Vendredi 14 novembre, la Commission européenne a rendu publique sa lettre officielle adressée aux Pays-Bas et informant le pays qu’elle enquêtait sur des aides d’État supposées illégales au profit de la chaine américaine Starbucks Coffee.
Starbucks, Apple, Fiat…
Ce n’est pas la première fois que la Commission s’intéresse au cas particulier d’une entreprise dans un pays donné. On se rappelle l’enquête mise en place en Irlande au début de l’automne 2014 sur le cas d’Apple et celle de Fiat au Luxembourg. Cette procédure, habituelle pour la Commission, arrive cependant une semaine à peine après le scandale des « Luxleaks ». De quoi donner une bonne image aux instances européennes.
Plus largement, cela montre aussi un détail que l’on pouvait difficilement deviner : les Pays-Bas sont un havre de paix pour les entreprises cherchant à minimiser leur imposition et le Luxembourg n’est pas le seul paradis fiscal en Europe. Le cas Starbucks auquel la Commission s’est intéressée porte sur deux entités néerlandaises du géant américain : Starbucks Manufacturing BV, une grillerie géante de café, et Starbucks Coffee BV, le siège social du groupe pour l’Europe et le Moyen-Orient.
Starbucks Manufacturing BV achète des grains de café auprès d’une entité basée en Suisse et les revend ensuite aux magasins Starbucks dans toute l’Europe. À ce titre, Starbucks Manufacturing BV ainsi que Starbucks Coffee BV doivent payer des royalties notamment pour l’usage de la marque Starbucks, mais aussi pour rémunérer l’acheminement du café aux magasins gérés par une entité britannique, Alki, une boite aux lettres qui ne paie pas d’impôts au Royaume-Uni…
Des accords sur les prix de transfert
La Commission s’est intéressée aux accords fiscaux que le groupe Starbucks a signés avec le gouvernement néerlandais en 2008. Ces accords portent sur des « arrangements sur des prix de transferts à venir ». Après les analyses de Bruxelles, les conclusions sont assez surprenantes : les prix de transfert entre la société suisse et les magasins ne reflètent en aucun cas les prix du marché.
Le problème est que c’est grâce à ces accords sur les prix de transfert que la taxe aux Pays-Bas a pu être réduite, mais aussi grâce aux royalties reversées à Alki. Sans la signature de cet accord, le taux d’imposition de Starbucks Manufacturing BV aux Pays-Bas aurait dû passer de 36 % à 66 %, soit un écart de 30 %.
Ce cas serait semblable à celui d’Amazon au Luxembourg sur lequel la Commission est aussi en train d’enquêter : encore une fois des prix de transfert entre plusieurs filiales du groupe et finalement beaucoup d’argent qui s’en va vers une boite aux lettres non imposée.
Pour l’instant, la Commission européenne n'a toujours pas conclu à l’existence d’aides d’État entre Starbucks Coffee et le gouvernement des Pays-Bas. C’est au printemps 2015 que Bruxelles rendra une décision sur ce cas ainsi que sur celui d’Apple en Irlande et de Fiat au Luxembourg. Néanmoins, on remarque l’émergence d’une vraie fiscalité à deux vitesses dans laquelle les grands groupes réussissent à échapper à certains impôts pendant que les autres paient plein pot.