Sourde aux reproches sur sa politique de Santé, Marisol Touraine, bille en tête, continue de prôner une approche de la lutte contre le tabac fondée sur la limitation des libertés individuelles, l'infantilisation et la répression. Dernière lubie en date : augmenter de façon démentielle le prix du paquet, qu'elle voudrait voir passer à 10 euros. L'équation est pourtant toujours posée selon les mêmes termes : vider les bureaux de tabac ne fera que nourrir le marché parallèle. L'exemple australien le montre.
Invitée du Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI dimanche 21 février, la ministre de la Santé Marisol Touraine a confirmé son souhait de voir le prix du paquet de cigarettes passer la barre des 10 euros. Si les courbes des prix du tabac et de la consommation, inversement proportionnelles, semblent plaider en faveur de la mesure, la ministre néglige pourtant de prendre en compte un paramètre important. Les chiffres de la consommation de tabac s'appuient sur ceux des ventes au sein du réseau de distributeurs légaux, c'est tout. Si ces ventes baissent, celles du marché parallèle suivent en revanche une courbe ascendante : en France, selon KPMG, 26,3 % des cigarettes achetées le sont hors réseau officiel, soit plus d'une cigarette sur quatre. Avec 8,9 milliards d'unités illégales consommées en 2014, la France est championne d'Europe de la contrebande et de la contrefaçon. Un titre dont elle se serait bien passée, puisqu'il représente un manque à gagner de 2,4 milliards d'euros.
Alors oui, faire passer le prix du paquet à 10 euros, politiquement, c'est fort, la marche est symbolique, ça donne l'impression d'une vraie détermination à lutter contre le tabagisme, ça renvoie l'image d'une ministre prête à mettre à genoux l'industrie du tabac. Mais dans les faits, en plus de donner un coup de pouce à la criminalité, ça veut dire quoi ? Pour Bernard Gasq, président de la Chambre syndicale des buralistes de Paris et sa couronne, c'est simple : la fin de sa profession. 100 000 emplois sont concernés. Au micro de RTL, l'homme propose une alternative : « Il faut qu'ils fassent de la prévention dans les écoles, pour que les jeunes « n'y aillent pas » (...) Regardez sur la route, ils ont réussi à faire baisser le nombre de morts, mais ils n'ont pas taxé les autos. »
Toujours sur RTL, Claude, un auditeur, ne dit pas autre chose : « plus on augmente le paquet de cigarettes plus les gens vont se retourner sur le marché noir et plus on aura une perte fiscale importante, voire un pan de l'économie qui va s'effondrer. » Un avis partagé par tous, ignoré par Marisol Touraine. Une attitude qui rappelle celle qu'elle avait adoptée lors du débat sur le paquet neutre, où elle avait élevé la politique de l'autruche au rang d'art, restant sourde au concert de mise en garde qui se jouait dans les médias et sur les bancs de l'Assemblée. Un concert dont les rappels ne sont d'ailleurs toujours pas terminés, sans que cela semble affecter davantage la ministre.
Ainsi, le 17 février, les planteurs de tabac de France publiaient un communiqué dans lequel ils se déclaraient « excédés » par le « lynchage médiatique » et les brimades politiques dont ils font l'objet. Point d'orgue de leur exaspération, le paquet neutre, qui devrait éroder leur compétitivité, puisqu'il ne leur permettra plus de mettre en avant la qualité de leurs produits : tabac bio, tabac à chicha ou produits du terroir du Sud-Ouest.
Des propos qui font écho à ceux tenus il y a peu par Nicolas Sarkozy, qui tentait de démontrer la dangerosité de la mesure en envisageant qu'elle concerne d'autres produits : "Si nous acceptions le paquet de cigarettes neutre, dans six mois on vous proposera la bouteille de vin neutre et s'en sera fini de nos appellations, et s'en sera fini de nos terroirs, et s'en sera fini de la défense de notre savoir-faire". Car oui, n'en déplaise à certains, la France est bel et bien le lieu d'un certain savoir-faire en matière de tabac. « Ce secteur agricole regroupe plus d'un millier de petites et moyennes exploitations sur 35 départements et emploie en direct plus de 6 000 personnes » rappelle la Fédération nationale des producteurs de tabac de France. En plus de leur porter un coup fatal, le paquet neutre organisera la mise sur le marché d'un tabac de moins bonne qualité, donc plus dangereux.
Pour Claude Evin, pourtant pas le dernier lorsqu'il s'agit de lutter contre le tabagisme, puisqu'on lui doit la loi interdisant de fumer dans les lieux publics, le paquet neutre « n'est pas une mesure qui incite à l'arrêt du tabac ». Il ajoute : « Si un fumeur n'a pas décidé d'arrêter, paquet neutre ou pas, il ira acheter ses cigarettes ». Des propos que vient corroborer le cas australien. Seul pays à avoir mis en place le paquet neutre (en 2012), l'Australie n'a depuis pas connu de diminution de la consommation de cigarettes au-delà de la tendance de base, légèrement à la baisse depuis des décennies. Pire, la mise en place du paquet neutre s'est accompagnée d'un boom de l'ordre de 25 % du marché noir en 2014. Bref, en un mot comme en cent, vouloir lutter contre le tabagisme c'est bien, le faire avec un peu de bon sens sanitaire et économique c'est mieux.