L’Irak : une pseudo-crise pétrolière ?

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Par Alexandre Lagny Modifié le 29 novembre 2022 à 10h09

Il nous faut revenir 15 ans en arrière... Pourquoi la solution aux prix élevés du pétrole ne serait-elle pas justement... des prix encore plus hauts ?

La dernière crise est celle de l’Irak. Un grand nombre de militants islamistes tentent de prendre le contrôle du pays. Pour certains spéculateurs sans le pétrole irakien, l’économie mondiale pourrait marquer une nouvelle pause et les prix de l’or noir s’envoler à près de 200$ le baril. Si vous avez lu les reportages d’actualité, tels que ceux de la chaîne britannique BBC, la préoccupation est naturellement amplifiée :

« Le prix du baril de Brent a exposé vendredi du fait des inquiétudes concernant les événements d’insurrection en Irak...

Les insurgés ont pris le contrôle de plus de deux villes irakiennes, forçant les Etats-Unis à déclarer qu’ils envisagent toutes les options pour aider l’Irak.

L’Irak est le second plus important producteur de pétrole de l’OPEP. »

Mais attendez une minute. On dirait bien qu’une machine à remonter le temps nous a ramenés en 1999.

C’était alors l’OPEP et le pétrole du Moyen-Orient qui étaient primordiaux. Mais aujourd’hui, il y a bien d’autres endroits où obtenir du pétrole. Les marchés du pétrole et de l’énergie ont connu d’énormes changements durant les 15 dernières années. Et pourtant lorsque vous lisez les actualités concernant les problèmes en Irak, vous pouvez penser que rien n’a changé.

Les grandes différences entre 1999 et aujourd’hui

Il y a deux différences majeures entre l’industrie pétrolière de 1999 et l’industrie que nous connaissons aujourd’hui.

La première est l’avancée de la technologie et le développement de nouvelles de fracturation hydraulique (ou fracking). Les gens collent le qualificatif « révolutionnaire » à un grand nombre de nouvelles technologies. Or toutes le ne sont pas. C’est encore un autre de ces termes trop fréquemment utilisés.

Mais la fracturation hydraulique est une véritable technologie révolutionnaire. Elle a permis aux compagnies pétrolières d’exploiter et puiser dans des réserves qui étaient auparavant inaccessibles via les méthodes de forage conventionnelles.

Et le fracking lui-même n’est devenu possible que grâce aux technologies précédentes de forage horizontal. C’était un moyen pour les exploitants d’orienter le forage pour atteindre un voire deux kilomètres de profondeur.

Avec ces innovations, le dynamisme du marché pétrolier a changé. Les exploitants et producteurs peuvent forer plus profondément, et dans des formations rocheuses plus solides. Le processus de fracturation permet aux foreurs de broyer des roches non-poreuses et donc de laisser le pétrole (et le gaz) remonter à la surface.

Les Etats-Unis sont les plus grands utilisateurs de cette technologie.

Comment le pétrole à 100$ a gommé la crise pétrolière

La seconde différence clé entre aujourd’hui et il y a 15 ans, c’est le prix du pétrole. En 1999, le pétrole cotait moins de 20 $ par baril. Aujourd’hui, il est au-dessus des 100$. Cette différence est importante et il faut la rapprocher des innovations que nous avons mentionnées plus haut.

A 20$ par baril, de nombreuses réserves de pétrole n’étaient simplement pas rentables pour les entreprises privées. Bien entendu dans les pays où ce sont des entreprises pétrolières subventionnées qui forent, les exigences de profit sont différentes. Les pertes de ces entreprises sont compensées par les taxes ou via l’emprunt.

Les sociétés cotées en bourse n’ont pas cette chance. Elles doivent être rentables pour survivre. Si le prix de production excède les recettes, elles ne forent pas. Par conséquent, lorsque le prix du pétrole a commencé à monter dans les années 2000, cela a eu un effet majeur sur la profitabilité du pétrole de schiste. Autrement dit, le pétrole que les foreurs ne pouvaient pas exploiter à des prix plus bas.

Avec un baril à 100$, soudainement cela devient économiquement rentable d’aller chercher ce pétrole enfoui profondément.

Les marchés rétablissent l’équilibre entre l’offre et la demande

Ces dernières années le monde a consommé en moyenne 91,6 millions de barils de pétrole par jour. La production journalière était quant à elle approximativement de 91,4 millions de barils. Ainsi il n’y a pas de forte différence entre l’offre et la demande. Vous devez toutefois imaginer

l’ensemble des puits comme un gros robinet sur lequel il existe une possibilité de réglage.

L’Irak nous est présenté comme un enjeu colossal. Excepté que l’Irak ne produit que 5,5 millions de barils de pétrole par jour, soit 6% de la production mondiale. Selon Businessweek, le pays exporte la majorité de sa production par le port du Golfe Persique de Basra dans le sud du pays – une zone restant éloignée des groupes d’insurgés.

Un arrêt de la production irakienne pourrait largement être compensé par une plus forte utilisation des autres puits dans les autres pays qui ne sont utilisés qu’à moins de 90% dans certains pays importants tels que les Etats-Unis ou le Canada. La marge d'augmentation semble donc insuffisante pour faire face à cette crise qui reste localisée.

Ainsi même dans l’hypothèse où le terrorisme ou une guerre civile engendrerait un arrêt total de l’offre irakienne en pétrole, cela n’affecterait pas le marché. Alors quel en serait l’effet ?

Pour une courte période, cela ferait monter les cours du pétrole. Mais vous savez quoi ? C’est exactement ce dont le marché a besoin pour encourager les producteurs à extraire plus de pétrole.

C’est de cette manière que le marché pétrolier fonctionne. Ce n’est pas comme si toutes les installations de forage tournaient à leur pleine capacité. Les entreprises pétrolières produisent juste ce qu’il faut pour s’ajuster à la demande. Si elles en extraient trop, alors les prix baissent car elles-mêmes ou les acheteurs seront forcés de stocker ce surplus quelque part.

Mais après un pic du prix celui-ci reviendra à des niveaux d’avant crise.

La crise qui n’en est pas encore une

Ce n’est pas la première fois que l’offre en pétrole du Moyen-Orient connait des tensions. Malgré la peur du pic pétrolier et d’une crise globale de l’énergie, le marché saura s’organiser. La seule limite est que pour pomper 1 baril de pétrole, il faut pouvoir consommer en énergie moins de 1 baril de pétrole.

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  Etudiant de première année en école de commerce, passionné d’économie et de finance depuis plusieurs années, Alexandre Lagny est un contributeur des Publications-Agora depuis plus de six mois dans le cadre d’un stage.       

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