Paradise papers : à chacun son interprétation ! 2/2

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Par Jacques Martineau Publié le 18 novembre 2017 à 5h00
Paradise Papers Analyse Optimisation Fiscale
@shutter - © Economie Matin
20 milliards ?L'optimisation fiscale coûte 20 milliards d'euros à l'Etat.

Cette enquête mondiale, révélatrice de nombreuses faiblesses, a pour but de remettre à l’ordre du jour l’incapacité pour les Etats membres de l’OCDE de contrôler aujourd’hui les mouvements de fonds à l’étranger de sociétés multinationales, de grands groupes internationaux, tout comme ceux de grandes fortunes.

A chacun son interprétation face à ces révélations

Il y a différentes façons d’appréhender le problème :

- Une des façons d’appréhender la critique : ces opérations sont d’abord et avant tout légales. Elle est la plus simple et elle est optimiste. Et à partir du moment où elles ne portent pas préjudice au pays d’origine des bénéficiaires de ces règles, il n’y a aucune raison de les remettre en cause. Dans ce cas, le problème soulevé n’en est plus un…

- Un autre regard, c’est un manque à percevoir qu’il faudra compenser et difficile à comprendre par le contribuable. Ces mécanismes, véritables « usines à gaz » et leur complexité cachée ont pour but de s’affranchir de l’impôt dans le pays d’origine (> 350 Md€ pour l’ensemble de l’OCDE, > 85 Md€ pour l’UE, > 20 Md€ pour la France). Certains commentateurs n’hésitent pas à parler d’un « vol fiscal », légalement autorisé. A titre d’exemple, le simple fait de ne plus payer de TVA en toutes circonstances ne dérange personne. Des avantages fiscaux offshore incontestables, mais au bout du compte qui paiera ? Bien entendu, le citoyen. Ce sont les contribuables et les PME qui serviront de variables d’ajustement. Ils et elles devront se serrer la ceinture ! C’est profondément injuste !

- Mais, ces montages financiers ne sont pas des « effets du hasard » occasionnels. Il y a aussi une autre façon d’interpréter toutes ces révélations. Face aux montants affichés, compte tenu de l’implication de la quasi totalité des multinationales, il est nécessaire d’en parler. Il faudra combattre en priorité l’opacité, développer la transparence et trouver les moyens d’agir !

- A l’origine de ces montages, destinés à favoriser le profit des actionnaires, on doit prendre en compte le taux trop élevé des impôts et taxes sur les sociétés. En France, c’est un vrai souci. Mais les coûts salariaux et sociaux sont autant de paramètres libres d’un pays à l’autre. Même dans l’Union européenne, le handicap est concret pour la majorité des salariés, il dépasse largement celui des seuls travailleurs détachés. Cela soulève un point essentiel, celui d’une harmonisation fiscale au niveau international, autrement dit impossible.

- En termes de concurrence, la situation actuelle en France est inquiétante. Cependant, la période de croissance annoncée pour 2018 est plus favorable pour agir et faire évoluer les règles fiscales. A condition de savoir ce que l’on veut faire ! Mais attention, salariés, entrepreneurs et actionnaires doivent pouvoir profiter des réformes. C’est fondamental. Chez nous, les retraités ne peuvent pas continuer être la solution facile pour pallier en continu à tous ces manques ! C’est pourquoi encore une fois, dans chaque pays, pour le gouvernement, c’est le retour au chacun pour soi qui va prédominer…

Quel sens donner à une liste noire ? Que fait l’Union européenne dans tout ça ?

La notion de liste noire se précise. Au niveau de l’UE. Il faudra éviter de se précipiter. On peut toujours établir une liste de pays qui abrite ces multiples agences, trusts, sociétés écrans, cabinets conseils tels qu’Appleby et ces kyrielles d’avocats prêts à proposer toutes sortes de solutions. On les retrouve facilement dans la presse. L’Union européenne s’est prononcée. Elle dénombre au minimum 12 paradis fiscaux. Parmi les plus mis en cause, on relève, l’Ile de Man et les Iles Caïman. Elles sont sommées de modifier leur politique fiscale d’ici un mois, sous peine de sanctions ! Lesquelles ? D’illusion en illusion…

Quant à l’Union européenne, il est important de réaffirmer qu’elle est très en retard. Elle ferait bien avant de vouloir donner des « leçons » d’apprendre à balayer devant sa porte. Sans entrer à nouveau dans les détails, on sait que l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas sont déjà, à une autre échelle, aussi des paradis fiscaux, sans oublier Malte… Quant à l’Ile de Man, déjà mentionnée, comme Jersey, Guernesey, etc., toutes bénéficient de régimes spéciaux ! Tous ces pays particuliers n’ont aucun souci à se faire puisque l’Union européenne a décidé de n’en mettre aucun sur cette liste noire !

Chaque pays ayant la maîtrise légale de sa législation fiscale, il n’y a aucune harmonisation possible actuellement. L’unanimité est requise pour adopter une règle fiscale commune. Autant dire que ce n’est pas demain la veille que nous parviendrons à un accord. Alors pour ce qui concerne les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ils ont l’avenir devant eux, malgré les propos directs de Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la Concurrence. Quant aux réactions en France, elles sont restées très discrètes. Ni le chef de l’Etat, ni son premier ministre n’ont éprouvé le besoin de s’exprimer officiellement, laissant sur le bas-côté la question de l’optimisation fiscale !

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Après un long parcours scientifique, en France et outre-Atlantique, Jacques Martineau occupe de multiples responsabilités opérationnelles au CEA/DAM. Il devient DRH dans un grand groupe informatique pendant 3 ans, avant de prendre ensuite la tête d'un organisme important de rapprochement recherche-entreprise en liaison avec le CNRS, le CEA et des grands groupes du secteur privé. Fondateur du Club Espace 21, il s'est intéressé aux problèmes de l'emploi avec différents entrepreneurs, industriels, syndicalistes et hommes politiques au plus haut niveau sur la libération de l'accès à l'activité pour tous. Il reçoit les insignes de chevalier de l'Ordre National du Mérite et pour l'ensemble de sa carrière, le ministère de la recherche le fera chevalier de la Légion d'Honneur.

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