Pétrole : la coûteuse fuite en avant de l’OPEP

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Par Christopher Dembik Publié le 3 novembre 2015 à 5h00
Opep Baril Petrole Production Mondiale
@shutter - © Economie Matin
4 millionsL'Iran pourrait produire 4 millions de barils de pétrole par jour d'ici l'an prochain.

Le rééquilibrage du marché pétrolier sera long et douloureux. On ne pourra pas compter sur un renforcement de la croissance mondiale, qui devrait s’établir au mieux à 3,1% l’an prochain selon le FMI.

La décélération de la croissance du PIB potentiel s’est accentuée depuis la crise financière mondiale, particulièrement dans les pays émergents. Pendant un temps, la croyance que la Chine pouvait tirer l’activité permettait d’espérer un rebond important des cours du baril de pétrole. Les déboires boursiers d’août dernier et les dévaluations récentes du yuan chinois ont définitivement invalidé ce scénario.

La Chine peut, en revanche, jouer le rôle d’amortisseur. La demande chinoise reste toujours soutenue. Les importations de brut ont augmenté de 8,8% en 2015 par rapport à 2014 selon les données des douanes chinoises. Elles devraient continuer d’augmenter, bien que la croissance du PIB potentiel ait été revue à la baisse pour les années à venir, autour de 7,20% en moyenne, contre 9,4% en moyenne pour la période 1988-2013. La Chine pourrait profiter des prix bas pour augmenter ses réserves stratégiques de pétrole qui sont faibles par rapport aux standards internationaux. Ces réserves doivent permettre de couvrir 90 jours d’importations de pétrole. Officiellement, le pays possèderait autour de 200 millions de barils de réserve alors, qu’au regard du volume des importations, il en faudrait trois fois plus. L’accroissement des réserves stratégiques chinoises pourrait constituer un éphémère élément de soutien des cours.

Néanmoins, il n’y aura pas de rééquilibrage du marché tant que la stratégie de guerre des prix imposée par l’Arabie Saoudite subsistera. Il n’y a aucune chance qu’elle soit remise en cause lors de la prochaine réunion de l’OPEP prévue le 4 décembre prochain. Le bloc Algérie – Equateur – Venezuela, qui milite pour une baisse de la production des pays membres de l’organisation et la définition d’une cible de prix pour le marché, est inaudible face à l’hégémonie saoudienne. A l’exception de ces trois pays, qui ne sont pas en mesure de suivre à cause d’un seuil de rentabilité trop élevé par rapport aux cours actuels du baril, tous les autres se sont engouffrés dans la brèche. La péninsule arabique et l’Irak ont nettement accentué leur production au cours des mois passés. Résultat, la production journalière de l’OPEP a atteint en septembre un plus haut niveau depuis 2012. L’Iran devrait suivre le même chemin dès la levée totale des sanctions. Sa production devrait grimper de 2,8 millions de barils / jour à environ 4 millions de barils au début de l’année prochaine. Cette hausse est à relativiser par rapport à la production iranienne de 1974, qui atteignait 6 millions de barils / jour, mais elle est suffisante pour asphyxier davantage le marché. Surtout, une inconnue demeure quant à la capacité de l’Iran, aidé par l’afflux des investissements étrangers, à rapidement accroître ses capacités productives. On ne peut pas exclure que le pays parvienne plus tôt que prévu à renouer avec une production d’ampleur équivalente à celle du début des années 70.

Dans ces circonstances, le baril de pétrole n’a peut-être pas encore atteint son point bas. Il pourrait chuter encore davantage en direction de la zone des 30-35 dollars mais un niveau en-dessous de ce seuil est peu probable car même l’Arabie Saoudite ferait face à des difficultés financières trop importantes. La guerre des prix fait de nouvelles victimes chaque mois. Au cours des six derniers mois, la production pétrolière américaine a affiché une baisse continue sous l’effet du retrait des acteurs du pétrole de schiste. En cela, la stratégie de l’OPEP est un succès…mais à quel coût ? La baisse du pétrole a fortement contraint les finances publiques de nombreux pays. En récession, la Russie est le prochain grand producteur qui devrait être forcé de jeter l’éponge. En 2016, la production russe devrait connaître un point d’inflexion majeur et chuter, faute de rentabilité des gisements et sous l’effet d’un sous-investissement chronique dans le secteur. L’Arabie Saoudite n’est pas épargnée. Le pays espérait compenser la baisse des prix par un effet volume important en conquérant de nouvelles parts de marché, en particulier en Asie. Ce ne fut pas suffisant pour limiter l’impact financier négatif. Il a été obligé de couvrir une partie de son déficit budgétaire en émettant pour la première fois depuis 2007 de la dette domestique. Etant donné la dégradation rapide de sa situation financière, il est probable que Ryad se tourne, dans les prochains mois, vers les investisseurs étrangers en émettant de la dette extérieure.

La stratégie de l’OPEP se résume à une fuite en avant coûteuse qui souligne la difficulté pour ses pays membres à réduire leur dépendance aux revenus du pétrole et à favoriser la transition vers une économie plus diversifiée. Non seulement la guerre des prix n’empêchera pas l’essor inévitable du pétrole de schiste dans les décennies à venir mais elle constitue, en plus, un élément déstabilisateur de l’économie mondiale qui accentue le risque de récession globale.

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Christopher Dembik est économiste chez SaxoBank.

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