La proposition de France Stratégie de nationalisation du foncier a rencontré une opposition. Mais depuis longtemps, le droit de propriété est vidé de substance.
Le think tank d’Etat France Stratégie (anciennement Commissariat général au Plan) est habitué aux propositions loufoques à la portée médiatique considérable. Après sa proposition de taxer les propriétaires sur un loyer fictif, France Stratégie récidive et gagne le droit d’être placé sous la tutelle du Premier ministre. Dans une récente note d’analyse sur la manière de résorber l’endettement public en Europe, le think tank propose ni plus ni moins que l’expropriation des propriétaires fonciers.
« Concomitamment à l’augmentation des dettes publiques, les 20 dernières années ont été marquées par une forte progression du patrimoine des ménages en Europe, en particulier immobilier, avec une distribution très inégale de cet enrichissement. Ceci ouvre une deuxième voie qui permettrait à un Etat excessivement endetté de décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur. Il deviendrait ainsi créditeur d’une somme annuelle, correspondant à la rémunération du droit d’occupation du sol. Tout propriétaire pourrait différer son paiement, dont le montant cumulé interviendrait alors au moment de la vente ou de la transmission du bien. »
Toute ressemblance avec de lointains régimes collectivistes du XXème siècle est, bien entendu, tout à fait fortuite. En fait, même un pays comme la Chine, pourtant dirigé par un parti communiste dictatorial, est en train de songer à libéraliser son droit foncier. C’est dire si les propositions des auteurs de ce rapport sont à l’est et qu’elles peinent à franchir le rideau de fer de la pensée économique. Signe que le déclin de la France n’est peut-être pas irrémédiable, les propositions de France Stratégie ont provoqué un tollé, en donnant lieu à la publication de critiques acerbes, y compris dans des journaux peu habitués à défier le politiquement correct.
Dans un pays où le salarié moyen est exproprié à hauteur 50% de ses revenus par divers taxes et impôts, il est heureux que subsiste chez nos éditorialistes un instinct de conservation en faveur de la propriété privée face aux attaques qu’elle subit régulièrement. Toutefois, ces nouvelles propositions ne sont pas si subversives que cela au regard d’un environnement institutionnel qui, en France, est déjà peu conciliant avec le droit individuel de propriété.
L’Etat, ce co-propriétaire forcé que vous êtes contraint d’accepter
En matière fiscale, le rapport de France Stratégie explore des mesures qui existent déjà. A quoi cela sert-il d’exproprier les Français si ce n’est, pour l’Etat, de toucher une fraction du loyer que perçoit le propriétaire et de s’accaparer une partie du fruit des transactions immobilières (ventes, successions) ? Or ces pratiques sont déjà possibles avec la taxe foncière (proportionnelle à la valeur locative cadastrale), la fiscalité immobilière sur la plus-value ou encore les droits de mutation et succession.
En matière réglementaire, également, force est de constater que la propriété est dénaturée. Peut-on vraiment considérer que le « propriétaire » lambda jouisse aujourd’hui du droit de disposer de son bien de la manière la plus absolue quand il doit faire face à une multitude de contraintes qui encadrent l’usage et la gestion de ce dernier (restrictions environnementales, contraintes en matière d’urbanisme, encadrement des loyers dans certaines villes, rapports locatifs très réglementés) ? Autrement dit, l’Etat, qui s’arroge la prérogative de borner arbitrairement ce que peut faire le « propriétaire » et sa manière de contracter avec ses locataires, s’impose déjà, de fait, comme un co-propriétaire forcé.
Etant donné que le droit de propriété a déjà été vidé de sa substance, ceux qui ne réfléchissent qu’à travers le prisme de la technocratie se disent : « après tout, pourquoi pas, nous ne sommes plus à une violation près ». Il ne reste plus qu’à forcer le trait en testant les limites de l’opinion publique. De manière logique, les propositions plus grossières en matière de spoliation se multiplient. On s’étonnera ensuite du manque d’investissement dans l’immobilier avec toutes les conséquences sur l’offre sur le marché du logement…au détriment de tous.
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