Comme le soulignait le dernier rapport annuel sur la santé de l’enfant de la défenseure des droits publié en novembre, notre pays fait face à un manque criant et persistant « de professionnels du soin et de structures adaptées » en matière de santé mentale des enfants. Soit la situation n’est pas nouvelle puisque, en matière de pédopsychiatrie, la demande a toujours excédé l’offre de prise en charge. Mais, jamais elle n’a été aussi critique qu’aujourd’hui.
Aggravée par la pandémie de COVID-19, elle se traduit par une incapacité générale à prendre en charge tous les patients, et le sentiment chez beaucoup de professionnels d’être prisonniers d’un cercle vicieux. L’offre pédopsychiatrique en France est insuffisante. Au niveau d’un établissement comme le nôtre, cela se mesure très concrètement. Alors qu’il y a encore deux ans une quinzaine d’enfants et adolescents étaient sur la liste d’attente, ils sont désormais cinquante. Beaucoup ne pourront être pris en charge.
Baisse des vocations, baisse d’attractivité
Au-delà de la crise sanitaire que nous traversons et qui a indéniablement aggravé la situation, les métiers de la santé mentale de l’enfant traversent une crise profonde. Au numerus clausus qui a contraint la formation et le recrutement de pédopsychiatres et ne permet donc pas de pallier le déficit chronique que connaît la spécialité – 1 500 postes manquent rien que dans le secteur public – viennent s’ajouter l’épuisement général de tous les professionnels qui composent nos équipes et une attractivité en berne de nos métiers. Conditions de travail difficiles, manque de reconnaissance et rémunérations peu attractives en sont les principales causes. Les challenges sont donc nombreux si l’on souhaite changer la donne en faveur d’une pratique qui nécessite avant tout et impérativement du temps et de l’écoute.
La question incontournable des moyens
Bien sûr, la question des moyens n’est pas tout. Pour autant, elle est un préalable à toute amélioration de la situation de la pédopsychiatrie en France. Et cela commence par une nécessaire revalorisation de tous ses métiers, levier essentiel pour leur rendre l’attractivité qui leur manque, pour susciter des vocations et fidéliser tous ceux qui ont courageusement choisi de se lancer dans l’aventure.
Mais soyons lucides. Même actée, cette revalorisation de nos métiers mettra du temps – probablement une décennie – à produire ses effets. D’ici là, il est urgent de soutenir et de renforcer toutes les formations courtes qui nous permettront de passer le cap de ces temps difficiles : infirmières et infirmiers de pratiques avancées, psychologues spécialisés, pour ne citer que ceux-là.
Une pédopsychiatrie qui innove pour une meilleure prise en charge des enfants
Comme l’expliquait récemment le Dr. Jean Chambry dans une tribune, il est aujourd’hui très difficile pour les patients enfants et adolescents d’avoir accès aux soins. D’autant que le déficit chronique de professionnels s’accompagne d’un phénomène de « déstigmatisation » de l’accès à la psychiatrie dans notre société. Que ce soit à l’école ou dans les familles, le sujet de la santé mentale des enfants et des adolescents est rendu de plus en plus visible. Un changement dont on ne peut que se féliciter même s’il rend les déficits et les carences du système encore plus patents.
Pour autant, face à cet enjeu majeur, et au-delà de la sempiternelle question des moyens, les professionnels de la pédopsychiatrie font preuve de ressource et continuent d'innover et de se réinventer.
Ils ont d’abord su mettre la question de la psychiatrie des enfants et des adolescents dans le débat public. Chaque jour, ils revisitent organisations et processus de prise en charge ; font en sorte d’intégrer toutes les parties prenantes essentielles au jeune patient : sa famille, l’école et ses enseignants, les professionnels de santé, etc. Surtout, ils explorent et favorisent toutes les alternatives à l’hospitalisation et à l’institutionnalisation. Un changement majeur rendu possible grâce à une prise en charge précoce, un suivi et une proximité renforcés - dans des hôpitaux de jour notamment - mais aussi grâce une offre de soins plus large et plus mobile (dispositif d’équipes mobiles et “d’aller vers”) qui ne demande qu’à se développer.
Certes, la situation de la pédopsychiatrie en France est complexe mais la résilience et l’engagement de tous ses professionnels nous obligent. Les difficultés sont identifiées ; les solutions aussi.