduira plus". Soit, se révolter contre l'atteinte à la vie privée, menacer, attaquer. Soit, ne rien faire. Ni même ne rien changer à son profil Facebook. Et, d'après ce que j'en sais, c'est cette dernière solution qui a été choisie. Soit parce que Gaspard Gentzer, nommé en catastrophe à un job où y a du boulot jusque par dessus la tête, il n'a pas eu le temps. Soit, donc, parce qu'il s'en fout, et souhaite être jugé sur la qualité de son travail, et non sur ses posts persos sur son profil Facebook.

Nul doute qu'il fera triplement attention à tout ce qui sera émis désormais depuis les outils de communication officiel de l'Elysée. Ces derniers mois, les bourdes postées sur le compte Twitter officiel de la Présidence de la République ont fait le bonheur des réseaux sociaux. Et si jamais les gags continuent et bien... le bouc-émissaire sera tout trouvé.

Que François Hollande confonde la Première et la Deuxième Guerre Mondiale est une chose, que le community manager qui poste sur le compte Twitter de l'Elysée la diffuse en est une autre.

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Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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