Peut-on ne pas payer nos dettes ?

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Par Philippe Préval Modifié le 1 février 2017 à 14h11
Union Europeenne Dette Banques Or
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440 milliards d'eurosLes assureurs détiennent 440 milliards d'euros de dette française.

Certains candidats de gauche, messieurs Hamon et Mélenchon en particulier, laissent entendre que la dette de la France n’est pas un problème, qu’elle pourrait être mutualisée avec celle d’autres pays en particulier l’Allemagne, qu’elle pourrait même être effacée. Il est utile d’étudier sérieusement cette question.

La France a souscrit sous diverses formes 2200 milliards d’euros d’emprunts. La dette de l’État représente une majorité écrasante par rapport à celle de la sécurité sociale et à celles des collectivités territoriales. Le rapport dette/PIB était encore de 60% en 2008, il est de presque 100% aujourd’hui. Outre la crise de 2008, un autre phénomène important explique cette dérive : le recours à la dette pour les dépenses sociales (santé) qui sont par définition des dépenses de fonctionnement ce qui ne respecte pas un principe de base, un État peut s’endetter pour investir, pas pour ses dépenses courantes. Par un effet circonstanciel favorable, dû à la faiblesse des taux, la dette qui n’a jamais été aussi lourde, n’a jamais pesé aussi peu sur les comptes de l’état. Le taux moyen est de l’ordre de 2% depuis 3 ans alors qu’il était à 8% en 1984, si bien que l'effet prix l'emporte sur l'effet volume.

Les dettes nationales constituent un élément essentiel des marchés financiers

La dette, c’est un marché, c’est un domaine de l’activité économique essentielle dans un pays. Dans ce marché, les dettes d’État sont la base sur laquelle tout l’édifice financier est construit. Un État émet de la dette à court terme -bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), d'une durée de deux ou cinq ans et bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) émis pour des périodes de quelques semaines – et de la dette moyen ou long terme : les obligations assimilables au trésor (OAT). Ces OAT sont la base des marchés financiers : ce sont les titres les plus échangés. Ce sont eux sur lesquels s’appuient les autres titres et les produits dérivés. Les obligations des grandes entreprises, par exemple, qui sont nécessaires aux investissements de ces entreprises - pour construire une raffinerie par exemple, dont la rentabilité se juge sur 30 ou 40 ans - sont toujours « pricées » en référence à des obligations d’État. Si ces OAT perdent leur valeur, c’est-à-dire s’il y a un sentiment de risque sur la capacité de l’emprunteur -ou sa volonté- à les rembourser, c’est tout le système financier qui sera gravement perturbé, tous les prix seront affectés.

Toucher à la « valeur » de la dette de la France, c’est donc remettre en cause tout l’édifice économique de notre pays et du continent européen.

Expérience de pensée : supprimer la dette.

Depuis Galilée et jusqu’à Einstein et Schrödinger (le fameux chat de Schrödinger 1935) les physiciens aiment ce procédé qui consiste dérouler concrètement (mais par la pensée) les conséquences d’une hypothèse théorique. Alors supprimons la dette et allons dans le détail de ce qui s’ensuivrait.
Sur les 2200 milliards, 35% (770 milliards) sont possédés par des Français. Les rayer de la carte c’est donc rayer d’un trait de plume, 770 milliards de la richesse nationale. Mais où se ferait le préjudice : 440 milliards pour les assurances, 220 milliards pour les banques. Soit dit en passant, les règles Solvency-III font obligation aux assureurs de placer leurs fonds, c’est-à-dire ceux de leurs assurés, dans des produits sûrs, en l’occurrence des OAT. Ce n’est donc pas un hasard si les assureurs français possèdent 20% de la dette française. Effacer cette dette c’esttuer ipso facto AXA et les autres. Tuer AXA, c’est porter un coup mortel à l’économie française. Quant aux 220 milliards qu’il faudrait effacer des comptes des banques c’est plus que tous les stress tests qu’elles subissent. Aucune n’en réchapperait. Il faudrait les renflouer. Mais avec quoi ? Des emprunts d’État peut-être, des OAT, des nouvelles OAT sachant que les anciennes servent à allumer des feux de cheminées ?

L’effacement de la dette ne produirait pas que la ruine de la France. Il aurait des conséquences graves chez nos voisins. Monsieur Mélenchon, quoi que député européen, s’en moque peut-être, mais tout de même. Les détenteurs de notre dette long-terme sont essentiellement européens (Italie, Pays-Bas, Espagne, Allemagne…). Cet« effacement » ruinerait quasiment à coup sûr l’Italie et d’autres pays amis. À nouveau si Generali a dans ses comptes des OAT françaises c’est parce que les règles européennes initiées par les États, au premier rang desquels la France, l’y ont fortement incité. Il est inutile de décrire le désordre continental qu’engendrerait, une telle décision et la destruction des relations entre états qui nous replongerait dans ce que notre pays a connu dans les années 20. Voilà où mènerait la politique du chacun pour soi et de l’irresponsabilité nationale.

Effacer la dette c’est donc gagner les 1430 milliards que nous devons aux étrangers - et que nous ne rembourserons pas; s’enrichir en volant c’est toujours s’enrichir. Cela se payerait par la destruction de notre économie qu’on peut évaluer à 3 ans de chiffre d’affaires, 6 000 milliards, et par une situation de pré-conflit en Europe. Effacer la dette c’est un mauvais calcul, ce n’est pas une mesure qu’une personne ayant un brin d’intelligence et un brin d’honnêteté intellectuelle peut envisager. Ce n’est pas non plus une mesure qu’une personne ayant un brin d’intelligence peut voter.

Il n’y a pas d’autre façon de combattre une idée folle que de voir, et compter, où son application conduit, pragmatiquement, froidement. Il faut expliquer où mènent les démagogues, en l’occurrence: à la ruine, à la guerre.

Plus généralement tout ce qui porte sur la remise en cause des « 3% » et des contraintes de la dette elle-même, comme la phrase de monsieur Hamon, « on peut négocier avec son banquier, on ne peut pas négocier avec la nature », sont des absurdités que seuls des politiciens malhonnêtes peuvent proférer. Un chef d’entreprise, qui tirerait des traites pour couvrir ses dépenses courantes et qui dirait pour se justifier « on peut négocier avec son banquier, on ne peut pas négocier avec la nature, ou l’avenir de ses enfants», se retrouverait au tribunal de commerce pour y déposer son bilan. C’est la réalité, elle ne se négocie pas, elle!

La dette c’est la dette, elle est le fruit de nos erreurs passées, de notre laxisme, de notre paresse, de notre manque de courage politique. Il faut la gérer et la payer. On ne peut pas revenir en arrière, les erreurs du passé doivent être payées. Tout ce qu’on peut faire, c’est éviter d’en faire de nouvelles.

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Philippe Préval est entrepreneur, DG de la société Lusis et candidat-citoyen à l’élection présidentielle.

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