Longtemps peu considéré, le football féminin provoque un véritable engouement depuis le début des années 2010, comme le soulignent à la fois la hausse du nombre de licenciées ainsi que celui de téléspectateurs. Malheureusement, l’aspect financier reste à la traine, à l’image de la parité salariale homme/femme qui n’a jamais connu de réelle amélioration. Ironiquement, inverser cette tendance dépend directement de ceux qui la pointent du doigt : les supporters.
Affirmer qu’il existe une disparité salariale dans le monde du football est un euphémisme, car si le salaire moyen des footballeurs de Ligue 1 - bien que probablement faussé par celui de certaines stars du PSG – frôle les 100 000 € bruts par mois, la moyenne chez les footballeuses est de l’ordre de 2500 € bruts. Même constat si l’on prend en compte les plus gros salaires, tous championnats confondus, alors que celui de Messi dépasse les 70M d’euros annuels, hors publicités, la joueuse la mieux payée au monde, Samantha Kerr, plafonne à environ 600 000 € (1) bruts annuels.
Un écart saisissant qui, pourtant, est facilement explicable : les salaires des joueurs dépendent presque directement des revenus des clubs, lesquels reposent sur trois piliers : billetterie, droits TV et revenus commerciaux, et c’est précisément là où ces inégalités naissent.
La dernière Coupe du Monde de football féminin laissait pourtant penser qu’un cap avait bel et bien été franchi. Plus de 11,8M de téléspectateurs avaient assisté à la demi finale France / USA ; à titre de comparaison, ils étaient 20,9M devant la finale masculine France / Croatie en 2018, mais cette popularité soudaine ne s’est bien entendu pas réellement inscrite sur la durée. Certes, les Bleues réalisent toujours des performances, mais les audiences réalisées par les clubs sont beaucoup plus nuancées.
Alors que la finale de la Champions League (F) entre Lyon et Wolfsburg avait attiré 1,7M de téléspectateurs en France fin août 2020, celle qui opposait le PSG au Bayern Munich (H) en avait attiré 11,4M. Avec un rapport de presque 1/7, on ne peut que constater les limites de l’effet « Coupe du Monde ».
Même constat du côté de l’affluence dans les stades. Au début de la saison 2019/2020, quelques semaines avant la crise de la covid-19 et de l’arrêt du championnat, l’affluence moyenne de Lyon (F) à domicile – pourtant un des meilleurs clubs d’Europe - dépassait difficilement les 5000 spectateurs. Côté hommes, l’affluence moyenne au Parc des Princes était supérieure à 47 000 (2) à la même époque.
Source : https://www.footofeminin.fr/
Néanmoins, le secteur commercial demeure celui disposant de la plus grande marge de progression, notamment du côté des sponsors, et là encore, paradoxalement, tout repose sur le public.
L’essor du PSG (H) au cours de la dernière décennie aura permis de mettre en lumière combien sponsoring et popularité sont étroitement liés. En effet, la visibilité des joueurs et des équipes sur les réseaux sociaux détermine presque directement les investissements que les sponsors sont disposés à réaliser. Les plus grands clubs de football masculin y sont omniprésents, et parviennent à capitaliser sur leurs stars, qui deviennent par la suite eux-mêmes de véritables brand-players, autrement dit, des ambassadeurs de leurs équipes respectives auprès des sponsors.
Toutefois, les derniers chiffres obtenus par l’institut IQUII soulignent combien cette tendance est peu, voire inexistante dans le monde du football féminin. La fanbase de D1 compte actuellement 1,2M de followers, en Angleterre, championnat le plus suivi au monde, elle atteint 14,7M, et en Italie, elle ne parvient même pas à atteindre les 350K de followers.
A l’inverse, la popularité du football masculin atteint des sommets, les clubs de Premier League peuvent se vanter d’avoir 575M de followers à eux seuls. La Ligue 1, de son côté, en dispose de presque 135M et la Serie A atteint quasiment les 224M des fans (3) Un fossé impressionnant, miroir des inégalités salariales.
De plus, ce manque de popularité est également présent parmi les joueuses. Alors que la tendance des brand-players est en hausse chez les hommes, où la notoriété de certains joueurs dépasse celle de leur club, voire même de leur championnat, on peut prendre pour exemple Cristiano Ronaldo qui dispose de 267M d’abonnés rien que sur Instagram, leurs homologues féminins ne rencontrent qu’un succès très limité sur ces mêmes plateformes.
La détentrice du ballon d’or et championne du monde, Megan Rapinoe, dispose de 2,2M d’abonnés sur Instagram, soit moins que certains espoirs du football masculin, ayant à peine débuté leur carrière professionnelle.
Au final, la parité salariale dans le monde du football dépend donc directement de ses supporters. L’amélioration des audiences n’est en soi qu’un premier pas dans la bonne direction et demeure perfectible. Seule une plus grande affluence dans les stade - quand le retour du public sera possible - et une plus grande popularité des clubs ainsi que des joueuses sur les réseaux sociaux pourrait permettre au football féminin d’évoluer financièrement parlant.
Un tel pas a déjà été franchi dans le monde du Tennis, et il ne reste plus qu’à savoir si celui du ballon rond en sera capable à son tour dans un futur proche.
1) Forbes
2) https://www.transfermarkt.fr/ligue-1/besucherzahlen/wettbewerb/FR1/saison_id/2019
3) IQUII