Le resserrement monétaire mondial, la force du dollar, la faiblesse des matières premières mais aussi les craintes sur la croissance dues à la guerre commerciale constituent un cocktail particulièrement indigeste pour les pays émergents.
Point de marché : l’exode italien
Excellent papier de Bruegel, le « think tank » bruxellois, sur les flux d’investisseurs italiens durant les derniers mois.
Les points principaux sur les mouvements de mai et juin sont :
- Les données de balance des paiements fournies par la Banca d’Italia montrent des sorties sur le poste « investissement de portefeuille » (i.e. ventes d’étrangers) de 33 milliards en mai et de 42 en juin.
- La partie la plus importante, on s’en doute, est la dette d’Etat : 25 milliards de sorties en mai, 33 en juin.
- La dette bancaire a été affectée aussi : 6,7 milliards de ventes en mai, 4 milliards en juin.
- En contrepartie, les banques italiennes ont acheté 28 milliards sur les deux mois.
L’article compare aussi l’épisode récent avec les deux précédentes crises : 2011-2012 et décembre 2016
- La configuration est très similaire avec trois caractéristiques communes : (1) retrait des étrangers, (2) ventes essentiellement concentrées sur les titres gouvernementaux, voir graphique ci-dessous, et (3) les banques domestiques comme principale contrepartie.
- La différence majeure est la violence du mouvement. C’est bien plus marqué que sur les deux crises précédentes.
Avec une conclusion sans appel :
« Au total les faits présents sembleront très familiaux à ceux qui ont observé la balance des paiements italienne durant la crise souveraine.
Ce qui devrait inquiéter, toutefois, c’est la amplitude des sorties de capitaux récentes en comparaison de la crise de 2011-2012.
Ceci suggère que les investisseurs deviennent de moins en moins patients avec le risqué politique, et qu’il n’y a pas de marge d’erreur pour le gouvernement »
Et maintenant l’Afrique du Sud
Après la Turquie, nous avions parlé des deux maillons faibles suivants : Brésil et Afrique du Sud. Le real brésilien a été sous pression, avec une élection particulièrement indécise qui n’aide pas à restaurer la confiance des investisseurs.
Ce mardi 4 septembre 2018, c’est au tour du Rand sud-africain d’être attaqué (-3.35% sur la journée). La raison : un chiffre de PIB sur le T2 à -0,7% (en glissement trimestriel annualisé), bien en deçà des attentes à +0,6%, et avec un chiffre pour le T1 révisé de -2,2% à -2,6%.
Dans le cas sud-africain, tout comme dans le cas brésilien, les fondamentaux sont beaucoup plus solides qu’en Turquie et ne justifient pas une crise de l’ampleur de ce que l’on a vu sur la lire. Ce n’est donc pas notre scénario central. Le resserrement monétaire mondial, la force du dollar, la faiblesse des matières premières mais aussi les craintes sur la croissance dues à la guerre commerciale constituent néanmoins un cocktail particulièrement indigeste pour les pays émergents. Une défiance aigüe des marchés n’est donc pas impossible, ce qui entrainerait les deux pays dans une crise « à la turque ». Dans ce cas, on ne pourrait plus s’abriter sous l’argument de mauvaise gestion chronique de l’économie turque, il s’agirait alors d’une vraie crise généralisée des pays émergents.
Guerre commerciale, ou pas
Le marché devrait continuer à réagir aux nouvelles sur la guerre commerciale. Si les négociations entre Etats-Unis et Chine semblent dans l’impasse, les négociations avec le Canada doivent reprendre aujourd’hui alors que la date butoir de la semaine dernière n’a pas été respectée. L’agenda de négociation après l’accord avec le Mexique était extraordinairement court et l’échec des négociations la semaine dernière était prévisible. Il est fort probable que des avancées soient annoncées cette semaine.
Il faut rappeler que les Etats-Unis ont un surplus commercial avec le Canada, 12,5 milliards de dollars en 2016. La phobie anti-déficit de Trump ne s’applique donc pas vraiment au Canada.