Peter Thiel, l’entrepreneur-philosophe

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Par Damien Theillier Publié le 19 octobre 2018 à 5h55
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7%Aujourd'hui, Peter Thiel, qui a investi 500 000 $ dans le projet, possède environ 7% de Facebook.

Les gros gouvernements bureaucratiques constituent un frein à l’innovation. La créativité doit redoubler pour vaincre leur inertie.

Thiel est considéré dans la Silicon Valley et sur la scène américaine du capital risque comme une légende vivante, non pas seulement comme multi-milliardaire, mais aussi comme penseur libertarien assumé, génie de la finance et spécialiste de l’innovation (il enseigne à Standford sur ce sujet).

Là où nous, Européens, avons appris à considérer le progrès technologique comme une menace, Peter Thiel l’envisage comme la solution à beaucoup de nos problèmes.

Peter Thiel, c’est d’abord l’histoire d’une réussite exceptionnelle. Il naît à Francfort (Allemagne) en 1967. Un an plus tard, ses parents s’installent à Cleveland (Ohio) avec leurs fils, Peter et Patrick. La famille déménage, en 1978, à San Mateo, dans la Silicon Valley.

Diplômé de Stanford en philosophie, élève de René Girard, il poursuit des études de juriste avant de se lancer dans les affaires. En 1996, il fonde le Thiel Capital Management.

Puis, en 1999, à trente-deux ans, il fonde PayPal. En moins d’un an, trois millions de comptes Paypal sont ouverts via le site d’enchères en ligne eBay. La société PayPal est officiellement créée en 2001 et cotée en bourse en 2002. La même année, eBay achète PayPal pour 1,5 Mds$ et Peter Thiel empoche 55 M$.

Selon lui, PayPal est un moyen de transférer de l’argent partout sans aucune restriction. Bloomberg Markets l’exprime ainsi : « PayPal est une question de liberté. Il permet aux gens d’échapper au contrôle des devises et de déplacer de l’argent dans le monde entier. »

En 2004, Mark Zuckerberg, étudiant à Harvard, lance Facebook et sollicite Peter Thiel, qui investira 500 000 $ dans le projet. Il possède aujourd’hui environ 7% de Facebook.

Les effets pervers de l’interventionnisme : le ralentissement technologique

Thiel fait le constat que dans de nombreux domaines, le progrès s’est arrêté à cause des restrictions abusives des gouvernements.

L’innovation des 40 dernières années s’est trop cantonnée à un domaine étroit : micro-ordinateur, internet, logiciel, mobile. Mais rien de vraiment neuf sur le hardware, le transport, la santé, la biotech, l’énergie propre et bon marché, le voyage spatial, les cités sous-marines... Tous ces rêves que l’on avait dans les années 1950 et 1960.

Ainsi, depuis des centaines d’années, l’humanité a cherché à se déplacer plus rapidement – d’abord avec des voiliers plus rapides, puis avec des navires à vapeur et ensuite avec les trains, les automobiles et les avions. Il y a 50 ans, on avait prédit que les avions commerciaux voyageraient à une vitesse de 2 000 milles à l’heure ou plus. Cela ne s’est pas produit.

Le Concorde, qui est devenu le premier avion supersonique commercial en 1976, a été abandonné il y a huit ans. Les avions aujourd’hui ne volent pas plus vite que dans les années 1960 en raison de la réglementation.

En outre, les fonctionnaires américains de la Transportation Security Administration (TSA) ont réussi à augmenter le temps de voyage d’une heure ou deux en ralentissant vainement le traitement des passagers dans les aéroports.

L’énergie nucléaire était censée nous apporter l’électricité bon marché. Mais les réglementations excessivement coûteuses des gouvernements ont fait grimper les prix de l’énergie, en termes réels, après des siècles de baisse.

Après les premiers alunissages, certains prédisaient qu’il y aurait des bases permanentes habitées sur la lune. Aujourd’hui, le programme de la navette spatiale a été abandonné, malgré trois décennies de bon fonctionnement, sans solution de remplacement.

Les autorisations de mise sur le marché de médicaments délivrées par la Food and Drug Administration ne cessent de baisser par rapport à ce qu’elles étaient une décennie plus tôt. Pendant ce temps, on attend la guérison promise pour le cancer, même si des progrès ont été accomplis.

Dans certains secteurs comme l’éducation, la productivité y est même devenue négative. Il en coûte davantage aujourd’hui, en termes réels, pour fournir le même niveau d’éducation dans les écoles primaires et secondaires qu’il y a quatre décennies.

Améliorations incrémentales de l’existant mais pas de « zéro à un »

Malgré les innovations dont elle nous abreuve, l’Amérique est entrée dans une période de stagnation technologique et économique. Les innovations qui nous entourent ne sont que de petites améliorations de technologies existantes, alors que les entrepreneurs devraient créer de vraies nouveautés – et donc passer « de zéro à un ».

Dans son livre Zero to One, Peter Thiel définit les start-ups comme « des petits groupes d’individus réunis par le sentiment d’une mission à accomplir. »

Partout dans le monde, des individus se réunissent pour tenter de résoudre des problèmes et apporter de la valeur aux gens sous la forme de petites entreprises à la croissance ultra-rapide. Ces entreprises remettent en question les modèles pré-établis et les industries existantes. Pensez à Airbnb qui a révolutionné le marché du tourisme, ou encore Uber le marché du transport de personnes.

La prolifération du nombre de start-ups a été rendue possible car le prix de création d’une entreprise et le risque initial à prendre n’ont jamais été aussi faibles. Quand il fallait plusieurs centaines de milliers d’euros pour créer une entreprise et maîtriser tous les aspects de la chaîne de valeur (logistique, production, distribution etc.) il y a quelques années, il est aujourd’hui possible de créer sa start-up pour quelques centaines d’euros. Le tout, depuis sa chambre d’étudiant.

Relancer l’esprit d’entreprise

Thiel concentre la majeure partie de ses efforts philanthropiques sur ce qu’il considère comme des nouvelles idées radicales dans la technologie, le gouvernement et les affaires humaines.

C’est ainsi que Peter Thiel a contribué à fonder en 2008 le Seastading Institute, initié par Patri Friedman, le petit-fils de l’économiste Milton Friedman. C’est un projet de création de villes flottantes autonomes dans les eaux internationales. Il a investi dans ce projet déjà plus de 1,25 M$.

En mai 2011, il annonce la création d’une bourse de 100 000 $ destinée aux étudiants les plus brillants de moins de 20 ans qui abandonneraient leurs études pour créer leur entreprise ou poursuivre des travaux scientifiques. Le programme rassemble déjà une centaine d’actuels et anciens boursiers dont les sociétés représentent une valorisation globale de 1 Md$.

Prendre de vitesse la bureaucratie

Ce n’est pas un secret que les bureaucrates recherchent le pouvoir, notamment le pouvoir de taxer et de réglementer les innovations. En conséquence, les gens ne profitent pas des avantages de la réduction des coûts permises par ces innovations.

Mais il faut un certain temps à l’administration pour comprendre comment réglementer les nouvelles industries. Le secteur privé fait presque tout plus vite, moins cher et mieux que le secteur public. Et le gouvernement n’a pas encore compris comment annihiler internet et les progrès de l’informatique.

On observe ainsi une course de vitesse titanesque entre ceux qui tentent d’innover et les gouvernements qui cherchent à imposer des restrictions réglementaires et fiscales. Il n’est pas surprenant de constater que plus les gouvernements se développent, plus le rythme des progrès technologiques ralentit.

Pour Peter Thiel les innovations technologiques constituent le meilleur moyen de prendre de vitesse les bureaucraties et de maintenir un peu de liberté et de prospérité.

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Damien Theillier est philosophe, enseignant en terminale et en classes préparatoires, fondateur de l’Institut Coppet et de l’Ecole de la Liberté.

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