De l’incohérence entre les principes de la République et ceux du libéralisme

Par Bertrand de Kermel Publié le 15 avril 2013 à 12h15

Un des principes fondamentaux de la République, figurant dans le préambule de notre constitution dispose que «Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés contributives». (article 13 de la déclaration des droits de l'Homme).

Malheureusement, un autre principe lié au libéralisme, bat en brèche le précédent : il s'agit de la libre circulation des personnes, des capitaux et des biens. Ce deuxième principe (qui n'a jamais été encadré ou régulé à minima), a acquis la même valeur que la déclaration des droits de l'Homme.

Cela entraine deux conséquences :

Il permet légalement à tout citoyen de s'affranchir de l'article 13 de la déclaration des droits de l'Homme, en s'exonérant de l'impôt, via la délocalisation fiscale.
C'est aussi grâce à ce principe que les multinationales fixent elles-mêmes le montant et le lieu de l'impôt sur les sociétés qu'elles veulent bien payer, via la technique des prix de transferts intra groupes. Pour cela, elles dirigent leurs bénéfices sur les paradis fiscaux. En France, les multinationales payent 9% d'IS, contre 32% pour les PME.

Par ailleurs, c'est à cause de ce principe de liberté que la réalité du pouvoir a été transférée au secteur économique et financier.

Aujourd'hui, tout citoyen ou toute entreprise mécontente par une décision politique a le choix de partir, quelles qu'en soient les conséquences financières et sociales. Cela permet un formidable chantage (à la fermeture d'usines par exemple) auquel les politiques ne résistent jamais. La corruption, la faiblesse des Hommes, et la nécessité de financer les campagnes électorales font le reste. On aboutit à l'abus d'influence des lobbies

La conséquence de ce qui précède nous a cyniquement été donnée par le Figaro Magazine du 1er mars 2013, qui titrait : « ces réseaux qui ont pris le pouvoir ». En clair, l'influence du secteur économique et financier est devenue abusive.

A ceux qui contestent cette analyse, estimant que ce principe de liberté est fondamental et qu'il est logique qu'il supplante l'article 13 de la déclaration des droits de l'Homme, je suggère de répondre à la question suivante :

Imaginez que la France soit une copropriété, et que vous soyez propriétaire d'un petit studio au rez-de-chaussée. Un jour, les propriétaires des appartements de 500 m2 avec piscine situés au 8ème étage décident ne plus payer leurs charges, notamment les charges d'ascenseur et celles du chauffage collectif, tout en continuant d'occuper les lieux six mois par an. Du coup, vos propres charges augmentent de façon vertigineuse (car il faut bien payer les prestataires).

Cette situation vous semble-t-elle normale, juste, équitable et durable ?

Etant donné le lien direct entre les dérives de la vie publique et la pauvreté, le Comité Pauvreté et Politique, dont je suis le Président, vient de transmettre une note de travail au Président de la République sur ce sujet d'actualité.
Vous la trouverez en cliquant ICI.

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Ancien directeur général d'un syndicat patronal du secteur agroalimentaire, Bertrand de Kermel est aujourd'hui Président du comité Pauvreté et politique, dont l'objet statutaire est de formuler toutes propositions pour une "politique juste et efficace, mise délibérément au service de l'Homme, à commencer par le plus démuni ". Il est l'auteur de deux livres sur la mondialisation (2000 et 2012)

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